Magazine Journal intime

Entre les Branches

Par Eric Mccomber
Les buskers me disent depuis plus d'un an que je suis idiot, de jouer pour le chapeau en France sans un CD à vendre. Paraît qu'ils font les trois quarts de leur fric comme ça. Il est possible de vivre de la manche presque partout ailleurs en Occident mais, apparemment, en France, nein ! Alors voilà, j'ai emprunté une paire d'écouteurs à l'un, un micro à l'autre, une interface pour entrer dans le portable, et hop ! J'ai commencé à enregistrer un petit projet.
Ça devait faire quatre ans que je n'avais pas joué de la guitare de manière microscopique, c'est-à-dire en tâchant de me caler sur la batterie et la basse. Quand on travaille seul, on peut tout se permettre, au plan rythmique. J'ai pris des habitudes extravagantes au plan du riff. Le truc étrange, c'est que lors des premières sessions, j'étais tout droit sur le 1, mais n'importe où sauf sur le 2. Les premiers morceaux, j'ai mis un temps fou à obtenir des pistes acceptables. Et puis au bout de la quatrième, j'ai bien été forcé de retourner voir les premières pour tout recommencer, parce que le tour de main était en train de me revenir.
Sans vouloir me vanter, là, ça y est. J'ai fait des tas de bedtracks ce matin sur l'incontournable Heard it Through the Grapevine. Deux heures et c'était dans la poche, alors qu'y avait du festin sur la planche, je vous en donne ma parole. J'ai passé le reste de la journée à tenter de blaster un solo là-dessus, mais en vain. J'ai cent tentatives pas trop dégueulasses, mais rien à garder. Souvent, pour décider de conserver ou mettre aux chiottes une performance, je songe que dans dix ans un rigolo me l'amène et me la fasse jouer. Pas envie de faire honte à mon moi du futur.
Enfin, quoi qu'il en soit, la raison pour laquelle j'ai eu envie de partager ça est la suivante. Je me ferais vraiment chier, en cette période de guerres, de mensonges, d'effondrement des structures, d'estompement des sensibilités et des intelligences, de démissions, de faiblesses, de faussetés, de renoncements, de sécheresse, de rigidité sans rigueur, de contraction religieuse et de calcification militariste, si je ne pouvais sortir de chez moi vers 18h et marcher vers le bar d'un pas leste en me chuchotant tout bas, juste pour moi : « man… tu joues tight, tabarnak. » Je me sens plus puissant que si je si je portais une Kalachnikov. © Éric McComber

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Eric Mccomber 400 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte