“Mais Monsieur van Proosdij, peut-être faut-il arrêter de vous leurrer, et accepter que votre handicap ne vous permet peut-être pas de travailler à temps plein comme vous vous entêtez à le croire depuis des années”… (honte).
Ils sont des dizaines qui se transforment en centaines et en milliers par la magie du net à se passionner et à s’indigner à juste titre de l’histoire de Louis, que je voulais vous voir partager. A l’époque du travailler plus pour gagner plus et de l’exaltation de l’activité professionnelle comme seul dernier vestige d’une société privée de valeurs, voilà un homme qui se bat, seul, avec pour seul moteur son énergie, sa combattivité au quotidien face aux obstacles permanents que doit surpasser une personne sur un fauteuil. Il faut le vivre pour le savoir… Voilà son expérience, qu’il e voit contraint douloureusement d’étaler pour faire réagir face à l’ignominie d’une société qui privilégie les protocoles à l’être humain auxquels il s’applique…
14 06 2011
Écrire ces lignes m’est insupportable, tant la violence de ce que je vis depuis deux semaines m’a sérieusement ébranlé, tout ceci me replongeant dans les pires moments de ma vie, 27 ans en arrière. Mais c’est en décrivant l’épreuve, en faisant fi de ma pudeur et de ma grande discrétion que j’ai une chance d’être entendu, et éventuellement que ça serve à d’autres.
(ceux qui me connaissent peuvent sauter ces paragraphes pour aller directement plus bas à l’envers du décor)
Je suis entrepreneur, âgé de 43 ans, j’ai créé ma première entreprise à l’âge de 20 ans, j’ai également tenu des postes de direction entre deux aventures entrepreneuriales, et je me consacre depuis 5 ans à ma nouvelle startup.
Soucieux de contribuer à l’écosystème de la création d’entreprise et de partager mon expérience avec de jeunes créateurs, j’accompagne des startups de l’Incubateur Telecom, et j’ai fondé en 2007 le chapitre français de l’OpenCoffee Club, véritable bouillon de culture entrepreneuriale WEB sous forme de rencontres hebdomadaires autour de l’économie numérique.
Je travaille beaucoup, souvent jusqu’à 15 ou 16 heures par jour, souvent 7 jours sur 7. Je dévore la vie avec passion, mû par une énergie positive, constructive, et un optimisme communicatif. Je suis un homme volontaire, courageux, à l’écoute des autres et disponible.
Je crois être un professionnel reconnu et respecté. C’est ainsi que j’ai été invité à participer en 2008 à une table ronde sur l’entrepreneuriat avec François Fillon et Éric Besson, que j’étais convié à l’Élysée pour l’annonce du Plan Numérique 2012, qu’il m’arrive régulièrement de participer à des évènements organisés sous les ors de la République, qu’on m’a demandé d’animer une conférence au prestigieux Institut Multi-Médias, ou que dans son magazine “Regard sur le Numérique” Microsoft m’a consacré un portrait en octobre 2009.
L’envers du décor :
Derrière ce portrait se cache une particularité, que je n’ai jamais mise en avant, que j’occulte de toute mon énergie au point de l’oublier moi-même, et qui, ultime aboutissement, est souvent oubliée ou devenue invisible à mes collaborateurs et mes proches.
Je suis tétraplégique, depuis l’âge de 16 ans, suite à un accident de sport en 1984. Je n’ai qu’un usage partiel de mes bras et pas l’usage de mes doigts. Je me déplace en fauteuil roulant électrique.
À 16 ans, frappé lourdement par ce handicap, après plus d’un an d’hospitalisation, je suis parti sans relâche dans une course contre mon handicap, vers l’acceptation d’un nouveau corps, la reconquête de mon identité, et la reconstruction de ma vie. J’ai poursuivi mes études, puis, pressé par l’envie d’autonomie, j’ai vite créé ma première entreprise à 20 ans. J’ai aménagé ma vie pour repousser les limites du handicap, et vivre le plus normalement possible.
Mon handicap n’existe que 2h par jour.
30 minutes le soir où j’ai besoin de l’aide d’un tiers pour me coucher, 1h ou 1h30 le matin pour qu’on me lève, douche, habille, et assoie au fauteuil.
Depuis 25 ans, la douche quotidienne me mets en paix avec mon corps, me procure le bien-être qui, associé à un habillage impeccable, me donnent confiance en moi pour dérouler des journées chargées où mon handicap disparaît pour laisser place à l’homme en marche.
J’ai une voiture aménagée que je conduis et qui m’offre une totale autonomie dans mes déplacements quotidiens.Aux bons soins de Santé Service :
Il y a quinze jours tout s’est effondré.
Santé Service, l’organisme qui me prodigue les soins infirmiers quotidiens, a décidé unilatéralement de m’imposer un “protocole de soins” qui régirait désormais ma vie comme suit :
- 1 seule douche par semaine.
- toilette au lit avec cuvette et gant de toilette.
- lit médicalisé imposé en lieu et place de ma literie.
- tablette roulante d’hôpital.
- couché à 22h, et parfois 21h.
- suppression du levé “prioritaire” le matin en début de tournée, ce qui me vaut d’être régulièrement prêt à seulement 10h45 ou 11h.
Voilà comment de personne avec ses besoins propres à chacun, on devient protocole de soins aveugle et sourd.
Si vous voulez lui témoigner votre soutien, et surtout lui proposer une solution concrète pour qu’il puisse retrouver sa dignité (et accessoirement prendre plus d’une douche par semaine…) :
son blog
Ensemble, faisons monter haut et fort l’indignation salutaire de Louis. Pour lui et tous les autres…
Ils en parlent aussi : Ménilmuche - JCFrogBlog - L-tz - Olivier Seres’ blog – Julien Bonnel – rMen’s blog - KaG -Never give up ! -