Le 3 Janvier 1984, Le Néo-Destour-PSD venait d’avoir cinquante ans. J’étais le seul à l’appeler ainsi, dans tous les éditoriaux et les commentaires politiques que j’écrivais quotidiennement dans le quotidien l’Action, Organe du Parti au pouvoir.
C’était à un moment de flottement et d’incertitude, où Bourguiba vieillissant, devenait de plus en plus sénile, entouré d’une multitude de courtisans qui ne pouvaient plus voir, en lui, que le pouvoir virtuellement vacant qu’il occupait encore et que le moins méritant parmi eux devait cueillir, sans prise de risque majeur. Quoiqu’il se soit trouvé parmi les opportunistes du moment des gens qui loueront en public, le courage du futur dictateur.
C’était aussi, pour moi une opportunité historique que j’ai eu la chance de bien vivre. En tant qu’intellectuel que les hasards de la pratique du journalisme culturel (la critique artistique) au sein de la presse du Parti, j’ai eu l’occasion unique, en ces moments de division du corps politique pour raison de rivalité pour la succession, de m’exprimer librement, n’ayant pour limites que celles objectives de mon adhésion voulue et assumée à un mode de penser que je trouvais pour le moins esthétique. En fait, je crois que là où je m’étais positionné, ( en grand admirateur de la pensée Bourguiba) j’étais objectivement invisible, illisible et inaudible, alors que j’occupais un observatoire de premier plan et me permettait souvent le luxe d’un franc parler politique qui frisait la dissidence. Je n’étais pas motivé par des envies de pouvoir: la grande satisfaction que me procurent l’expression artistique, l’enseignement et le journalisme me prémunit jusqu’à aujourd’hui contre les tentations du politique.
Illisible, inaudible et invisible, parce que, mes censeurs potentiels avaient les yeux rivés sur Carthage et je m’étais donc retrouvé maitre à bord, directeur d’un organe de presse avec le salaire le plus bas, parmi une quarantaine de journalistes et de collaborateurs dont quelques uns deviendront de très hauts responsables politique du Nouveau régime inauguré le 7 Novembre 87.
En politique comme dans la vie, on ne reconnait que ses semblables. Qui aurait prêté attention à un « nom partant » et qui affichait, jusqu’au bout, son intérêt pour la pensée d’un vieil homme finissant et sans avenir.
Aujourd’hui, après cette longue parenthèse dont les méfaits se révèlent chaque jour encore plus inouïs et l’avènement d’une Révolution que personne n’attendait je me retrouve en obligation de témoigner et de faire part à une nouvelle génération de Tunisiens dont mes quatre enfants et les milliers d’étudiants que j’ai eus durant 47 ans d’exercice du métier d’enseignant, de ce que j’ai personnellement compris du mode de penser de Bourguiba. Non pour défendre un homme qui n’est plus parmi nous et dont personne ne pourra effacer le souvenir de son passage historique, sans risque de couper la branche sur laquelle il est assis, mais parce qu’en mon âme et conscience je ne peux taire cette lecture que d’aucuns trouveront très personnelles et que je m’entêterai à qualifier d’objective et que personne jusqu’ici, à ma connaissance, n’a faite. Que ceux qui ne verront pas ma position parce qu’ils ne croiront pas qu’elle existe et dont certains parmi eux vont se permettre de me faire des procès d’intention que je suis près à supporter, en toute quiétude, sachent que ma lecture de Bourguiba est essentiellement politique. Elle n’est pas politicienne. Et si je tiens à la rappeler aujourd’hui, c’est parce que je crois que la Révolution tunisienne sera bourguibienne ou ne sera pas. Que ceux qui en voulaient à Bourguiba je leur dit que Bourguiba n’est plus. Mais qu’ils sachent qu’on ne prive pas les générations futures d’une pensée aussi riche et aussi spécifiquement tunisienne, uniquement, parce que les mauvais perdants de la lutte de libération ont tout fait pour profiter du désastre provoqué par Ben Ali pour régler leur compte avec Bourguiba , qui pour avoir été un grand homme politique n’est pas exempt de défauts et d’erreurs.
Le 3 Janvier 84, j’étais à Ksar Helal où La révolte du pain grondait déjà et le soir quand j’étais rentré à Tunis, il a fallu que je passe par la Banlieue nord pour me rendre au Bardo. Ce qui explique aussi pourquoi j’étais illisible.
Mais aucune règle de prudence, en ces temps hasardeux d’opportunisme politique, qui atteint parfois l’indécence, ne peut m’empêcher de dire à mes enfants ce que je pense.
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 15 juin à 07:40
article inachevé, publié sur mon blog avant terme par erreur (l'auteur)