L’industrie redoute un Ťdésarmement intellectuelť.
Les coupes sombres dans les dépenses de Défense, les moyens contraints de la NASA, les menaces qui pčsent sur la recherche et développement, inquičtent sérieusement l’industrie aérospatiale américaine. Laquelle craint ouvertement un affaiblissement qui pourrait la conduire ŕ renoncer ŕ son leadership mondial.
Plusieurs voix autorisées s’élčvent ces jours-ci pour dénoncer ces dangers. Ainsi, Jim Albaugh, directeur général de Boeing Commercial Airplanes, redoute un Ťdésarmement intellectuelť qui, combiné ŕ la diminution des efforts de recherche conduirait au pire, tout ŕ la fois dans les domaines civil et militaire. Robert Gates, secrétaire d’Etat ŕ la Défense (qui se prépare ŕ quitter ses fonctions) estime pour sa part qu’en période d’austérité, il ne suffit pas d’enlever un pourcentage arbitraire de chacun des postes budgétaires pour bien faire.
La charge la plus violente émane, comme on pouvait s’y attendre, de l’Aerospace Industries Association of America, groupement professionnel que dirige avec fermeté Marion Blakey. Cette derničre aligne les raisons d’inquiétudes qui ne sont pas uniquement celles qui sont citées le plus souvent. Ainsi, compte tenu d’une pyramide des âges défavorable, elle fait remarquer que 50% environ des ingénieurs du secteur aérospatial sont retraitables d’ici ŕ 2015. Dans le męme temps, les Etats-Unis ne forment pas un nombre suffisant d’ingénieurs, une situation qui annonce des problčmes cruciaux (qui, notons-le au passage, touchent également l’Europe).
En matičre de programmes, Marion Blakey souligne que, Ťpour la premičre fois en 100 ansť, aucun avion de combat piloté nouveau n’est actuellement en cours de développement aux Etats-Unis. Peu importe qu’elle omette de mentionner le nouveau bombardier stratégique, tellement secret qu’il n’est pas possible d’assurer que son maître d’oeuvre est choisi ou sur le point de l’ętre.
Côté spatial, alors que se prépare la derničre mission de la navette, voici les Américains obligés de confier aux Russes les liaisons avec l’ISS, la station spatiale internationale. ŤCinquante ans prčs le vol d’Alan Shepard, premier Américain dans l’espace, deux générations n’avaient pas connu un temps oů nous ne sommes plus engagés dans le vol spatial habitéť. On comprend l’acrimonie qui résulte de ce retrait.
Marion Blakey martčle qu’il faut soutenir une industrie aérospatiale et de Défense Ťqui nous a aidés ŕ gagner des guerres et ŕ trouver Osama ben Ladenť. D’oů la décision de lancer une vaste campagne de sensibilisation intitulée ŤSecond no Noneť basée sur un constat sévčre, ŕ savoir que le secteur constitue un atout national Ťpérissableť.
A partir du moment oů il n’est plus question de s’encombrer de précautions oratoires, pour illustrer ses inquiétudes, l’AIA n’hésite pas ŕ prendre pour exemple le cas anglais. Longtemps renommé pour ses programmes aéronautiques, suite ŕ son renoncement, Ťle Royaume-Uni achčte aux Etats-Unis et en Europe [continentale] ses avions de combat, ses hélicoptčres, ses transports civils et militairesť, une décrépitude que les Etats-Unis refusent tout naturellement d’envisager pour eux-męmes. Cette vision quelque peu catastrophique de l’avenir ne relčve pas nécessairement d’un pessimisme noir mais va visiblement faire débat.
Entre-temps, Marion Blakey dit qu’il faut agir vite et énumčre quelques priorités ŕ portée de la main, notamment la réalisation au pas de course du programme NextGen, appellation de la modernisation trčs attendue de la gestion de l’espace aérien américain. Par ailleurs, les dépenses du Pentagone, achats de matériels et recherche et développement, ne devraient en aucun cas descendre ŕ moins de 200 milliards de dollars par an. Quant aux moyens attribués ŕ la NASA, ils sont qualifiés de décevants.
Reste ŕ savoir si ce puissant lobbying trouvera sa place dans un contexte de grande sévérité budgétaire.
Pierre Sparaco - AeroMorning