Magazine Politique

Les relations entre l’Iran et l’Afghanistan depuis la Révolution islamique par P. Dionisi

Publié le 17 juin 2011 par Egea

Le Chef d’escadrons Pierre Dionisi, stagiaire à l’Ecole de guerre, étudiant à l’Institut national des langues et civilisations orientales, avait déjà publié cet hiver un intéressant article sur la Tunisie. Il nous en propose un nouveau, (sous la direction de Madame Claire Lemesle-Joly, professeur agrégé de géographie), qui traite de la relation entre l'Iran et l’Afghanistan.

Iran_Afghanistan.jpg

Il y a là en effet une conjonction souvent négligée : on analyse l'Iran à la lumière du Moyen-Orient, du golfe persique, de la problématique arabe et musulmane. Quant l'Afghanistan, c'est forcément en lien avec le Pakistan (moi-même l'évoquait récemment) voire de l'Asie centrale. Rarement regarde-t-on à l'est de l'Iran, à l'ouest de l'Afghanistan (même si, à la fin, les afghans battent les persans, voir ici). On évoque enfin le Baloutchistan (peu mentionné dans l'article ci-dessous) mais il s'agit alors d'une question irano-pakistanaise.

On apprendra ainsi l'ouverture politique des Iraniens, en 2001 : ouverture rejetée par G. Bush, avec les conséquences qu'on sait. On y voit également la question des réfugiés, du trafic de drogue, des relations économiques : merci donc à P. Dionisi.

O. Kempf

Les relations entre l’Iran et l’Afghanistan ont été marquées depuis trente ans par des événements majeurs : la Révolution Islamique de 1979 et les guerres afghanes qui ont débuté la même année.

Comment ces événements ont-ils marqué ces relations ? Comment ces relations ont-elles évolué, en fonction de ces événements ? Quelle évolution l’Iran pourrait-il souhaiter ? Enserré entre des voisins en partie favorables à son ennemi américain, l’Iran cherche pourtant à se faire reconnaître par les Etats-Unis comme puissance régionale. Après avoir longtemps négligé l’Afghanistan, l’Iran reprend le rôle qui lui échoit naturellement vis-à-vis de ce pays. Accaparé par des questions intérieures (Révolution islamique) et extérieures (guerre contre l’Iraq, terrorisme d’Etat, jeu d’influence au Liban, « carte arabe » de la lutte contre Israël), l’Iran n’a pas placé l’Afghanistan en tête de ses priorités stratégiques. En outre les guerres afghanes ont entravé le développement de relations normales entre les deux pays : elles ont provoqué l’afflux massif de réfugiés et l’instabilité du glacis que l’Iran s’est constitué à l’Est de son territoire. Pour construire des relations acceptables de son point de vue, l’Iran doit tenir compte de la situation héritée de ces trente dernières années, en particulier de la place prise par les Etats-Unis et le Pakistan d’une part, et de l’importance des flux illicites, notamment de la drogue, d’autre part.

Après une longue période pauvre en relations bilatérales du fait de leurs guerres respectives, l’Iran et l’Afghanistan héritent d’une situation délicate lorsqu’intervient la chute du régime des Talibans en 2001. C’est à la faveur de ce changement de régime, que l’Iran entreprend de reprendre avec pragmatisme une certaine influence chez son voisin.

1. Trois décennies de relations sur le mode mineur : 1979-2010

L’héritage des siècles de vie commune L’aire iranienne, depuis l’Antiquité, dépasse largement les frontières de l’Iran actuel. L’Afghanistan en fait partie, contrôlé par les empires perses, contrôle qui s’inverse au XVIIIe siècle quand une dynastie afghane parvient à prendre le pouvoir en Iran. Il en reste des caractéristiques communes, en dépit de disparités importantes : les ethnies, de part et d’autre de la frontière, appartiennent au même groupe indo-européen ; la langue persane, majoritairement parlée en Iran, l’est aussi par les Tadjiks d’Afghanistan (avec des nuances dialectales), l’une des principales composantes du peuple afghan. Enfin l’ethnie Hazara, qui représente entre 3 et 10% de la population d’Afghanistan, observe l’islam chiite duodécimain, religion d’Etat de l’Iran. Ce sont là de possibles relais d’influence, sur lesquels comptent les Iraniens.

Les tournants de 1978-79

Au cours du XXe siècle les relations entre les deux pays demeurent pauvres, chacun d’entre eux étant essentiellement considéré comme un instrument, dans les luttes d’influence des empires puis de la guerre froide, malgré les velléités d’indépendance de l’Iran. Il s’agit essentiellement de la poursuite des échanges séculaires de ce qu’il est convenu d’appeler la « route de la soie », et des migrations saisonnières des clans nomades. On peut noter également une immigration non négligeable de Hazaras d’Afghanistan vers le Khorasan (Nord-est de l’Iran).

A la veille de la Révolution islamique, l’Iran est devenu un pivot stratégique pour les Etats-Unis qui en contrôlent le pétrole depuis le coup d’Etat de 1953, organisé par la CIA contre Mossadegh. Il s’agit d’une part pour les Américains d’éviter l’effet mimétique d’une nationalisation du pétrole dans les états du Golfe (l’Arabie saoudite par exemple ne nationalisera son pétrole que 20 ans plus tard) et de sécuriser l’approvisionnement énergétique de ses alliés, d’autre part de parer à toute tentative d’expansionnisme soviétique. L’Afghanistan, dirigé par un régime communiste, appartient pour sa part à l’aire d’influence soviétique. Les deux pays font donc davantage partie des figurants que des acteurs du jeu bipolaire d’équilibre des puissances. Tout va basculer en 1978-1979.

D’abord l’intervention soviétique en Afghanistan provoque un changement majeur : outre la rupture des relations diplomatiques de l’Iran avec son voisin afghan, le conflit entraîne l’émigration de plusieurs millions de réfugiés afghans aux frontières du pays, jusqu’à 3,2 millions en Iran. Accaparé par sa guerre contre l’Iraq et incapable de s’opposer à l’URSS, l’Iran se contentera d’aider la minorité Hazara (chiite) et les chefs de guerre qui peuvent lui servir, tel Ismail Khan dans la province frontalière de Hérat.

D’autre part, la Révolution islamique, en 1979, provoque la brusque sortie de l’Iran de l’aire d’influence américaine, surtout après la crise des otages américains. Inquiets que le nouveau régime chiite exporte sa révolution et/ou inspire des courants anti-monarchistes, les pays arabes sunnites, et notamment les monarchies, limitent leurs échanges avec l’Iran. De surcroît l’Iraq impose une guerre de huit années à la République islamique d’Iran, qui se retrouve brusquement isolée, à la fois du monde occidental, du monde arabe (exception faite de la Syrie), et de son voisin afghan.

Les Talibans, Al Qaida et le renouveau espéré par Téhéran en 2001

Le retrait russe d’Afghanistan en 1989 puis la dislocation de l’empire soviétique n’entraînent pas une amélioration durable des relations entre l’Afghanistan et l’Iran. Lors de la guerre civile qui débute en 1992, l’Iran choisira d’étendre son appui à des factions sunnites, les Tadjiks de l’Alliance du Nord et même le Hezb-e Islami de Gulbudin Hekmatyar. Dès 1993, les Talibans entament leur conquête du pays, effective en 1998. La République islamique d’Iran se tient à l’écart car elle craint le fanatisme de ces sunnites wahhabites, qui répriment durement les Hazaras chiites et assassinent en 1998 les dix membres du consulat iranien de Mazar-e-Sharif. Aussi, lorsqu’en 2001 survient l’attentat contre le World Trade Center, se produit-il un événement remarqué mais incompris : la République islamique d’Iran, non seulement condamne les attentats, mais propose son aide aux États-Unis, et dès l’invasion américaine en Afghanistan, l’Iran se déclare disposé à aider la coalition. Le Président Bush déclinera l’offre et condamnera l’Iran au même titre que les états terroristes en le désignant comme membre de « l’axe du mal ». Le renouveau dans les relations bilatérales avec l’Afghanistan, et avec le monde occidental, espéré par l’Iran, alors dirigé par une faction pragmatique, n’intervient pas. Cependant la chute du régime taliban marque le début du retour de l’Iran dans les affaires et l’économie de l’Afghanistan.

2. L’héritage des années de guerre

La situation héritée des années de guerre apparaît tout d’abord comme problématique, et peu propice au développement de relations bilatérales.

La question des réfugiés afghans

Les Afghans ont fui massivement la guerre vers les pays voisins : sous les Soviétiques d’abord, puis sous les Talibans. En 2001, il reste plus d’un million de ces réfugiés en Iran. Cette question reste centrale, comme le montrent les nombreux livres, articles de journaux, rapports commandés par l’ONU, films sur le sujet. Souvent mal acceptés dans l’Iran qui les accueille, ils y occupent des emplois la plupart du temps moins bien rémunérés et moins attractifs que ceux des Iraniens. Bien qu’il existe une classe moyenne et même une classe aisée de réfugiés afghans, la majorité d’entre eux constitue un sous-prolétariat accusé de bien des méfaits. En période de crise, ils constituent une population montrée du doigt et le gouvernement met régulièrement en place des mesures d’expulsion ou d’incitation au départ de ces réfugiés. Dans la région du Khorasan du Nord, leur présence est tellement importante, notamment dans la ville de Machhad, que certains responsables iraniens ont pu craindre la menace séparatiste d’une province qui serait devenue majoritairement afghane. La question de leur retour au pays préoccupe en tous cas au premier chef les autorités iraniennes. Pourtant l’impact de ces réfugiés s’est révélé positif à plusieurs égards : d’une part ils ont joué un rôle économique capital au profit de leurs familles restées en Afghanistan, dont ils ont permis la survie, d’autre part, ils ont fourni à l’Iran une main d’oeuvre bon marché et travailleuse, prête à s’intégrer. En particulier durant les années de guerre contre l’Iraq, ils ont non seulement fourni un appoint de travailleurs lorsque nombre d’hommes iraniens étaient au front, permettant de faire tourner l’économie iranienne, mais aussi de nombreux Afghans se sont volontairement enrôlés dans l’armée iranienne pour combattre les Iraquiens. En outre la population afghane réfugiée en Iran, majoritairement analphabète, a pu bénéficier pour ses enfants d’une scolarisation indispensable à l’intégration dans la société iranienne.

Le drame de la drogue

Parmi les méfaits dont les réfugiés afghans sont accusés par les Iraniens, se trouve la propagation et la consommation de drogue. Si ce n’est pas un privilège afghan, il est cependant avéré que nombre de réfugiés afghans s’adonnent au trafic et à la consommation de stupéfiants, provenant des filières afghanes. Les chiffres officiels de la toxicomanie en Iran sont d’autant plus effarants qu’on les imagine sous-évalués. Si le régime taliban a, apparemment, lutté contre la production de pavot, la chute de ce régime fut l’occasion d’une relance immédiate et l’Afghanistan redevient ainsi le premier producteur mondial d’opium, et bientôt d’héroïne. Traversant facilement une frontière poreuse, les matières illicites arrivent inévitablement sur le marché iranien, dans un contexte de crise économique et de crise des valeurs traditionnelles où les sanctions judiciaires ne suffisent pas à décourager les passeurs et trafiquants (qui risquent pourtant la peine de mort par pendaison). De même que la question des réfugiés, le drame de la drogue préoccupe les autorités iraniennes, et également le gouvernement afghan dont la population n’est pas épargnée par ce fléau, notamment les anciens réfugiés d’Iran : on estime à 1,25 millions le nombre d'Afghans consommateurs de drogues diverses, du hachisch à l’héroïne en passant par l’opium. Un héroïnomane afghan sur deux aurait développé son addiction dans un camp de réfugiés, notamment en Iran.

L’influence américaine et pakistanaise en Afghanistan

A la chute des Talibans, lorsque l’Iran cherche à revenir sur la scène régionale – et qu’il a les mains libres pour le faire, l’Iraq ayant cessé d’être une menace – la place est occupée par les Américains et les Pakistanais. Les premiers, envahissant l’Afghanistan pour en chasser les talibans, sont les maîtres du jeu et réfutent toutes les tentatives iraniennes de participer à la normalisation du pays, considérant l’Iran comme une puissance nocive à combattre, notamment en raison du dossier nucléaire. Les seconds, officiellement alliés des Etats-Unis en Afghanistan, sont devenus au cours des décennies précédentes des partenaires commerciaux de premier ordre.

Commerce, influence : il reste donc aux Iraniens à partir presque de zéro pour s’implanter en Afghanistan.

3. La progressive et nécessaire montée en puissance de l’Iran en Afghanistan depuis la chute des Talibans

Isolé sur le plan diplomatique, entouré par des forces américaines, l’Iran développe depuis 2001 des efforts considérables et croissants pour faire admettre aux Américains, son statut de puissance régionale au Moyen-Orient. Ces efforts se portent à la fois sur l’économie, sur la sécurité et sur la politique, dans un objectif plus général de recherche d’influence non seulement en Afghanistan mais dans toute la région.

L’implication croissante de l’Iran dans l’économie, porte d’entrée de l’Afghanistan

C’est d’abord par des vecteurs économiques que l’Iran a cherché à s’implanter en Afghanistan. Diplomatiquement isolé, repoussé par les Etats-Unis malgré ses gestes d’ouverture, l’Iran choisit de pénétrer l’Afghanistan par l’aide à la reconstruction et le développement des échanges. A la chute des Talibans, dont le régime était considéré comme hostile par l’Iran, les frontières s’ouvrent davantage et les dirigeants iraniens et afghans se rencontrent régulièrement pour signer des accords de coopération bilatérale dans différents domaines, notamment économique. Tandis que les forces américaines poursuivent leurs opérations militaires, les entreprises iraniennes se lancent dans la reconstruction du pays et cherchent à participer à son développement. Ainsi en 2008 les exportations iraniennes vers l’Afghanistan atteignent 800 millions de dollars : il s’agit principalement de matériaux de construction et de ciment, de dérivés pétroliers, d’appareils électroménagers, de produits détergents et de tapis. La balance est très largement excédentaire pour l’Iran puisque l’Afghanistan n’exporte que pour 4 millions de dollars vers son voisin : minéraux et pierres précieuses, ainsi que des fruits et des épices. Pour faciliter les échanges, les gouvernements des deux pays cherchent à développer des voies de communication transfrontalières : ainsi début 2005 une route de 132 km, reliant Dogarun (Nord-Est de l’Iran) à Hérat (Ouest de l’Afghanistan) a été inaugurée ; à présent les deux pays envisagent de construire une ligne de chemin de fer entre Masshad (Nord-est de l’Iran) et Hérat. Enfin l’Iran se classe parmi les principaux donateurs pour l’Afghanistan, en participant largement à la reconstruction du pays : construction de routes, de lignes électriques, de bâtiments et d’infrastructures diverses.

De plus l’Iran ne se prive pas d’utiliser des vecteurs d’influence tels que la presse : ainsi, Téhéran apporterait son soutien financier à 190 journaux afghans et aurait apporté environ 500 000 dollars de subventions entre 2002 et 2007 dans le domaine culturel. Ce n’est pas innocent quand on sait que cette politique « culturelle » de l’Iran, pratiquée dans un grand nombre de pays, a pour but de promouvoir l’Islam chiite. Il est d’ailleurs notable que si 3% à 10% (selon les sources) des Afghans sont chiites, ces derniers occupent, en 2007, 23% des postes gouvernementaux. Ceci pourrait être de nature à faciliter les interventions et l’influence iranienne en Afghanistan.

Drogue, réfugiés, sécurité : la nécessité d’une coopération bilatérale - le jeu ambigu de l’Iran.

Les questions de la drogue et des réfugiés, et plus généralement de la sécurité dans la zone frontalière, sont au cœur des préoccupations du gouvernement iranien, qui a conscience du pouvoir déstabilisateur du commerce des stupéfiants, et qui cherche à diminuer les ravages de la consommation de stupéfiants en Iran. Ainsi, en mai 2006, le président Karzaï s’était rendu à Téhéran pour y négocier des accords de coopération avec l’Iran. Tout récemment, le 9 mars 2011, le ministre de l’intérieur iranien s’est rendu à Kaboul : les deux gouvernements ont décidé de former un comité conjoint chargé de mener des négociations bilatérales sur les questions frontalières, la lutte contre le crime organisé, la production et le trafic de drogue, et la régularisation de la situation des émigrés afghans en Iran. Selon les autorités iraniennes, des membres des forces de sécurité des deux pays ont lancé, début mars 2011, une opération conjointe destinée à renforcer la sécurité dans les régions de l’Ouest afghan et à lutter contre les bandes organisées et les trafiquants de drogue. Si les échanges bilatéraux entre les dirigeants des deux pays sont devenus une réalité, il reste néanmoins délicat de délimiter la frontière entre ingérence iranienne, comme le dénonce l’Otan, et coopération sécuritaire.

En effet l’Iran est soupçonné par la coalition de mener un double jeu en Afghanistan : en même temps qu’il mène des efforts visibles et avérés dans les domaines de la reconstruction et de la stabilisation de son voisin, il poursuivrait des actions clandestines destinées à affaiblir les forces américaines et leurs alliés. Régulièrement la presse se fait l’écho de livraisons d’armes et de matériel de guerre, ou de l’implication de membres des Pasdaran au profit de certains groupes d’insurgés. Les récentes fuites publiées par le site Wikileaks corroboraient ces mêmes accusations. Il s’agirait pour l’Iran de limiter la portée des succès militaires de la coalition en Afghanistan, tout en s’assurant des retombées positives au cas où les groupes insurgés parviendraient au pouvoir – ce qui fait désormais partie des développements possibles.

La nécessaire recherche d’alliances régionales ; la volonté iranienne de s’affirmer comme la puissance régionale

Après des années d’isolement et de menaces à ses frontières, l’Iran voit enfin se profiler une conjoncture régionale qui lui est favorable, paradoxalement grâce aux Etats-Unis qui l’ont débarrassé de ses pires ennemis, l’Iraq de Saddam Hussein et le régime Taliban.

Seyed Mehdi Miraboutalebi, nouvel ambassadeur de la République islamique d’Iran à Paris, dans une interview accordée au Figaro le 27 mars 2009, résume la position, les ambitions et les efforts iraniens concernant l’Afghanistan : « L'Iran est un pays voisin de l'Afghanistan. Des relations centenaires nous lient. Notre pays accueille près de 3 millions de réfugiés afghans depuis de longues années. Nous pensons donc pouvoir aider à la paix et à la sécurité en Afghanistan. Ce genre d'aide ne peut d'ailleurs passer que par les pays voisins. Il n'est pas acceptable que dix mille kilomètres plus loin, un pays comme l'Amérique s'arroge le droit de se considérer comme le gendarme de la planète, en envoyant ses soldats, dès qu'il le souhaite, sans se soucier d'assassiner des femmes et des enfants innocents. Il faut mettre un terme à ce type d'attitude. Nous sommes prêts à envisager une coopération sur le dossier afghan, à condition qu'elle soit fondée sur le respect des droits inaliénables de chacun, sur le vote du peuple et sur la stabilité. En Afghanistan, la solution ne doit pas être d'ordre militaire. »

Pour l’Iran, l’Afghanistan s’inscrit dans un ensemble asiatique dans lequel il veut s’imposer comme la puissance régionale, en particulier au sein de l’espace persanophone. Dans ce cadre, l’Iran convie à Téhéran les représentants du Tadjikistan et de l’Afghanistan, chaque année depuis 2007 à un « sommet persan », destinée à mettre en place des programmes de coopération trilatérale, montrant clairement ses ambitions de mener le jeu géopolitique en Asie centrale. Si, depuis les interventions américaines en Iraq et en Afghanistan, l’Iran était cerné par la puissance militaire des Etats-Unis, le retrait programmé des Américains d’Iraq puis d’Afghanistan lui laissera les coudées franches sur ses frontières occidentale et orientale.

La dernière édition, en août 2010, a permis la signature de plusieurs accords concernant non seulement le commerce, l’énergie et les transports, mais aussi la sécurité régionale. Importante pour l’Iran qui cherche ainsi à se désenclaver, cette initiative est cruciale pour l’Afghanistan, confronté à l’insécurité, à la reconstruction, et cherchant à trouver sa place dans la communauté internationale. Cette réintégration au sein de son espace culturel d’origine permettra à l’Afghanistan de mettre en valeur à la fois ses capacités de production de matières premières, et sa situation géographique de carrefour de l’Asie centrale.

Conclusion

Les années d’isolement de l’Afghanistan et de l’Iran appartiennent désormais au passé : l’intervention américaine en Afghanistan a non seulement débarrassé l’Iran de la menace représentée par les Talibans, mais lui a permis de reprendre pied dans ce pays. Aujourd’hui se dessinent les contours d’une coopération étroite entre les deux voisins, coopération rendue à la fois plus facile et nécessaire. Plus facile en raison des facteurs communs aux deux pays : la langue et la culture persane, mais aussi le trait d’union que peuvent représenter les millions d’Afghans passés par l’Iran ou encore présents dans ce pays ; nécessaire à cause des menaces communes que sont l’insécurité et les flux illicites, notamment de stupéfiants, mais aussi en raison du potentiel économique de l’Afghanistan, noeud routier et sans doute un jour ferroviaire au cœur de l’Asie centrale, et marché potentiel pour l’Iran.

A la veille de la réélection contestée d’Ahmadinéjad, certains analystes prédisaient une prochaine reconnaissance par les Etats-Unis de l’influence iranienne dans la région, notamment après le retrait américain d’Iraq et d’Afghanistan, moyennant quelques gestes de bonne volonté de l’Iran sur les questions épineuses, en particulier dans le dossier du nucléaire. Cette reconnaissance se fonderait sur la convergence d’intérêts entre les deux pays, tous deux désireux de voir se stabiliser l’Etat afghan et de prévenir tout retour d’une menace fondamentaliste et terroriste sur son sol. Si juin 2009 a remis en question cette hypothèse et ouvert un nouveau cycle de tensions, il reste néanmoins évident que le vide laissé par le départ d’Afghanistan des forces de la coalition appellera inévitablement le renforcement de l’influence iranienne dans ce pays. Cette influence est déjà remarquable dans l’ouest de l’Afghanistan, en particulier dans la province iranisée d’Hérat. D’une manière plus générale, l’Iran souhaite que cette influence réelle et potentielle soit reconnue par la communauté internationale, dans le cadre d’une négociation globale portant sur tous les points de blocage actuels, parmi ceux-ci mais non isolément, la question du nucléaire iranien.

P. Dionisi


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Egea 3534 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines