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L'escamoteur

Publié le 14 juin 2011 par Hermes
L'escamoteur
Pour comprendre une peinture, il faut d’abord suivre le jeu des mains et des regards. Tout est là. Comme si la peinture revenait ainsi toujours à ce qui la constitue…

La télévision nous prive de ce hors-champ : La caméra fige le regard, les mains sont invisibles ou inertes ; celui qui parle ou celui qui nous est montré entrent dans un face à face, un jeu de pouvoir dans lequel le spectateur sera toujours perdant. Bourdieu écrivait très justement : « L’écran de télévision est devenu aujourd’hui une sorte de miroir de Narcisse, un lieu d’exhibition narcissique. »
Je ne reviendrai pas sur le miroir, ses effets de symétrie et la dialectique de l’exhibitionniste et du voyeur que la peinture met en scène pour l’avoir évoqué très récemment. Mais quand la télévision donne à voir, elle ferme toute pensée en la réduisant à un rapport de force inégal entre la parole qui sort du poste et celui qui est là pour voir et entendre : La télévision n’a rien de démocratique.
Si l’on veut une bonne leçon de sémiologie politique, mieux vaudrait s’attarder à « L’Escamoteur de Jérôme Bosch. A gauche les spectateurs, à droite un charlatan qui conduit une partie de bonneteau, c'est-à-dire un jeu de dupes mais chacun est censé le savoir. Comme à la télévision, on est séduit comme cette belle de femme devant le pouvoir du bateleur. Ou bien on le regarde d’un œil sévère comme cette religieuse. Il faudrait aussi parler de cette grenouille qu’il a craché après avoir fait avaler des couleuvres et tous ces autres symboles qui forment un puzzle que nous sommes conviés à reconstruire.
L’essentiel tient pourtant à ce qu’une ruse en cache une plus grosse encore puisque le charlatan attire les regards sur son escroquerie tandis que, caché dans la masse des spectateurs, un complice vide les poches d’un nigaud. C’est là aussi toute l’ambiguïté de la peinture : l’artiste est lui-même un illusionniste. Il inverse les codes et quand il montre, il désigne aussi ce qui se cache.
Mais Jérôme Bosch, ici, dévoile le fonctionnement de ce jeu de dupes : Les spectateurs regardent sans voir. L'escamoteur est parmi eux quand ils croient que le  spectacle serait l'autre côté du miroir. Ils regardent ainsi le jeu de la manipulation symbolique sans comprendre qu’ils vivent en direct la manipulation du réel.
Est-il nécessaire de dire alors combien les petits scandales qu’on dénonce quotidiennement dans un système fait de népotisme et de petits arrangements en famille cachent en réalité le système du pouvoir, celui de ces mêmes gens qui font semblant tout en se remplissant les poches ? La télévision est une tirelire mais elle est surtout la métaphore d’un monde qui s’est réduit à un tiroir caisse. Plus grave encore, la dénoncer participe aussi au spectacle...
Qu’en pense le petit chien au pied de l’escamoteur ? Socialiste ou capitaliste ? Comme il nous ressemble !

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