Je vous livre ici le contenu d’une conversation que j’ai eue il y a quelques jours avec un collègue. Celui-ci, que je ne supposais pas comme particulièrement bien disposé envers les immigrés, me confie sa satisfaction d’avoir été invité à une fête d’anniversaire. Il me raconte comment, il y cinq ans, son épouse, membre d’une organisation non gouvernementale, avait aidé un Africain dans ses démarches lors de son arrivée en France. Celui-ci avait dû fuir son pays, y laissant sa femme et ses deux fils. Rendant hommage à l’intelligence et au courage de cet homme, mon interlocuteur m’explique ensuite comment cet immigré avait pu s’insérer en France, trouvant du travail, parvenant ensuite à y faire venir sa famille et couronnant sa réussite par la naissance, dans notre pays, d’une petite fille.
A l’occasion du premier anniversaire de cette enfant, il avait organisé chez lui une grande fête, y conviant ses amis africains et ce couple blanc. Se sentant quelque peu écartelé entre son admiration pour son hôte, demeuré culturellement si différent, et sa défiance vis-à-vis des africains, mon collègue développe alors une argumentation qui m’étonne légèrement. En somme, les immigrés de première génération, ceux qui ont eu le courage de se lancer dans un pays inconnu, parfois au risque de leur vie, sont résolus à s’intégrer et y parviennent le plus souvent. Par contre, leurs enfants cèdent trop souvent à la tentation de s’abandonner à la paresse et se contentent de frauder pour bénéficier d’aides sociales.
Je me retiens alors de lui rappeler que, tous deux, nous connaissons au moins un immigré de deuxième génération, un certain Nicolas, qui ne s’inscrit assurément pas dans un tel schéma. Tout comme je m’abstiens de lui signaler que ce comportement n’est pas différent de celui attribué à certaines familles bien de chez nous : le père construit la fortune, les enfants en vivent et les petits-enfants la dissipent. Je me contente de lui dire qu’il n’y a pas que des immigrés pour être payés à ne rien faire et que même des philosophes, comme un certain Luc Ferry, y réussissent fort bien. Ce qui m’attire cette admirable réponse : « Il n’est pas le seul ! ».
Sidérant ! Le même élément qui imposerait de débusquer impitoyablement les moins bien lotis qui fraudent, parce que trop nombreux, vaut absolution pour les privilégiés, non solitaires, même si l’on se garde bien d’évaluer l’importance de la ponction sur les deniers publics opérée par ces derniers.