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Ce séisme du bac S

Publié le 02 juillet 2011 par Alex75

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Récemment, notre ministre de l'Education nationale, Luc Châtel était l'invité de Jean-Michel Apathie, sur RTL, invité à s'exprimer sur cette affaire de fraude au bac, dans l'épreuve de maths, dans la série S. Au total, cinq personnes ont été interpelées. Un employé d'imprimerie est toujours en garde à vue. Luc Châtel a déclaré travailler à la sécurisation de ces épreuves, les services spécialisés de gendarmerie étant à l'oeuvre. La loi est très sévère avec les fraudeurs. Mais ce scandale apparaît tel un nouveau coup porté à cette institution qu'est le baccalauréat. Cela dit, ce n'est pas la première, ni la dernière fois. La fraude est consubstantielle aux examens. Mais cette crise-là était le révélateur d'un secret de polichinelle, qu'on s'obstinait à ne pas voir. “Cette triche a étalé au grand jour, un cadavre à la renverse, le bac“, dixit Eric Zemmour. Bel et bien mourrant, l'animal de deux siècles. En le créant, Bonaparte n'avait sans doute pas imaginé, qu'il vivrait aussi longtemps. Mais cette scandale crée un malaise. Est-ce le fait que la fraude a touché l'épreuve reine des mathématiques, dans la section S de l'élite ? Est-ce la réaction du ministre, qui a refusé de recommencer l'épreuve ? Est-ce la légèreté, avec laquelle il a supprimé la partie incriminée, ou est-ce la symbolique de la moyenne générale abaissée à neuf ?

Certains esprits paranoïaques ont même pensé, que le ministère avait provoqué lui-même cette fraude, pour prouver à tous la réalité, pour déciller les yeux des plus aveugles, qui s'obstinaient à sanctifier ce monument national en péril. On a tout vu. Les consignes d'indulgence écrites, jusqu'aux commissions de régularisation qui remontent les notes, les options facultatives qui se multiplient, les travaux pratiques apportant des notes supplémentaires. Des notes qui sont largement gonflées “à l'hélium de l'indulgence“. Des mentions bien et très bien, qui elles-même, finissent par être atteintes dans leur aura et leur portée significative. Depuis des années, les spécialistes savaient. Certains avaient décidé d'en rire. “Pour ne pas avoir le bac aujourd'hui, il faut avoir tué son père ou sa mère“, disaient-ils. Le baccalauréat, vieille institution, qui est ce sésame indispensable à l'entrée dans l'enseignement supérieur, ainsi passé en un peu plus d'un siècle et demi, d'un diplôme élitiste et bourgeois, sélectionnant les futurs cadres de la nation, à un diplôme de base, indispensable à toute formation et à toute carrière professionnelle, remplacé dans son rôle précédent, par les concours d'entrée aux grandes écoles. Appelé familièrement “bac”, et anciennement, “bachot”, le baccalauréat a été organisé pour les cinq disciplines d'alors (sciences, lettres, droit, médecine, théologie), par Napoléon Ier en 1808, avec les deux autres grades, la licence et le doctorat, après la Révolution française et la suppression des universités.

Le baccalauréat est alors un grade d'Etat. Les deux nouveaux baccalauréats, baccalauréat ès lettres et baccalauréat ès sciences, s'inscrivant dans l'héritage de la maîtrise ès arts. Le baccalauréat a connu des modifications par la suite. C'est en 1830, qu'est introduite la première épreuve écrite et, en 1840, des mentions très bien, bien et assez bien. Il y avait au XIX e siècle, suffisamment peu de candidats (21 bacheliers en 1808, 6000 en 1861), pour que les professeurs de l'université fassent eux-même passer les épreuves comme on le voit dans “Le Bachelier” de Jules Vallès. Il a connu plusieurs paliers, dans sa diffusion parmi la population. Il était initialement destiné aux garçons de la bourgeoisie. La première femme à passer le baccalauréat est Julie-Victoire Daubié en 1861. Mais c'est à partir de 1924, lorsque les programmes secondaires pour garçons et filles deviennent identiques, que le baccalauréat s'ouvre largement aux filles. Le second palier dans la hausse du nombre de bacheliers intervient à partir des années 1930, quand le lycée public devient gratuit (il était payant auparavant, sauf pour quelques rares boursiers comme Marcel Pagnol ou Georges Pompidou, par exemple). Cependant l'explosion du nombre de bacheliers, intervient réellement à partir des années 1960-70, quand le primaire supérieur est supprimé (en 1963), au profit du collège unique (en 1975).

L'épreuve anticipée de français en classe de première est instituée en 1969, les filières A, B, C, D et E (remplacées en 1994 par les filières en S, L, et ES), ainsi que technologiques sont mises en place en 1968. Le bac professionnel est établi en 1985, année où le ministre de l'Education nationale Jean-Pierre Chevènement, proclame que le but à atteindre est d'amener 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat. Cet objectif est ramené à 74 % ultérieurement. En 2008, environ 64 % d'une génération est titulaire du baccalauréat. En 2007, 54 % des bacs obtenus sont des bacs généraux, 26 % des bacs technologiques et 20 % des bacs professionnels. Jusqu'en 1965, le baccalauréat comportait une première partie, et une deuxième partie. L'obtention de cette première partie était obligatoire pour passer en terminale et postuler au baccalauréat. C'est aussi la raison pour laquelle a été introduite cette épreuve de français en classe de première, puisque les élèves de terminale étudient la philosophie en lieu et place du français. L'obtention de cette première partie était obligatoire pour passer en terminale et postuler au baccalauréat.

Toutes les filières sélectives, des préparations d'entrée aux grandes écoles, mais aussi les BTS et les IUT, sélectionnent sur dossier, dès le mois de janvier, six mois avant l'épreuve reine, reine d'un jour. Ceux qui y croient, s'inscriront en université.  La fac, elle, seule, n'a pas le droit de trier, à savoir un mot maudit, comme discriminé, sélectionné, conduisant à la pensée réflexe, qui dit sélection, dit élitisme, voire fascisme. Mais pas aussi maudit, pour ceux qui s'inscriront en masse, en communication ou en sociologie, ou les titulaires d'un bac professionnel, qui croient les ingénus, que le mot important dans leur diplôme est bac, alors que c'est pro, bien-sûr. C'est-à-dire qu'ils ont une qualification professionnelle, mais pas les outils théoriques, parfois même la simple maîtrise de la langue française, pour suivre un enseignement abstrait, avec la réceptivité nécessaire. 97 % d'échec pour les étudiants issus des bacs pro, dans les universités. “Un Verdun éducatif“. Valérie Pécresse se flatte d'avoir organisé l'autonomie des universités, en tant que ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais n'a jamais osé imposer la sélection à leurs entrées, qui éviteraient ces hécatombes improductives.

Depuis l'échec de la réforme Devaquet, en 1986, de toutes les manières, la droite est tétanisée. Et la gauche entonne le discours démagogique éternisé, du bac pour tous, de la fac pour tous, du diplôme pour tous. Et tant pis pour le bac, grand rite initiatique national, comme un comateux maintenu en vie artificielle. Dixit Eric Zemmour : “Personne n'a voulu de remède de cheval pour le sauver, mais personne n'ose désormais, le débrancher“.

   J. D.


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