Europe Ecologie - les Verts : une stratégie anti-Hulot bien rodée

Après l'élimination de Cohn-Bendit - répondant plus ou moins, aux dernières volontés du défunt -, Eva Joly est arrivée largement en tête, au 1er tour, de la primaire. C'est aussi une surprise, au sein du groupe Europe Ecologie - les verts. Le candidat Hulot a été laminé. La vedette médiatique a été éliminée. C'était l'objectif stratégique, la principale motivation d'une frange du mouvement. Le scénario était échafaudé, la tactique implacable, du calendrier de primaire resserré à la campagne trop courte, écartant le public de TF1.

Et le succès est total. Mais c'est surtout le travail de la garde rapprochée de Noël Mamère, en 2002, quator d'apparatchicks d'extrême-gauche. A leurs yeux, Hulot était un mauvais symbôle. C'était TF1, l'audiovisuel, l'argent, les médias, les sponsors, que sais-je encore, le diable… Et ces-derniers sont parvenus à imposer la magistrate franco-norvégienne, parvenant à faire croire aux militants, qu'elle incarnait la tradition verte, en France, alors qu'elle avait pourtant été ramenée dans ses bagages par Daniel Cohn-Bendit, qui l'avait dérobé à Bayrou, en 2009. Il est vrai, que la greffe a mis du temps à prendre. Elle ne plaisait pas, au début. C'était l'ancienne juge d'instruction de l'affaire Elf, et qui ne parlait que de justice et de paradis fiscaux, et guère de nucléaire, d'éoliennes, de sans-papiers. Son image d'ancienne magistrate, sa personnalité n'allait guère de pair, avec les traditions révolutionnaires de l'extrême-gauche française. Du point de vue de l'image, la magistrate franco-norvégienne incarnait surtout ce dépassement des nations, chère à cette tendance de l'extrême-gauche, parfaitement assumée chez les verts, mieux dissimulée au PS.

Il est vrai, qu'outre son image sympathique d'ex-présentateur reconverti dans la lutte environnementale, Hulot était le plus emblématique de ce qu'il rejetait. Notamment par ses compromissions politiciennes avec l'UMP, au travers de son premier engagement associatif d'après 2007, ayant abouti aux accords du fameux “Grenelle de l'environnement”, et par ses amitiés avouées avec Sarkozy et Borloo, alors ministre de l'écologie et du développement durable. Une frange du mouvement écologiste en a vite fait, un épouvantail de circonstance. En revanche, Hulot partageait avec Joly, une semblable détestation des puissants. Mais Eva Joly a habilement joué le jeu, jusqu'au bout, en arborant fièrement sa double nationalité, et y allant de tous les poncifs chers à nos verts, de la dépénalisation du cannabis à la régularisation des sans-papiers, en passant par le mariage homosexuel. Il est vrai qu'en France, les questions sociétales à contre-courant les intéressent beaucoup plus que l'environnement. C'est ce qui les relie historiquement à l'extrême-gauche soixante-huitarde, et ce qui les coupe irrésistiblement de l'électorat populaire, les confinant à une petite base électorale urbaine et diplômée.

Leurs confrères allemands progressent dans la société allemande, à l'image de cette récente victoire électorale dans le Bade-Wurtemberg, en renouant avec la tradition plus conservatrice du courant écologiste des origines, plutôt située au centre-droit, renouant avec les valeurs de la démocratie chrétienne, se rapprochant des conservateurs et traitant avec l'industrie automobile, pour inventer la “nouvelle donne verte“. Mais les verts français se refusent à toute évolution, à l'heure actuelle, s'assurant des raclées magistrales à chaque présidentielle, des 5 % de Noël Mamère en 2002, aux 1,57 % de Dominique Voynet en 2007. De quoi rassurer Borloo et le potentiel candidat PS, ravit de voir les verts se saborder eux-mêmes, au mieux une petite force d'appoint, guère apte à disperser leur électorat au 1er tour…

   J. D.