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Surface de projection consensuelle

Publié le 14 juin 2011 par Vogelsong @Vogelsong

« Le totalitarisme c’est quand l’État observe le peuple, pas l’inverse » M. Iacub à E. Woerth

Surface de projection consensuelle. Comme un oracle, ce concept de marketing politique résume les éléments qui font du vulgaire quidam, un homme d’État. Les présumées affaires de mœurs impliquant le haut du panier de la démocratie française éclairent d’une lumière crue les contradictions internes d’un système de valeurs. Par extension, hors du schéma délictueux, on réclame à la fois un comportement privé irréprochable et une efficacité dans la gestion des affaires publiques. Or le surhomme politique, l’idéale projection fantasmatique du peuple n’existe pas. La question de savoir si un Homme politique doit être, dans sa vie privée, vertueux ne se pose plus, tant les échecs dans la pratique sont patents.

Surface de projection consensuelleLa pensée simpliste selon laquelle les histoires d’alcôves, de chambre à coucher n’ont rien à voir avec les qualités intrinsèques du politicien pour exercer ses mandats, relève d’une analyse partielle de la situation. La maturité démocratique selon cette approche voudrait que l’on fasse gré aux représentants du peuple de leurs turpitudes, en ne tenant compte que de leurs résultats sur la collectivité. Une approche de la morale qui ne se définit plus selon les valeurs, mais selon les conséquences des actions. Une société mature alors, acclamera le pire cynique, la crème de l’égoïsme, le roi de la trahison à condition qu’ils trouvent des solutions aux problèmes socio-économiques. On se fiche bien qu’il se paie des montres à 50 000 euros où qu’il découche, dès l’instant où le chômage passe sous la barre des 3%.

Par extension encore, se pose la question de l’exemplarité tant louée par les politiciens en phase de promesses. La République irréprochable vendue par N. Sarkozy candidat se situe dans cette lignée d’exemplarité. Pour mener à bien un programme que l’on considère comme bon, juste (incarnant presque le bien), ceux qui le mettent en oeuvre doivent garder une crédibilité personnelle. En d’autres termes, se montrer dans le privé comme dans le public irréprochable.

Comment juger alors le licenciement d’une employée qui a osé moquer la ministre N. Morano comme le rapporte Rue 89 ? Sachant qu’il n’est pas dans les attributions d’un ministre de saquer un salarié du secteur privé. Dans le même temps, la très sarkozyste ministre s’est forgé (grâce notamment à Paris Match) une image de mère courage (3 enfants) issue des classes populaires. Avec un parler-vrai, et des mouvements de hanche la rapprochant des masses. Peut-on prétendre incarner ce peuple, en être quasiment une représentante au sein d’un quarteron d’énarque, et se comporter en privé, en faisant pression sur un employeur, comme la plus cynique des dominantes.

On pourra aussi citer le philosophe L. Ferry dans son autobiographie “Je ne suis pas un assisté et je ne demande rien à personne, surtout pas de faux poste ni des missions bidons.”…

Quand D. Strauss-Kahn tolère une caméra dans sa cuisine où il grille des steaks, il met en scène de façon insidieuse son image publique. Il se prépare à entrer dans les canons patriarcaux de l’adoubement médiatique pour concourir à l’élection présidentielle. Jusqu’à présent la République s’est immanquablement dotée d’un papa. Figure rassurante, mais aussi fouettarde, un homme providentiel gardien de troupeau, attentif et sévère, mais dans tous les cas fidèle.

Le même motif se met en place pour l’heureux évènement du couple présidentiel, en vue des élections de 2012. Plan médias programmé non pas par racolage médiatique, mais au contraire distillé selon un plan communication de la plus discrète vulgarité. Car il faut honorer le statut très symbolique de “la première dame”* dans le fantasme monarcho-républicain.

Or cet étalage de vertus, cadrant avec la morale de bon père (ou mère) de famille, ne tolère aucun retournement de situation. En d’autres termes, les préposés aux fonctions électives ont toute latitude pour afficher leurs “qualités”. Mais s’indignent quand émergent leurs “bassesses”. Ils crient même au scandale et à la tyrannie de la transparence**.

De la mise en cause dans de faits délictueux jusqu’aux petits dérapages quotidiens, les hommes politiques sont jugés. Ils ont mis en marche une machine marketing infernale, normative qu’ils estiment (à tort) unilatérale. Un adjuvant moral et personnel à la pratique politique dans la cité. Ce supplément d’âme qui permet d’être mythifié dans les démocraties électives.

* Dont on peut se demander quel statut il prendra si une femme accède aux plus hautes fonctions, « Premier monsieur », « Premier sieur », « Monsieur »… ?
** Une tyrannie, au passage, qu’ils se gardent de dénoncer quand ils installent des centaines de milliers de caméras de surveillances

Vogelsong – 13 juin 2011 – Paris


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