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Toucher au but ?

Publié le 18 juin 2011 par Perce-Neige
Toucher au but ?Car, au temps des erreurs monumentales, quand il serait, plus ou moins, question de vendre la ferme et même, pour faire bonne mesure, les deux ou trois bâtiments attenants, plus ou moins question de négocier sévère, ou plutôt, d’ailleurs, de brader à tout va, plus ou moins question de dilapider l’ensemble du domaine, un peu avant que les notaires ne s’en mêlent, et que des liasses de documents administratifs ne finissent par emplir de larmes les yeux éplorés, quand il s’agirait, brusquement, de brûler les étapes et de bousculer les habitudes, et qu’avec Maud plusieurs voyages express, là bas, se révèleraient nécessaires (lumières éblouies sur l’autoroute, où personne aux péages ne rend la monnaie), quand il s’agirait, en compagnie du métreur et de son assistante au regard perdu, d’arpenter les trois hectares quatre vingt du terrain et de pousser, silencieux, jusqu’à l’ancien potager d’où l’on aperçoit la dernière ligne de collines en bordure d’océan, et jusqu’aux arbres paresseux qui prospèrent gentiment sur la berge marécageuse de la Sienne, en contrebas, et donc quand il serait simplement question de tout bazarder, tout, Charles-Antoine Parmentier, proprement épuisé à force d’insomnies, Charles-Antoine Parmentier commencerait à comprendre, soudain, qu’il ne pourrait  jamais plus se défaire tout à fait du sentiment d’avoir d’abord été, jusqu’alors, le jouet d’une immense, et terrible, imposture. Car les funestes transactions auxquelles presque tous les cousins, les oncles et les tantes, finiraient peu ou prou par être mêlées, supposeraient, implicitement, que la grange et l’atelier du grand père, le verger assiégé par les ronces, colonisé d’orties et que les mêmes avaient, autrefois, considéré, si n’est comme le monde, au moins comme l’un de ses territoires des plus singuliers, pourraient, en réalité, n’avoir toujours été rien d’autre qu’un agencement, très ordinaire au fond, de terres maraichères ou agricoles, par parenthèse uniquement accessibles par un chemin communal, et dont la valeur marchande était susceptible de fondre comme neige au soleil pour peu que le cadastre les localisent en lisière de la zone inondable ou bien, a contrario, tout autant, susceptible d’atteindre des sommets extravagants, deux jours plus tard, comme par hasard, pour peu qu’un promoteur quelconque argue dans son argumentaire de la proximité relative des plages et du tracé opportunément sinueux à hauteur de l’ancienne écurie, de ce sentier littéral dont diverses associations à vocation soi-disant écologique entendent bien préserver la subtile harmonie. Or, précisément, cet absurde sentiment d’imposture que les autres cousins, les oncles et les tantes, infiniment plus matérialistes que lui sans doute, et plus à l’écoute d’une certaine réalité, au fond, n’avaient, probablement, jamais vraiment partagé, ce sentiment, donc, ne serait naturellement que l’envers,  - Charles-Antoine s’en rendrait compte hélas beaucoup trop tard - de l’immense déception qu’il éprouverait alors en réalisant qu’il n’avait, peut-être, et même sûrement, jamais rien compris à rien, ou du moins jamais vraiment rien voulu apprendre de sérieux, restant éternellement à la périphérie des apparences, acceptant juste de paraphraser, et combien maladroitement, l’élégance des hirondelles, la plainte esseulée des arbres en bordure de la départementale. Et ce serait, sans nul doute, l’obscur remord de n’avoir, en définitive, été, vraiment, pas à la hauteur de grand chose qui le conduirait soudainement, un soir de novembre plus mélancolique encore que les autres, à racheter le tout à prix d’or, acceptant volontiers, pour parvenir à ses fins, de céder, en contrepartie, la presque totalité de sa part d’héritage et de ses droits passés, présents ou à venir, - je m’en moque éperdument, vous pensez - sur la Clinique des Quatre Fours, le moulin, l’appartement de la rue des Fossés, et Dieu sait quoi encore... Car, durant tout l’hiver, cette année-là, Charles-Antoine Parmentier, retrouvant peu à peu ses esprits, le goût d’entreprendre n’importe quoi, le plaisir des petits matins dans la somnolence brumeuse de l’appartement de l’avenue Daumesnil, Charles-Antoine Parmentier finirait par penser qu’il n’était, désormais, plus très loin de toucher au but, sans d’ailleurs vraiment savoir en quoi tout cela, croyez-moi, pouvait bien consister…

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