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L’alternative protectionniste #1 – Déminer le débat

Publié le 20 juin 2011 par Vogelsong @Vogelsong

“La fonction du Front National dans toute cette histoire ? Le Front National, je le vois dans le système. C’est le truc qui permet aux journalistes du Nouvel Observateur de dire qu’on ne peut pas parler de protectionnisme.” E. Todd le 16.06.2011

La mondialisation avec son corolaire libre-échangiste bénéficient du soutien (de plus en plus tacite) des élites depuis plus de deux décennies. Comme son avatar techno-européen, la propagande ultralibérale tire le meilleur parti des a priori positifs. Dans un consensus virtuel nourri aux « gros » concepts connotés tels que liberté, paix, développement, croissance. On pouvait subodorer que la réalité fut tout autre, qu’in fine face à la désindustrialisation, la baisse des salaires, la mise en concurrence générale du travailleur planétaire et ses conséquences, les Français (mais aussi nombre d’européens) ressentent un court malaise suite au traitement qui leur est infligé. Pour s’en assurer, l’Association pour un débat sur le protectionnisme a commandité, à l’aide de moyens privés une étude. Elle tend à démontrer – si un sondage peut démontrer quelque chose – qu’une large majorité de Français vivent la globalisation comme une contrainte. Douloureuse.

De l’utilité d’un sondage pour démontrer ?

E. Todd invoque le déni de démocratie en brandissant les feuillets du sondage. Selon le démographe, ce serait une faute démocratique dorénavant d’ignorer l’alternative protectionniste. Un débat trop longtemps mis sous le boisseau qu’aujourd’hui les Français par leurs réponses plébiscitent. Or, un échantillonnage de Français n’a jamais fait les Français. Mais ce débat aurait dû avoir lieu sans l’aide d’un sondage. Pour autant les sondages ne représentent pas démocratiquement les Français, pour autant les l’opinion d’experts médiatiques ne valent pas science exacte, certitude révélée. Omniprésents louangeurs du libre-échange, prêcheurs de l’équilibre immanent des marchés, pédagogues du « c’est plus compliqué que ça »ou comme A.Duhamel déclarer « la démondialisation c’est archaïque ». Sans qu’aucune alternative à cette théologie ne soit permise. Dans cette guerre d’artefacts, le sondage vaut tout autant que l’avis d’un conseiller émargeant dans une banque, un analyste convaincu du bien fondé de la spéculation financière, ou une éminence grise présidentielle. Mais reste l’écueil politique, et l’agitation de figures repoussoirs pour stériliser le débat. Le rendre impossible. Pour que tout change sans que rien ne change.

FN idiot utile

L’analyse de la position du FN soulève quelque paradoxe. Bien qu’elle permette à l’orthodoxie du cercle de la raison d’agiter ce croque-mitaine, le parangon des idées qu’il ne faut pas suivre (en l’espèce le protectionnisme), les mêmes ou presque s’évertuent à dédiaboliser l’objet. Le FN aurait gagné en crédibilité depuis l’avènement de M. Le Pen. Une nouvelle étiquette que l’on doit au changement de leader et à quelques reniements de façade. Mais de façon opportune, quand le besoin se fait sentir, on replace ce parti dans sa ligné nauséeuse. De façon plus générale, le consensus libre-échangiste ne gênait aucun économiste quand (jusqu’à une période très récente), le FN se réclamait du thatchérisme. Quand J.M. Le Pen se mirait dans l’incarnation du reaganisme. Et donc cheminait au côté d’une grande partie de la droite républicaine et autres centristes, ainsi que d’un quarteron non négligeable de responsables du parti socialiste. Dans l’appel du large, celui de « la mondialisation heureuse ». Il aura suffi qu’il épouse des thèses économiques minoritaires dans l’oligarchie (pro libre-échangiste) pour en faire une mauvaise fréquentation.

Pourtant le protectionnisme frontiste tire tous azimuts. Culturel, humain, gastronomique, religieux, une liste infinie de ce que l’on peut appeler « national ». Or le protectionnisme raisonné (celui qui doit faire débat) ne s’attache qu’à réguler lede biens et services, et les flux financiers. Pour contre-balancer le dumping social qu’impose le libre-échange. La dimension xénophobe s’avère donc hors propos.

Finalement, le parti frontiste, contrairement à ce qu’il prétend, s’intègre parfaitement au dispositif libre-échangiste. Il permet de canaliser les idées, en l’occurrence le protectionnisme, et d’en faire une caricature infréquentable. Que l’on accole selon son gré et les opportunités aux idées de l’adversaire. Intégrer le FN dans l’équation du libre-échange/protectionnisme, c’est stériliser le débat. Et revenir au ronron permanent des sujets subalternes. Et de la semoule tiède des zélateurs du libre-échange.

Pourtant comme le note E. Todd (et que nombre de commentateurs oublient) « il est dans la nature des partis d’extrême droite de raconter n’importe quoi. »

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Vogelsong – 18 juin 2011 – Paris


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