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Un come-back politique de DSK est-il complètement absurde ?

Publié le 03 juillet 2011 par Variae

Dès que j’ai pris connaissance du fameux article du NY Times qui annonçait le brutal et improbable retournement de « l’affaire DSK », vendredi vers 5H du matin grâce à un ami travaillant à New York, une question s’est posée à moi : l’hypothèse que même les dskistes les plus fervents avaient (au moins publiquement) balayée, celle d’un Strauss-Kahn innocenté à temps pour jouer un vrai rôle dans l’élection présidentielle de 2012, reprend-elle soudain du sens ? Peut-elle être considérée sérieusement ?

Un come-back politique de DSK est-il complètement absurde ?

Je n’entends pas ici discuter les détails technico-judiciaires de la question, c’est-à-dire la possibilité que les différentes procédures en cours aux États-Unis puissent être fermées dans un délai suffisamment court pour que DSK puisse revenir dans les temps. Je ne pense pas plus au versant socialiste de cette question, à savoir s’il est envisageable, ou non, de repousser la date de dépôt des candidatures à la primaire de quelques semaines, voire à la fin de l’été. Enfin, je ne trancherai pas non plus sur la nature du « vrai rôle » que pourrait jouer DSK ; à savoir soit candidat à la candidature, soit soutien actif d’un candidat, en position de devenir premier ministre de celui-ci par la suite. Le problème qui m’intéresse ici est le suivant : après l’essorage médiatique subi durant des semaines, entre accusations (fondées ou non) et révélations avérées, à propos du niveau de vie et de la morale notamment, est-il simplement envisageable que DSK retourne devant les Français et assume l’envie de les représenter, de les gouverner – avec une chance de réussir ?

On peut d’abord récapituler ce qui a été dévoilé pendant les dernières semaines. Au plan financier d’abord : les Français pouvaient supposer que DSK avait un très haut niveau de vie, ils en ont eu la preuve indubitable durant l’affaire, avec quelques épisodes particulièrement significatifs et discutés dans la presse et sur Internet (je pense au paiement de la caution au début de la procédure judiciaire, au choix ensuite de la résidence surveillée, et enfin aux détails donnés sur le prix de l’assiette de pâtes du soir de la « libération »). Au plan du rapport aux femmes ensuite. Ici, la pêche est moins fournie : il y a bien sûr le cas Diallo, mais admettons que l’accusation soit globalement balayée, que reste-t-il ? Les accusations de Tristane Banon ; mais la façon même dont l’intéressée en parle dans l’émission d’Ardisson qui a tout lancé, de même que l’usage qu’en a fait sa mère, n’ont pas contribué à les crédibiliser ; en outre, aucune plainte n’a été déposée, à ma connaissance. Il y a encore les bruits relayés dans la presse, dans la lignée d’un Quatremer dissertant sur le « rapport particulier aux femmes » de l’ex-directeur du FMI. Mais il n’y a pas eu, pour le moment, de faits répréhensibles et avérés révélés, malgré les menaces et les insinuations des uns et des autres. Le bilan des dernières semaines – encore une fois, dans l’hypothèse d’une disculpation dans l’affaire Diallo – est donc très concrètement le suivant : DSK est riche ; « on dit » que c’est un séducteur obsessionnel, « on murmure » que ce goût tend à la compulsion (sexuelle), mais sans dérapage criminel attesté. Quelles marges de manœuvre lui reste-t-il dans ces conditions ?

Sur l’argent d’abord. Mon point de vue (que les lecteurs de ce blog connaissent bien) est le suivant : non seulement il faut, en droit et par principe, distinguer la richesse personnelle des prises de position politique (au moins jusqu’à preuve du contraire), mais en outre, je crois les Français beaucoup plus souples sur ce point que le pensent nombre de moralistes à la petite semaine, de même qu’une certaine gauche puritaine, qui confond ses propres obsessions avec l’opinion populaire. On aime à répéter que l’échec de Sarkozy est celui du « bling bling » (ce mot-valise qui veut et tout rien dire) et que par conséquent il est impensable, aujourd’hui, qu’un homme politique puisse gagner des élections en ayant fait connaître une fortune personnelle, et assumé un mode de vie en conséquence. Je pense pour ma part que c’est l’échec politique de Sarkozy qui a conditionné le désamour progressif à l’égard de sa personne et de son mode de vie (faut-il rappeler qu’il a été élu « avec » cette personne et ce mode de vie?) ; eût-il réussi son mandat, qu’on ne lui en aurait pas fait grief. Conjointement, un candidat reconnaissant sa fortune personnelle, sans exagérer inutilement dans la provocation bien entendu, peut à mon sens tout à fait obtenir la confiance des électeurs, SI ces derniers le créditent des compétences et du projet nécessaires à la réussite du pays. Un point pour DSK.

Sur le rapport aux femmes ensuite. Sauf nouvelle accusation crédible et fondée, il resterait, dans l’hypothèse qui est la nôtre, bien peu d’éléments tangibles pour nourrir des attaques sur ce point. Par ailleurs on a entendu tout le monde à ce sujet, sauf le principal intéressé. Il faudrait qu’il vienne s’expliquer dans un grand moment télévisé, type JT de 20H00. Je vois mal comment un homme revendiquant la liberté de vivre sa sexualité et son couple comme il l’entend, dans la France telle qu’elle est, pourrait s’attirer la défiance ou le discrédit général. Poussons même un peu plus loin : d’une certaine manière, et paradoxalement, on pourrait même dire que l’épisode new-yorkais lui aurait été bénéfique. Pourquoi ? Parce que l’épée de Damoclès qu’agitaient à mi-voix depuis des mois ses adversaires à droite – nous avons des dossiers, des histoires de coucheries, on va les sortir – aurait été purgée en même temps que l’affaire du Sofitel. La vie de DSK ayant été fouillée et mise à nu, sans qu’aucune accusation valable ne puisse être retenue, il gagnerait une sorte de sauf-conduit sur le sujet ; plus encore, toute tentative d’agiter d’autres rumeurs se retournerait potentiellement contre ses auteurs, et passerait pour de l’acharnement. On peut appliquer le même raisonnement au train de vie : dans notre hypothèse, DSK aurait vécu en quelques semaines le condensé de toutes les attaques possibles par la suite, et en serait protégé par l’énormité et la violence du traitement subi.

Il y a, encore, le puissant ressort du sentiment d’injustice. Un DSK lavé de ses accusations, et dont il finirait par ressortir dans l’opinion qu’il a été quasiment tué politiquement (si ce n’est humainement) par un emballement médiatico-judiciaire infondé, pourrait bénéficier d’un sentiment d’empathie à la hauteur de la profonde répulsion initialement ressentie, et des suspicions de complot qui ne manqueraient pas de (re)fleurir. Il sortirait en outre humanisé de l’affaire, qui aurait permis l’atterrissage (certes chaotique) depuis l’exil américain, lointain et hautain. Les images du directeur du FMI menotté et fatigué, encadré par deux policiers, sont terribles, mais elles le ramènent aussi parmi les rangs du commun des mortels. Or on sait le rôle que joue l’impression de proximité pour un candidat à la présidentielle. Ajoutons à cela que les événements des dernières semaines ont pu être ressentis comme une humiliation nationale, et qu’il pourrait y avoir chez les Français une envie, plus ou moins consciente, d’inverser radicalement la vapeur pour laver cette humiliation … en en remettant la victime/responsable à sa place initiale.

En admettant que les conditions « techniques » soient réunies, l’idée d’un retour rapide de DSK au premier plan ne me semble donc pas absurde – du moins pas plus que sa chute vertigineuse depuis mai. A événement exceptionnel, retour de boomerang exceptionnel. L’effet « retour du fils prodigue » offrirait à DSK une attention populaire considérable, et lui ouvrirait une fenêtre de tir (si j’ose dire) unique pour dire ce qu’il a à dire au pays, et éventuellement se forger un personnage de comeback kid dans la perspective de 2012. Il y aurait en tout cas un beau scénario de campagne à écrire pour une équipe politique motivée, à partir de cette « matière » humaine (voire romanesque) sans aucun équivalent chez les autres candidats.

Romain Pigenel


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