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Polémiques sur la primaire du PS : entre mauvaise foi et foi du charbonnier

Publié le 25 juin 2011 par Sylvainrakotoarison

Le 28 juin 2011 aura lieu l’ouverture officielle du dépôt de candidatures à la primaire socialiste pour la présidentielle 2012. L’UMP n’hésite pas à employer les armes lourdes pour en réduire la portée. Et si on l’institutionnalisait ?

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L’offensive avait démarré très doucement dès le 18 mai 2011, il y a plus d’un mois, sur une petite question de Jean-François Copé à propos du fichage de ceux qui participeront ou qui ne participeront pas à la primaire du PS les 9 et 16 octobre 2011.

Artillerie lourde de l’UMP

L’UMP a décidé de renforcer la critique en y mettant les moyens : un tract est sur le point d’être tiré à plus d’un million d’exemplaires et deux types d’affiches vont être collées dans les semaines à venir à deux cent mille exemplaires.

Le but ? Parasiter la semaine très importante qui s’annonce pour le Parti socialiste. Si les candidatures de François Hollande, de Ségolène Royal, d’Arnaud Montebourg, plus récemment de Manuel Valls, sont déjà connues, toute la classe politique attend la décision de la première secrétaire du PS, Martine Aubry, bien obligée d’y aller faute de DSK. Une scène qui ne peut que rappeler la fameuse attente que son propre père, Jacques Delors, avait pu susciter en décembre 1994.

Le moyen est simple pour l’UMP. Il s’agit d’insuffler le doute chez les participants potentiels à la primaire. Avec un seul objectif : réduire au maximum cette participation, alors qu’Arnaud Montebourg tablait sur quatre millions de suffrages (vingt fois plus que le nombre d’adhérents à l’UMP). Le 16 novembre 2006, 179 412 adhérents socialistes avaient apporté leur suffrage à l’un des trois candidats (le 5 février 1995, 79 345 avaient pris part à la première primaire socialiste pour départager les deux candidats de l’époque). À comparer avec les 32 896 "électeurs" écologistes prévus qui viennent de voter, résultat le mercredi 29 juin 2011 à 17h.).

Les attaques de l’UMP ne se sont pas embarrassées de nuances et les dirigeants de l'UMP lâchent des bombes bien lourdes. On n’est pas dans la guerre chirurgicale. Les arguments sont peu affinés : on soupçonne le PS de se construire un fichier grandeur nature des électeurs qui ne sont pas de gauche et donc de violer la principe constitutionnel du secret du vote.

L’UMP va même jusqu'à dire que « les primaires peuvent en effet servir d’instrument de discrimination ou de clientélisme en fonction de l’orientation politique des citoyens ». Inutile de dire que j’applaudis lorsque l’UMP entend combattre la discrimination et le clientélisme et j’aurais aimé qu’il mît en garde de la même manière le Président de la République le 30 juillet 2010 à Grenoble.

Jean-Marc Ayrault maladroitement attaqué

L’UMP a également mis en cause le président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale Jean-Marc Ayrault, par ailleurs maire de Nantes qui est accusé d’avoir fiché ses "opposants notoires", rumeur distillée dans le journal "Libération" du 27 novembre 2007.

Une accusation que récuse d’autant plus fermement le socialiste nantais qu’il vient de décider de saisir la justice et de publier une lettre d’Alex Türk, le président de la CNIL, datée du 21 décembre 2007 et qui a convenu qu’il n’avait fiché aucun opposant : « Au vu de ces explications et des mesures que vous avez prises pour éviter que l’utilisation de la formule "opposants notoires" ne conduise à la constitution d’un fichier comportant des informations sur les opinions politiques de personnes identifiées ou identifiables, et conformément aux principes d’application de la loi du 6 janvier 1978 modifiée le 6 août 2004, je vous informe que je procède à la clôture de cette plainte. » (voir les faits ici).

Risque de publicité contreproductive

Comme toujours, l’excessif est insignifiant. Ici, la mauvaise foi de certains caciques de l’UMP risque au contraire de faire une publicité inattendue à la primaire des socialistes.

Au sein de la majorité, quelques voix se font entendre pour critiquer ouvertement ce type de polémique très politicienne. Ainsi, conseiller spécial de l’Élysée, Henri Guaino voudrait au contraire laisser seul le PS dans ses "cafouillages" alors que le député-maire de Nice, Christian Estrosi, s’est demandé sur Europe 1 : « À quoi ça sert de faire la promotion des primaires ? ». Le député franc-comtois Damien Meslot s’est même alarmé au journal "Le Figaro" : « Attention à ne pas faire trop de pub aux primaires ! Personne ne nous en parle dans nos circonscriptions. Il ne faudrait pas que nous poussions les gens à y participer ! ». Ces voix estiment qu’il vaudrait mieux utiliser l’énergie dépensée à approfondir leur projet pour 2012.

Le politologue Gérard Grunberg a même encouragé le staff de Nicolas Sarkozy à s’interroger sur l’intérêt d’une primaire à droite pour éviter la multiplication des candidatures, de Christine Boutin à Jean-Louis Borloo en passant par Dominique de Villepin.

De réels sujets d’inquiétude

Organisée de façon très professionnelle avec des juristes de grande réputation, la primaire du PS a reçu l’aval de la CNIL, ce qui est, à mon sens, une réelle garantie de respect des droits du citoyen. Entre parenthèses, heureusement que la CNIL n’ait pas été englobée dans la multifonction de Défenseur des droits, comme cela avait été initialement imaginé. La CNIL, créée en 1978, a une réelle indépendance et une maintenant longue histoire qui lui apporte, par son expérience, crédibilité et respect.

Pourtant, il y a bien quelques inquiétudes sur le déroulement des opérations qui est prévu. Le fait de se déplacer est a priori un signe évident qu’on serait de gauche, d’autant plus qu’il faudrait signer une charte des valeurs de la gauche (qui n’aurait cependant aucune valeur puisqu’il serait interdit de répertorier l’identité des signataires).

La destruction des fichiers électoraux est peu crédible même en présence d’huissiers : comment mobiliser dix mille huissiers dans les dix mille bureaux de vote prévus ? Car il faudra bien pouvoir tracer ces fichiers de la fin du vote jusqu’à leur destruction effective pour être certain qu’ils ne seraient pas copiés, volés, photographiés, enregistrés par un moyen technologique quelconque. Certains responsables du PS (comme le sénateur socialiste David Assouline) sont pourtant de bonne composition et ont même proposé à l’UMP de venir sur place avec leurs délégués pour vérifier qu’aucun fichier ne serait volé. L’UMP a décliné l’offre.

Le fait de devoir payer un euro pour rendre l’opération bénéficiaire et réinjecter les profits dans les frais de campagne de l’élection de 2012 elle-même serait aussi troublant même si, finalement, comme pour la primaire des écologistes, cela apparaît comme une simple adhésion pour avoir un droit de vote interne (en 2006, l’adhésion au PS avait baissé à dix euros, le prix du vote à la primaire écologiste de cette année, pour permettre la participation à la primaire "fermée" du 16 novembre 2006).

Magouilles et compagnie

L’UMP a raison lorsqu’elle reste très suspicieuse en se référant aux "magouilles" de l’après-congrès de Reims lors du vote du 21 novembre 2008, méthodes de "bourrage d’urnes" qui avaient été fortement contestées en interne, entre autres par Ségolène Royal, Manuel Valls et Malek Boutih (« La triche est une pratique banalisée au sein du PS ; c’est le cœur même du système. »).

Même le président de l’Association nationale des élus communistes et républicains, Dominique Adenot, cité par l’UMP, a convenu que cette primaire posait problème : « Cette élection primaire n’a aucun cadre républicain. ».

Aucun cadre républicain ?

C’est sur ce point qu’il conviendrait de porter le regard et la réflexion.

Car en principe, l’idée d’une primaire ouverte n’a rien d’antidémocratique, au contraire. C’est donner le pouvoir aux citoyens non seulement dans le choix de ses élus mais aussi dans celui de ses candidats. Pour rappel, les États-Unis sont structurés pour organiser au sein de chaque parti des élections primaires à tous les échelons, fédéral ou local, pour un siège de sénateur, de représentant, de gouverneur, etc. et évidemment pour le Président des États-Unis.

C’est d’ailleurs le véritable reproche que certains formulent contre la classe politique, celui de verrouiller les élections en empêchant les candidatures hors système. Or, s’il y a bien une méthode pour intégrer des candidatures hors système (hors ENA par exemple), c’est bien la primaire qui fait interagir le citoyen en amont et pas seulement en aval de l’élection.

Pourtant, mon esprit (également) gaullien est un peu mal à l’aise avec ce concept qui laisse entendre que l’élection présidentielle ne serait plus un dialogue (franc et sincère) entre une personne et le peuple. Une histoire d’amour. Ou de haine. Ou les deux. Le principe de la primaire y introduit le concept de mariage de raison là où De Gaulle envisageait une union de cœur, d’incarnation de l’identité nationale, de représentation charnelle de l’idée républicaine.

Le besoin d’élections primaires… ou pas

La manière de se sortir de ce paradoxe, c’est de se dire que depuis bien longtemps, il n’y a plus de personnage providentiel, j’aurais même tendance à dire qu’il n’y en a jamais eu en fait, et que le personnel politique n’étant pas (vraiment) exceptionnel, il faut bien trouver un moyen de départager des candidats de valeur équivalente.

C’est en tout cas assurément le cas du Parti socialiste et également chez les écologistes. C’est forcément moins le cas à l’UMP dans la mesure où la présence du Président de la République sortant rend évidente sa candidature.

C’est également moins évident dans des petits partis qui ont moins de personnalités fortes, comme au MoDem où le leadership de François Bayrou est d’autant plus incontestable qu’il est solitaire. Au NPA, la candidature d’Olivier Besancenot aurait été naturelle mais son étonnant renoncement ont placé ses partisans dans un choix bien difficile pour ce week-end parmi des personnalités médiatiquement très maigrichonnes.

Le cas de l’Alliance républicaine, écologiste et sociale est un peu différent puisqu’il y a une personnalité qui supplante toutes les autres dans l’opinion publique, Jean-Louis Borloo, mais d’autres personnalités, comme Hervé Morin, pourraient aussi vouloir concourir (c’est ce qu’ont proposé le sénateur centriste Jean-Léonce Dupont au journal "Le Point" le 22 juin 2011 et le député NC Charles de Courson à "L’Express" du 24 juin 2011). Il reste qu’une primaire est une opération qui ne se prévoie pas en deux mois.

Institutionnaliser l’idée des primaires ?

Il serait peut-être intéressant d’envisager une réforme constitutionnelle pour intégrer le principe facultatif de la primaire présidentielle pour les partis (reconnus par la Constitution) qui le décideraient. Cela rendrait évidemment obligatoire la mise à disposition du matériel électoral (listes des électeurs, urnes, salles municipales etc.) et permettrait de clarifier le décompte des dépenses de campagne. Surtout, cela harmoniserait les procédures préélectorales et rassurerait les citoyens dans ce qu’ils ont de plus cher, le pouvoir d’influer sur leur représentation. Par ailleurs, cela n'empêcherait pas non plus l'organisation de primaire interne à un parti selon la procédure décidée par ce parti.

C’est sans doute là où le projet socialiste fait défaut : ou c’est une opération privée, interne au PS, comme c’est le cas chez les écologistes, ou c’est une opération publique qui demande l’accompagnement de la puissance publique (listes électorales, salles municipales etc.), et dans ce cas, ce n’est pas au PS de dicter la procédure (aussi précautionneuse soit-elle) mais au législateur, car il s’agit alors d’institutions qui appartiennent à tous et pas seulement à un seul parti.

Le bilan de la primaire socialiste sera à cet égard un bon point de départ pour une telle institutionnalisation qui, dans tous les cas, ne devra pas rendre obligatoire cette disposition mais simplement la réglementer pour clore définitivement toutes les polémiques stériles.

Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (25 juin 2010)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L’offensive de Jean-François Copé du 18 mai 2011.
Argumentaire du PS.

Argumentaire de l’UMP.

Riposte de Jean-Marc Ayrault.

La primaire chez les écologistes.
Mode d’emploi de la primaire du PS.

L’avis de Gérard Grunberg (23 juin 2011).

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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/polemiques-sur-la-primaire-du-ps-96529
 


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