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Ségolène : pourquoi tant d'animosité?

Publié le 12 février 2008 par Bernard Girard
Arthur Goldhammer s'interroge dans son excellent blog sur cette animosité que suscite Ségolène Royal à gauche. C'est une bonne question. Lorsqu'on l'interroge Ségolène Royal parle de misogynie, c'est une explication facile, mais sans doute fausse. Faut-il le rappeler, elle n'est pas la première dans ce cas. François Mitterrand en son temps, Laurent Fabius, plus récemment, ont également suscité des réactions très hostiles à gauche.
Sans doute est-ce que tous trois ont un parcours un peu similaire : venus de milieux de droite, ils se sont engagés à gauche. Les milieux sont différents : bourgeoisie provinciale pour Mitterrand, bourgeoisie cultivée et raffinée pour Fabius, droite catholique, autoritaire et traditionnelle pour Ségolène Royal. Mais tous trois ont conservé quelque chose de cette origine qui rappelle en permanence d'où ils viennent : les bonnes manières de Fabius, une certaine raideur chez Ségolène, des amitiés pour Mitterrand. Or, ce quelque chose leur fait doublement tort : cela fait douter de leur légitimité de gauche (un ouvrier sera toujours pour des néo-marxistes plus naturellement à gauche qu'un bourgeois) mais aussi de leur engagement. Quoiqu'ils fassent, il n'est pas complet puisqu'ils continuent de partager valeurs et comportements avec l'adversaire.
Ségolène a, de plus, sur ses deux prédécesseurs un handicap majeur : elle s'exprime mal en public, elle a du charisme mais elle n'est pas bon orateur alors que s'exprimer correctement, avec élégance et naturel, ce que faisait François Mitterrand, ce que fait Laurent Fabius dont les discours sans notes suscitent toujours autant d'admiration, est un atout majeur à gauche surtout pour qui est en décalage par rapport à l'image traditionnelle du militant de gauche : cela permet de séduire, de bluffer les intellectuels, les fonctionnaires, les professeurs, les journalistes, tous les faiseurs d'opinion qui peuvent juger en expert de l'habileté rhétorique d'un politique. Une belle langue est nécessaire pour réussir à gauche quand on n'a pas cette légitimité que donnent une naissance populaire ou l'appartenance à une corporation qui fait profession de servir l'intérêt général.
On dira que Ségolène Royal n'est pas la première à mal s'exprimer. Et l'on aura raison. Mais la comparaison avec d'autres est intéressante et instructive.
On se souvient des phrases alambiquées, très longues et parsemées de vocabulaire technocratique de Michel Rocard. Personne n'y comprenait rien, mais il en ressortait une impression de compétences, de connaissance des dossiers qui donnaient envie de lui faire confiance : lui comprenait, maîtrisait ce que nous ne comprenions pas.
Dominique Strauss-Khan ne s'exprime pas non plus très bien, mais ses discours donnent une impression d'intelligence qui fait oublier ses pataquès et autres faiblesses grammaticales.
Il n'y a rien de pareil chez Ségolène Royal. Ses défauts d'expression deviennent chez elle des faiblesses de caractère ou, pire encore, de ses capacités intellectuelles. La bravitude, joli mot-valise, qui prononcé par De Gaulle, Fabius ou Mitterrand aurait enchanté les journalistes, aurait porté à leur crédit (quelle invention! quelle liberté avec la langue avec les conventions!) est devenu, chez elle, barbarisme, objet de moquerie. Et pour un motif tout simple : personne n'a cru à un jeu de mot volontaire tant elle pratique l'à peu près dans son expression publique.
Parce qu'elle maltraite la langue, on la soupçonne de ne pas maîtriser ses dossiers et d'être incompétente. C'est naturellement injuste. Mais comment juger de l'authenticité et de la capacité d'un politique sinon par la manière dont il exprime ses vues?

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