Magazine France

Le chaînon manquant

Publié le 05 juillet 2011 par Malesherbes

Dans l’évolution qui conduirait du singe à l’homme, on recherche avec ardeur le fameux chaînon manquant. Par contre, dans la glissade de l’UMP vers le FN, le dit chaînon est bien présent. Il a nom Claude Guéant. Et il faut saluer la remarquable constance de notre parfois si versatile président qui a su remplacer un ministre de l’Intérieur condamné pour injure raciale en première instance par un homme de la même eau, bien sale. Admirons donc la plus récente performance de M. Guéant.

Le 22 mai, au micro d’ Europe 1, M. Guéant prétend s’appuyer sur des chiffres de l’Insee pour affirmer que « les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés ». Invité par des journalistes à corriger cette déclaration mensongère, le directeur général de l’Insee, Jean-Philippe Cotis, avec une bravoure insensée, manifestant ainsi un ferme soutien à ses troupes, se fend alors d’un communiqué dans lequel il estime que l’Institut, « de manière générale, n’a pas vocation à s’exprimer sur les interprétations des données qu’il publie ».

Le 25 mai, M. Guéant réitère ainsi devant l’Assemblée nationale ses affirmations mensongères : « C'est vrai, et ce sont les chiffres de l'Insee, qu'il y a deux tiers des enfants d'immigrés qui se trouvent sortir de l'appareil scolaire sans diplôme ». A la différence de cet éminent statisticien, il ne vous a sans doute pas échappé que, à l’exception du ratio des deux tiers, cette assertion est radicalement différente de la précédente. Sous les huées de l'opposition, notre amoureux inconditionnel de la vérité prétend alors se référer « aux publications récentes de l'OCDE, au rapport du Haut Conseil de l'Intégration ». Dans la foulée, il envoie plusieurs droits de réponse à des médias, parmi lesquels Libération, coupables d’avoir écrit que ses chiffres étaient faux.

Le 21 juin, les syndicats de l’Insee demandent à leur direction de prendre position et de corriger publiquement les déclarations de  Claude Guéant. Ils invoquent, à l’appui de leur demande, le code des bonnes pratiques de la statistique européenne, selon lequel « l’autorité statistique, s’il y a lieu, s’exprime publiquement sur les questions statistiques, y compris sur les critiques et les utilisations abusives des statistiques publiques  ».  M. Cotis se résout enfin à publier une réponse dans laquelle il souligne que l’Insee a « le devoir de rendre disponible et de faciliter l'accès aux données pertinentes, notamment à la presse » et qu'il « a fait en sorte que tous les journalistes en recherche d'informations sur ce sujet soient systématiquement aiguillés vers la source statistique ».

L'Insee précise dans cette communication que le dossier s'appuie sur une étude de 2005 intitulée "Les immigrés en France" portant sur la scolarité dans l'enseignement secondaire des élèves entrés en sixième en 1995. Il ressort de cette étude que les proportions d'élèves sortis sans qualification de l'enseignement secondaire sont ainsi de 10,7 % parmi les enfants de familles immigrées, 6,6 % parmi les enfants de familles "mixtes", 6,1 % parmi les enfants de familles non immigrées. Nous voilà bien loin des 2/3 « des enfants d'immigrés qui se trouvent sortir de l'appareil scolaire sans diplôme ».

Quant à l’autre affirmation : « les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés », il faut être aussi inculte que son auteur pour s’imaginer que l’on peut tout à loisir additionner des pourcentages calculés sur des bases différentes : les familles immigrées étant beaucoup moins nombreuses que les non immigrées, même avec un taux d’échec supérieur, le nombre d’enfants en échec scolaire dans celles-là est très largement inférieur à celui observé dans celles-ci et ne saurait constituer deux tiers du total.

Guéant, l’homme aux deux échecs, scolaire et moral.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Malesherbes 59 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte