Triangle, Black death, Bedevilled, Grace... Le point commun de ces oeuvres ? De ne pas avoir bénéficié d'une sortie sur grand écran, pour être directement expédiés dans les bacs à dvd. Alors qu'ils bénéficient d'un scénario en béton, d'une mise en scène qui en remontre à bien des films ayant la chance d'être projetés sur grand écran, et d'une interprétation remarquable, ces longs-métrages n'ont pas été jugés dignes de pouvoir tenter leur chance dans les salles obscures. Dream home, de Ho-Cheung Pang, est de ces films-là, de ces oeuvres de genre condamnées à se faire connaître en festivals et à s'épanouir dans nos platines dvd. Mieux que rien, vous me direz.
Alors qu'elle rêve de s'offrir un appartement à Hong-Kong avec vue sur la mer, Cheng Lai-Sheung se heurte au prix du bien qu'elle convoite, bien trop élevé pour elle. Afin de se donner toutes les chances de pouvoir acquérir le logement de ses rêves, elle prend la décision d'en faire baisser la valeur en zigouillant certains des occupants de l'immeuble.
Intelligent, Dream home l'est assurément. Assumant le mélange des genres (film d'horreur et critique sociale), le film de Ho-Cheung Pang aborde ainsi la flambée des prix de l'immobilier (l'histoire se situe avant la crise des subprimes), en la traitant par le biais du gore, l'héroïne étant prête à toutes les exactions pour se payer l'appartement dont elle rêve. Ou comment l'évolution financière d'une société peut influer sur le comportement individuel de ses membres. Ne reculant devant rien, le personnage principal commettra ainsi les meurtres les plus atroces (les séquences de tuerie sont graphiquement très dures, à l'image du meurtre à l'aspirateur), afin de pouvoir accéder à son rêve.
Par ailleurs, le metteur en scène parsème son film d'un humour extrêmement particulier car bien souvent mêlé à l'horreur la plus totale. Des ruptures de tons périlleuses que Pang négocie avec une aisance étonnante. Le sexe est également au menu du propos du réalisateur, ce dernier décrivant une société où le cul le plus décomplexé (fellation en bagnole, partouzes improvisées) n'est plus devenu l'exception mais la norme. Une évolution sociale qui elle aussi participe de la modification comportementale des individus. Nul jugement de valeur ici, simplement une constatation où le point de vue de Pang demeure davantage dans les conséquences de cet état de fait (le corps est une masse de chair dont on peut disposer à l'envi) que dans la dénonciation rétrograde.
Relevons également une mise en scène de toute beauté, où les travellings les plus élégants le disputent aux perspectives réellement troublantes (voir à ce titre le générique de début où jamais des buildings n'ont été aussi bien filmés).
Dream home se pose au final comme une oeuvre étonnante, déroutante, visuellement et émotionnellement choquante, qui n'a pas peur de gratter là où ça fait mal: dans les tripes.