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Lettres et révolutions, un film de Flavia Castro. En salle.

Publié le 02 juillet 2011 par Slal
Paris, juin 2011
LETTRES et REVOLUTIONS (Diario de uma busca) de Flavia Castro

Regards de spectateurs
- C'est la fille de Castro ?

- Ah non ça n'a rien à voir, là on est au Brésil !

- Ah j'ai rien compris j'ai cru que c'était sur Cuba et que c'était la fille de Fidel Castro !...
C'était bien alors ?

Vendredi 24 juin, le film documentaire Lettres et révolutions de Flavia Castro, sorti en salle deux jours avant, est projeté au Cinéma Le Reflet Médicis suivi d'une rencontre avec la réalisatrice. Nicolas Philibert (réalisateur) et Lisa Ginzburg (Directrice culturelle de l'Union Latine), sont invités également.
Plongés dans l'obscurité les spectateurs dont je suis, écoutent la voix de la réalisatrice dans la recherche de son père, trop tôt privée de lui. Le récit de Flavia Castro, qui n'a rien à voir avec Fidel Castro, commence par exposer les faits incertains de cette mort. Entré par effraction chez un ancien nazi présumé à Porto Alegre, Celso Castro, fut surpris par la police. Les autorités conclurent à un suicide. La réalisatrice décide de mener elle-même une enquête. Son père Celso Castro était un militant brésilien d'extrême gauche, contraint pendant la dictature militaire (1964-1985) de s'exiler successivement en Argentine, France et Venezuela. Après l'amnistie politique il revint au Brésil. Entre temps, les parents de Flavia tous deux militants, mariés très jeunes, se séparent et refont leur vie. Flavia s'applique à reconstituer la vie de son père perdu trop tôt dans des circonstances restées floues. Dans cette enquête personnelle elle traque la parole : celle des proches, la mère de son père, sa mère à elle, son frère… ou moins proches les compagnons militants. Il en résulte un film constitué d'une parole hybride, multilingue (portugais, français, espagnol..), une parole directe ou bien écrite et lue (les lettres). Partis du Brésil où l'histoire est enracinée, point de départ et de retour aussi bien de la vie de Celso que dans la construction du film, les différents lieux-pays se succèdent et l'on est tantôt en Argentine au Venezuela ou en France. Petite fille, Flavia, est ballotée d'un pays à un autre au gré de la carrière politique de ses parents.

Lettres et révolutions Bande-annonce

Après la projection et le retour de la lumière, la salle reste dans le silence pendant plusieurs minutes. La réalisatrice ainsi que les autres intervenants, sont debout et attendent quelque réaction de la part du public. Celui-ci reste silencieux pendant de longues minutes mais enfin un spectateur prend la parole et ouvre ainsi la voix à la logorrhée enthousiaste du public. C'est à juste titre que le silence est resté épais une fois la projection achevée. C'est l'effet que font les belles œuvres. Le spectateur qui ouvre la parole remercie donc la réalisatrice de ce beau moment vécu tout en expliquant qu'il est bien difficile d'en parler « à chaud ». Flavia Castro reçoit la flatterie avec simplicité et modestie. Un autre spectateur résume le film à un film passion : passion politique, passion personnelle… passion qui prend fin avec un constat d'échec du père mais aussi des autres militants comme le précise la réalisatrice. Contredisant une intervenante qui parle d'un film fait de recherches, Flavia Castro précise que la seule chose qui corresponde à une recherche c'est l'enquête policière mais le reste c'est sa recherche à elle et de fait le film ne propose pas de donner un état des lieux datés.
C'est exactement ce que regrette ma voisine de gauche qui se penche vers moi pour me demander discrètement quand la dictature a pris fin au Brésil. Je réponds de façon incertaine, je ne suis pas sûre des dates que je donne et je crois que le film ne le précise pas vraiment. Ma voisine me rétorque que pour elle cela manque cruellement de précisions historiques et chronologiques. Elle me confesse qu'elle est moins enthousiaste que les spectateurs élogieux mais qu'elle ne souhaite pas, cependant, jouer les rabat-joie. Elle n'interviendra pas !
Lettres et révolutions n'est effectivement pas un documentaire didactique et pédagogique. A vrai dire les faits datés importent peu, c'est plutôt l'histoire de cette petite fille et de sa famille, qui est touchante. Un spectateur est ému parce-que cette histoire est racontée par une « petite Flavia » « c'est pour moi le plus beau, l'histoire de Flavia : la petite et la grande histoire sont racontées là ».
Flavia Castro clarifie que pour elle le familial et le politique sont étroitement liés et que par conséquent il est impossible de parler de film politique ou d'enquête familiale en séparant les deux. C'est peut être ce qu'a regretté ma voisine, dans un film politique les faits auraient peut-être été plus clairs alors qu'ici c'est le « je » de Flavia Castro qui s'exprime…
Un homme prend la parole et soulève la question de l'écriture du film. Flavia Castro apprécie la remarque et précise qu'elle est avant tout scénariste et que son film est très écrit. Le texte existait avant d'avoir les images, par la suite il s'agissait de trouver les images correspondantes. Par contre l'idée de lire les lettres n'est venue qu'en cours de tournage…
Lettres et révolutions témoigne d'une époque qui n'a pas été parlée au Brésil. La dictature a duré 21 ans, la démocratie est revenue en 1984. Contrairement à d'autres dictatures comme celle du Chili ou d'Argentine, les dossiers n'ont pas été ouverts, et ne le seront probablement jamais.
A la parole hybride de Lettres et révolutions a répondu le flux élogieux de paroles des spectateurs du Reflet Médicis ce jour là… pourvu que le film reste visible encore quelques semaines et soit découvert par un plus grand nombre de spectateurs…
Lola de Sucre
Lettres et révolutions, un film de Flavia Castro. En salle.

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