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Rocs arrachés à leur sommeil, vol II.

Publié le 30 juin 2011 par Arsobispo

Gaston-Louis Marchal, artiste prolifique, dessinateur, artiste peintre, poète, écrivain, chineur de la première heure, collectionneur (notamment des œuvres d’Ossip Zadkine[1]), compilateur, empilateur, et bien d'autres choses encore, a laissé derrière lui à Castres une quantité incroyable de dessins, croquis ou œuvres de toute sorte. Depuis 2003, cet artiste a quitté Castres pour le pays biarrot d'où est originaire son épouse. Voir à son propos, l’article de la Dépêche du Midi. Il a publié un article sur Joseph Paul dans Sud-Tarn Tribune, N°3 du 20 janvier 1978. Je m’autorise ici à le reproduire dans son intégralité car il donne des informations complémentaires à l’article que je lui avais consacré il y a quelques jours. Les reproductions de ses dessins proviennent également de cette revue aujourd’hui disparue.

Né à Castres le 23 août 1887 de Henri Paul et de Flavie Batigne, Joseph-Albert Paul y mourut le 28 mars 1962.

Victime d’un coup de pied lorsqu’il était écolier, il dut souffrir et garder le lit durant 7 ans. Ce qui, sans doute aucun, lui apprit à cultiver le rêve pour ne pas perdre patience et la patience pour ne pas perdre l’espoir de guérir un jour. Et il guérit effectivement ; mais il resta boiteux. Cependant, en dépit de sa claudication, il devint, grâce à son intelligence, son dynamisme et son opiniâtreté, un autodidacte particulièrement polyvalent et efficace : boxeur, champion de tir et manager du Racing-Club de Castres (football en 1908 notamment) ; spéléologue, géologue, archéologue et mycologue tout dévoué à la Montagne Noire et surtout au Sidobre ; comptable au Comptoir d’Escompte, philatéliste et bibliophile, dessinateur dont les œuvres ont déjà défrayé la chronique castraise et qui assoiront le renommée du talentueux castrais.

Joseph Paul, après une période d’auto-formation, semble avoir appris le dessin auprès de J. Pagès, l’imprimeur – photographe – lithographe – pamphlétaire qui fonda et produisit « le contribuable » et dont il faudra qu’un jour je raconte aussi l’histoire. Peut-être même, à la fin de la vie de Pagès, Joseph Paul l’aidait-il à terminer ses compositions à autographier. Il semble aussi que Joseph Paul ait fréquenté les moines et moniales d’En-Calcat et apprit d’eux l’art de la miniature. On dit aussi qu’à En-Calcat, il connut Marie Laurencin (personnellement, parce que je sais qu’Hermine David fréquenta effectivement l’abbaye, je pense qu’il s’agirait plutôt d’elle que Joseph Paul rencontra).

Joseph Paul, instruit, curieux et collectionneur de tout, paraissait aux yeux de beaucoup un personnage particulièrement original et égocentrique. Aimant discuter de ce qui l’intéressait, il fut l’ami de Raymond Nauzières, pionnier et historiographe du Sidobre (lire, de lui, Le Sidobre, imprimé et édité par J. Blattes, à Castres en 1930-31) avec lui, Joseph Paul s’opposait déjà à certains exploitants du granit sidobrien qui défiguraient les sites. Joseph Paul fréquentait aussi les peintres du groupe castrais constitué (et dit « des Monges »), Paul Aninat, Paul Enjalbert, Christian d’Espic, Maurice Garrigues…

Joseph Paul, pratiquait l’aquarelle mais, surtout, dessinait aux encres de chine noire et de couleurs. Des milliers de minuscules traits et points, caractéristiques de sa « manière ». A Joseph Paul s’applique remarquablement le propos que Paul Valéry appliquait aux broderies de Marie Monnier en 1924 : « le point ajouté au point compose insidieusement une substance somptueuse ». Hors cette manière exigeant minutie et patience à un degré particulièrement élevé, on peut signaler les dessins de début, copies de dessins de reportage ou d’humour, et quelques dessins de la fin de la vie de Paul, exécutés dans l’admiration du style de Maurice Garrigues et qui sont quelquefois plus caractéristiques de ce style de Garrigues que, seul dans des détails, du style de Joseph Paul soi-même.

Pour exécuter les dessins selon son cœur et son esprit, Joseph Paul n’était à l’aise que chez lui, prenant beaucoup de temps à travailler d’après croquis, cartes postales ou photographies, celles-ci pouvant avoir été prises par lui-même, précisément dans le but d’en faire un dessin. Souvent, peut-être, il utilisait le procédé de report et d’agrandissement dit « au carré ». Il travaillait avec une loupe et une plume métallique particulièrement fine et acérée qu’il aiguisait sans cesse. Joseph Paul avait dû faire sienne, sans la formuler, la définition que Jean Colin d’Amiens (Éditions du Seuil, 1968) quelques mois avant de mourir à trente et un ans : « dessiner, c’est savoir faire le mystérieux travail du givre ».

Le 10 décembre 1977, je vis de Joseph Paul, une importante quantité de dessins, plus surprenant les uns que les autres du fait du métier qui présida à leur exécution : études de papillons (1911 à 1920) : études de plantes comme si Joseph Paul avait voulu dessiner un herbier (1921 à 1943) : études et planches consacrées à des champignons (1943 à 1953), de très nombreuse vues du si divers Sidobre, comme si Joseph Paul avait voulu composer un album pour chanter le Sidobre, surtout si on en juge par des pages portant dessins mais aussi titres enluminés et cadres lignés en attente d’n texte (1934 à 1960), une série importante de dessins consacrés à des paysages basques ou pyrénéens, une série de dessins, importante, consacrés aux sites et monuments castrais (1930 à 1950), des dessins représentant châteaux et églises du Sud-Tarn, etc…

Le talent de Joseph Paul avait été remarqué puisque des dessins du talentueux enfant de Castres illustrent deux livres écrits par Pierre Bonnet et édités par J. B. Baillière et fils à Paris : « Adalasis[2], comtesse de Burlats » (1944) et « Sidobre-Montagne Noire » (1956).

Une exposition d’œuvres de Joseph Paul eut lieu à Castres, mais après le décès de l’artiste. Le musée de Castres organisa en effet, « due à la fidélité de Gaston Poulain, du Docteur Salvan, de Tony Beggiora et de quelques autres », un exposition dite des « trois Paul » groupant, du 7 novembre 1964 au 10 janvier 1965, des œuvres de Paul Aninat, Paul Enjalbert et Joseph Paul. En ce qui concerne ce dernier, outre son portrait peint à l’huile par Maurice Garrigues, étaient montrés cinquante-huit de ses dessins à la plume (paysages castrais, paysages sidobriens, champignons) dont la liste figurait dans un catalogue édité spécialement pour l’exposition.

Dans un article consacré à cette exposition, intitulé Les « Trois Paul » chez Goya dans la « revue du Tarn » de décembre 1964, Georges Alquier et Christian d’Espic écrivaient : « Joseph Paul (1887 – 1962) … Les peintres « des Monges » le connaissaient bien car il avait posé pour eux, mais tout Castres garde souvenance de sa silhouette trapue. Des amis communs ; Pierre Mauth et Henri Libmann nous l’ont dépeint, infatigable et agile malgré sa claudication, au cours de certaines excursions spéléologiques (…). Aquarelliste probe, il était aussi et surtout un dessinateur (un « microdessinateur » serions-nous tentés d’écrire), qui a réalisé ce tour de force de reproduire minutieusement les moindres détails sans que l’essentiel s’en trouve amoindri.

Il se rapproche des peintres qui, ces temps-ci, redeviennent à la mode à Paris mais son dessin est plus sûr, il n’y a aucune déformation, comme dans son métier de comptable, dans ses œuvres tout peut compter, par exemple toutes les herbes d’une prairie. Après avoir parcouru les bois du Sidobre à la recherche de ses chers champignons, il adressait à la société Mycologique de France à Paris, ses étonnantes planches en couleurs. On demeure confondu par la somme de conscience, de patience, d’habilité technique qu’à nécessité la fabrication de chacun des tableautins de ce bénédictin de la plume ; inlassable, il puisait son inspiration dans les monuments et les sites de ce tableau granitique dont Edouard Herriot écrivit qu’il était « un coin d’Armorique égaré dans le soleil du midi ».

Assurément, les dessins de Joseph Paul prendront de plus en plus de valeur, valeur documentaire, historique et valeur vénale.

Ainsi et c’est normal, il n’aura pas travaillé en vain, celui qui aurait pu dire avant Salvador Dali, qu’il n’y aura pas de chef-d’œuvre paresseux ».

Personnellement, en écrivant grâce aux neveux de Joseph Paul, que je remercie de m’avoir instruit au sujet de leur oncle, en écrivant ces lignes qui intéresseront pendant quelques temps quelques lecteurs, je suis sûr d’ajouter à la tradition qui perpétue plus ou moins fidèlement la mémoire des grands hommes, un témoignage en faveur d’une individualité castraise qui, quoique plus modeste, mérite de figurer aux yeux de ceux qui, demain, voudront se pencher sur l’Histoire et l’Art sud-Tarnais.

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Pour terminer, je remercie Gérard Baty de m’avoir envoyé les reproductions de ces « maisons sur l’Agout » que je vous laisse admirer.


[1] dont il a publié une étude « La sculpture toute une vie » aux Éditions du Rouergue en 1992.

[2] Adélaïde de Burlats, la belle aux yeux violets, fut une princesse occitane célèbre pour sa cours d’amour. Fille de Constance et de Raymond V, comte de Toulouse, sa beauté subjugua plus d’un troubadour et plus d’un chevalier. Elle a épousé le célèbre comte Roger Trencavel, qui s’illustra pendant la croisade des albigeois et pendant laquelle Adélaïde vit son fils périr. Voir pour plus d’informations ici.


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