Cessez partout le feu sur l'homme et la nature
Sur la serre et le champ les jardins les pâtures
Sur la table et le banc sur l'arbre et la toiture
Sur la mer des poissons et celle des mâtures
Sur le ciel où l'audace et l'oiseau s'aventurent
Sur le passé de pierre où rêve la sculpture
Sur les choses d'ici sur les choses futures
Sur ce coeur dans son coeur qu'une mère défend
Cessez le feu partout sur la femme et l'enfant
Sur les chemins ombreux que les amants vont prendre
Sur les baisers ardents où des baisers s'engendrent
Sur les yeux grands ouverts pour le plaisir entendre
Sur les amours vannés qui laissent le bras pendre
Sur le réveil heureux des désirs sous la cendre
Sur cette douceur-là qui n'est jamais à vendre
Sur les chuchotements qui font les lits si tendres
Et de la tête aux pieds comprendre ce qu'on sent
Cessez le feu sur les caresses et le sang
ARAGON, novembre 1954, Les yeux et la mémoire NRF