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Les Saoudiens, et les augures de Septembre

Publié le 21 juin 2011 par Jcharmelot

Dans une récente contribution au Washington Post, le prince saoudien Turki al Faisal a mis en garde les Etats-Unis contre la tempête qui se prépare au Moyen-Orient pour le mois de septembre.

Cet avertissement vient d’un homme qui connait bien la région, puisqu’il a été le patron des services de renseignement saoudiens pendant 25 ans. Et qui connait les rouages du pouvoir aux Etats-Unis, puisqu’il a été ambassadeur de son pays à Washington.

La mèche qui risque de mettre le feu à la poudrière sera l’introduction à l’Onu par les Palestiniens d’une proposition de reconnaissance de leur état dans les lignes de 1967. Cette motion sera votée par l’Assemblée Générale, mais n’aura aucune conséquence pratique. Elle représentera pour les Palestiniens la réaffirmation de l’existence de  leur état par la communauté internationale, et la réaffirmation de la légitimité des lignes de cessez-le-feu de 1967 comme frontières de cet état. Ce vote marquera également une nouvelle condamnation formelle de l’occupation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem. Israël a demandé à ses amis de voter contre cette motion, et le président Barack Obama s’est prononcé contre l’initiative palestinienne. Et c’est bien là que réside le risque.

Le Prince Turki souligne dans sa communication au Washington Post qu’autant le président américain semble soutenir les appels des peuples arabes à plus de liberté, autant il s’est retenu de plaider sans ambage pour l’auto-détermination des Palestiniens sur une terre que la communauté internationale leur a concédée depuis longtemps. « En septembre, le royaume va utiliser sa considérable puissance diplomatique pour soutenir les Palestiniens dans leur quête d’une reconnaissance internationale », écrit encore le prince Turki.

Cette annonce sonne comme une menace de la part de l’allié arabe sur lequel les Etats-Unis comptent le plus pour stabiliser une région en pleine ébullition. Ce sont les Saoudiens qui ont accueilli sur leur sol le premier dictateur arabe à être chassé par une révolte populaire, Zine el Abdidine Ben Ali. Ce sont eux qui ont stabilisé Bahreïn et Oman, les états du Golfe si précieux pour Washington, en prêtant main forte aux dynasties sunnites qui y règnent. Les Saoudiens ont également joué un rôle central dans l’apaisement au Yémen, en accueillant à Ryad le président Ali Abdallah Saleh, dont les Américains voulaient se débarrasser. Ils ont également donné une nouvelle assurance à deux monarchies, le Maroc et la Jordanie, en leur proposant de faire partie du Conseil de Coopération du Golfe, le club des monarchies mais également une association de producteurs de pétrole et de gaz qui fournissent 40 pc des besoins du monde. Enfin et sutout, les Saoudiens sont les seuls à pouvoir dans un bref délai mettre à la disposition du géant arabe malade qu’est l’Egypte, les milliards de dollars dont elle a besoin pour subvenir à ses besoins. Et éviter qu’une vague de désillusion ne balaie les espoirs du printemps arabe, et ne réveille la rage du peuple qui s’est soulevé contre Hosni Moubarak. Un peuple qui depuis 30 ans a accepté la paix avec Israël.

Et enfin, il y a la Syrie. En proie, elle aussi, à des troubles qui remettent en cause l’unité d’un état arabe géographiquement et historiquement indispensable à la stabilité dans la région.  Les Saoudiens n’ont pas une affection particulière pour le président Hafez al Assad, et verraient sans déplaisir la fin de l’état bassiste. Mais ils craignent encore plus la capacité de nuisance d’un régime aux abois, et le séisme que provoquerait une fragmentation de la Syrie.

Les nuages s’accumulent donc au dessus du Proche-Orient, et l’orage risque d’éclater à l’automne si le seul allié arabe des Etats-Unis renonce à jouer les paratonnerres. « Les responsables américains considérent depuis longtemps Israël comme un allié indispensable », écrit encore le prince Turki . « Ils vont bientôt apprendre que d’autres protagnistes dans la région –et pas seulement la rue arabe– sont aussi, sinon plus, indispensables. Le favoritisme à l’égard d’Israël a démontré que ce n’était pas une attitude sage pour Washington. Et bientôt, cela apparaîtra comme une véritable stupidité. »

Washington Post


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