Après diverses péripéties depuis 1996, avec entre autres Bernard Tapie réclamant au Consortium de réalisation (CDR) 6,5 milliards de francs (990 millions d'euros) pour « montage frauduleux », la Cour d'appel de Paris, condamne le 30 septembre 2005 le CDR à payer 135 millions d'euros au plaignant. Ce jugement est cassé le 9 octobre 2006 par la Cour de cassation.
Le 23 février 2007, Bruno Bezard, Directeur général de l’Agence des participations de l’Etat (APE), déconseille à Thierrry Breton, ministre des finances, de permettre au CDR de donner suite à une offre d’arbitrage. Le 1° août et le 17 septembre, il réitère par écrit cette recommandation à Mme Lagarde, qui a succédé à M. Breton. Mais, le 25 octobre 2007, les deux parties acceptent le passage par un tribunal arbitral qui, le 16 novembre, accorde à M. Tapie 245 millions d’euros. Les 22, 23 et 25 juillet 2008, M. Bezard écrit à Mme Lagarde en recommandant l’introduction d’un recours contre la sentence des arbitres. Notre ministre des Finances renonce à cette démarche, qui avait pour seul risque d’être infructueuse !
L’État (c'est-à-dire nous) se trouve ainsi condamné à régler au total près de 403 millions d’euros (M€), qui se décomposent comme suit:
- 240 M€ au titre du préjudice matériel,
- 105 M€ pour les intérêts légaux sur préjudice matériel,
- 45 M€ au titre du préjudice moral,
- 13 M€ de frais de liquidation.
Le 10 mai, le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, a demandé à la Cour de justice de la République de mener une enquête sur la décision de recourir à l’arbitrage. Ceci conduit Maître Christian Charrière-Bournazel, ancien bâtonnier de l’ordre, à déclarer dans Le Monde du 3 juin : « trois éminents juristes sont traités comme des valets, feignant de rendre justice pour répondre aux ordres ». Laissons-lui la responsabilité de cette affirmation. Ce qui est en cause ici, ce n’est pas l’indépendance des arbitres mais plutôt l’opportunité de recourir à l’arbitrage dans une affaire impliquant une entreprise publique, qui ne saurait se soumettre à une décision couverte par le secret.
Quand il déclare en conclusion : « La France risque-t-elle, pour ce mauvais procès, de voir lui échapper la présidence du Fonds monétaire international ? », il me semble que sa plume s’est égarée et qu’il se demandait plutôt si la France ne courait pas ainsi un risque, insinuant qu’il ne saurait en être question et qu’il eut donc été préférable de ne pas en appeler à la Cour de justice. Pourquoi donc renoncerait-on à examiner si une faute n’a pas été commise, l’accusée bénéficiant naturellement de la présomption d’innocence ? L’intérêt, à démontrer, de voir le poste, précédemment tenu par M. Strauss-Kahn, rester à la France imposerait donc de lui sacrifier la justice, institution dont Me. Charrière-Bournazel est un éminent serviteur.
Mais qu’il se rassure ! La commission des requêtes de la CJR, que je me garderai bien de supposer aux ordres, a reporté sa décision au 10 juillet, une fois que le poste convoité aura été pourvu. Grâces lui soient rendues !