Les cristalliers se tirent la bourre

(Source : Philippe Cortay – Nous vivons une époque moderne)

L’affaire est grave. Sur un coin du zinc, le gars ronchonne. En face, le barman jette un œil sur son « pilier », juste histoire de voir s’il ne va pas monter d’un ton et hurler un « tous des salauds ! » à faire fuir tous les clients. Ça va, il peut continuer le rangement de ses tasses à café dans le lave-vaisselle. L’autre ronchonne toujours, mais bon…

Aïe, deux nouveaux clients rentrent et le bougon va à leur table.

 » C’est pas croyable, leur arrêté municipal pour les cristalliers. Ils laissent tout les étrangers cueillir des cristaux (oui, il va des cristaux comme des pâquerettes, on les cueille/ nda) en leur faisant simplement signer un code d’honneur. Connerie ! Nous, quand on va là-bas, chez eux, on ne nous laisse pas fouiller en montagne… »

C’est donc de cela qu’il s’agit. L’affaire est grave. Celui-là comme d’autres, cristalliers de pères en fils dans le massif du Mont-Blanc, revendiquent l’exclusivité de la cueillette du quartz et de la fluorine.  » Est-ce qu’on va piquer les moules des Espagnols ou les sardines des Siciliens, nous ?  » Il faut dire que la bourriche de moules ne se négocie pas au même prix que le cristal trouvé par Peray. 250 000 euros au prix d’achat du Muséum d’Histoire naturelle. Il faut remonter quelques filets de sardines pour gagner autant. Au bas mot, quelques dizaines de saisons de pêche ! Avouons qu’il y a de quoi ronchonner. Surtout si c’est un Suisse ou un Allemand qui vient à découvrir une belle veine à la barbe d’un cristallier du cru… (Voir le dessin dans son contexte)