Cet article fait suite à la lecture du livre Cradle to Cradle dont la version traduite en français est parue en ce début d’année 2011, il s’agit également d’une réflexion complémentaire à un article rédigé début 2010 : De l’économie de produits à l’économie de service
Pendant des décennies nous avons intégré des substances chimiques toxiques dans tous les produits électroniques, particulièrement le plomb et le mercure. Ces deux métaux lourds ont pollués nos sols (qui resteront contaminés pendant encore des décennies), sans compter les impacts sur la santé humaine.
Depuis quelques années, la Commission Européenne tente d’inverser cette tendance en interdisant aux fabricants de composants électroniques l’usage de certaines substances toxiques pour l’homme et l’environnement. Les directives européennes les plus connues sont RoHS et REACH.
RoHS (Restriction of Hazardous Substances) restreind l’usage de produits tel que le plomb, le cadmium, le mercure, et bientôt le PVC et les retardateurs de flamme bromés.
REACH (enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des produits chimiques) renforce le contrôle de certaines substances chimiques avant leur mise sur le marché.REACH est marginale dans le secteur de l’informatique. En revanche, RoHS touche en revanche tous produits électroniques : écrans, téléphones, ordinateurs, etc.
Pourquoi ce rappel ?
L’interdiction de certaines substances chimiques toxiques n’est pas forcément une aussi bonne nouvelle qu’il y paraît. Malgré les dangers que représentent ces substances chimiques toxiques, l’industrie a su s’adapter pour mettre en place des systèmes de collecte afin de les recycler comme des matières premières parfaitement exploitables sans perte de qualité. Une pure logique Cradle to Cradle.
Les nouvelles réglementations poussent les industriels à trouver de nouveaux produits de remplacement, dont très peu de personnes connaissent l’identité chimique (à part les fabricants eux même). L’impact environnemental et sanitaire de ces nouvelles molécules nous est encore inconnu en raison du peu de recul dont nous disposons. De plus s’agissant de nouvelles substances, qui sait aujourd’hui les recycler et les réutiliser aussi bien que peuvent l’être le plomb et le mercure ? Ne sommes-nous pas entrain de faire un brusque retour en arrière alors que nous venions juste d’apprendre à maîtriser l’impact des anciennes substances ?
De plus, alors que les ressources en matières premières commencent à s’épuiser à la surface du globe, l’application de ces nouvelles directives ne fait qu’accentuer la surexploitation de nos ressources naturelles, engendrant de nouvelles pollutions, de nouveaux impacts sociaux et sanitaires. Aujourd’hui malgré la toxicité de certaines substances nous sommes à même de pouvoir les exploiter tout en isolant leur toxicité de la manipulation humaine avant la fin de vie et le recyclage, ce qui n’est pas forcément le cas des nouvelles molécules.
L’exemple des batteries est le plus criant. Les batteries automobiles au plomb (donc très toxiques) sont aujourd’hui parfaitement recyclées au même titre que nos piles usagées. Que dire des nouvelles batteries Lithium, Li-po, et j’en passe… ? Combien vont se retrouver à polluer nos sols avant que nous ne trouvions une façon de les recycler parfaitement ? Ne risque-t-on pas de se retrouver avec une nouvelle réglementation qui imposera aux industriels de supprimer ces nouvelles substances pour les remplacer par de nouvelles ? Et ainsi de suite ? Je ne cite dans cet article que le plomb et le mercure. Mais il y a fort à parier que cela s’applique pour bien d’autres substances qui furent supprimées au profit de nouvelles peu maîtrisées.
Le scandale des ampoules fluo-compactes en est un autre exemple, les décideurs européens n’ont retenu que les économies d’énergie potentielles (quelques mois dans l’année dans un pays tempéré comme la France), sans considérer leur empreinte écologique globale (fabrication et fin de vie) et sans appliquer le principe de précaution (rayonnement électromagnétique).
Ces règlementations permettent certes de mettre un frein à l’exposition aux substances toxiques des recycleurs à main nue des pays émergents et pays pauvres alors que nous possédons sur nos territoires des technologies capable de recycler en toute sécurité. N’est-ce pas là le rôle des directives DEEE, des gouvernements et des entreprises que d’interdire l’exportation de nos déchets dans d’autres pays, plutôt que de chercher des solutions palliatives à la contamination des pays pauvres.
Lors des prises de décisions, toutes les parties sont-elles vraiment réunies autour de la table ? Les vraies questions sont-elles vraiment posées ? Ne prenons nous pas des décisions trop rapidement sans analyser parfaitement des systèmes aussi complexes ?