Le thé sans matériel. Je n'arrive pas à retrouver ce qui fait cette sensation de sérénité... passagère, il va sans dire. Je n'arrive pas à poser mon esprit.
En fait, c'est un peu cela. Toute la journée est faite de gestes qui doivent être utiles. Cette utilité de la vie que je rechigne à suivre, souvent, aimant beaucoup les cheminements de l'esprit, ce temps, mort pour les autres, qui n'en ai pas un. Mais ici, le temps est compté, établi en tâches à faire, en sorties obligatoires, en étapes clefs.
La tension est latente, bien perceptible, capable de sortir en agressivité aux premiers soubresauts de passé ou de paranoïa de trahison. Quand à savoir si c'est ou non un effet de mon esprit, il faudrait que je couche sur le papier bien d'autres choses que ces mots là. Je n'arrive pas à décompresser des tensions familiales mais aussi de cette nervosité d'être chez quelqu'un d'autre, de ne plus avoir ses repères... de n'en avoir jamais eu... et de ne pas en vouloir.
Un thé. Un Pai Mu Tan bu tous les matins... et à d'autres moments. J'aurais pu me laisser aller à de nombreuses images qui amènent l’apaisement.
Les fleurs d'onagre qui s'ouvrent le soir concédant leur magie uniquement à ceux dont la patience a permis au bouton de s'ouvrir, très plissé tout d'abord, puis en quatre comme une étoile aux points cardinaux, puis la déchirure des sépales jusqu'à ce que l'un face son éveil à 180° et permette aux pétales d'exploser enfin ouverts.
Le carillon qui me plait tant et laisse murmurer le vent.
La pluie, drue ou en averses, dont le bruit sur les vérandas offre un tintement ou une percussion douce.
Mais là point de zhong. Je n'en ai pas amenés. Une tasse avec une passoire en osier, préférée à la boule à thé. Parce que je ne peux plus boire un thé sans admirer les feuilles sèches dansantes dans la tasse et augmentant de volume. Même sans matériel, j'aime qu'elles se déploient, j'aime les voir. C'est peut-être aussi pour cela que les théières fermées ne me donnent pas toujours satisfaction: la magie nous ai cachée. Avec le zhong je triche, je manie le couvercle toujours un instant de plus... de trop peut-être... pour admirer les feuilles, pour voir la première "dilution", le premier changement de couleurs.
Alors un Pai Mu Tan plus aussi frais, d'ailleurs il est un peu vieux, cela se sent. Les feuilles un brin trop sèches, presque en débris... et le goût moins clair, floral toujours mais... Il y a peut-être l'odorat qui me manque. Je me shoote au nez, je déguste avant de mettre en bouche... et là rien. Pas moyen, manque de matériel et les feuilles sèches, elles, restent un peu muettes.
Pas de sérénité, pas de temps pour se poser dans sa globalité. Si la nuit! Mais c'est impératif le monsieur aux aiguilles m'a dit que la nuit c'est fait - pour dormir 8 heures au minimum ma petite dame, sinon le lendemain la journée ne vaut rien, si, si -. Oui la nuit, mon esprit se libère, en dilettante. Parce que oui l'émulation intellectuelle me manque: partir d'un point, le définir, le malaxer, le digérer (ou presque, quand je ne le recrache pas), sauter à pieds joints vers sa continuité, autre et ailleurs, et revenir...
J'ai souvent eu envie d'écrire. Non non pas sur des blogs où malheureusement se mêlent aussi des maux répandus, impudiques, grotesques aussi, ouvertement lisibles juste pour mon petit égo et une sorte de rancune. Piètre bavardage! Mais oui, écrire des livres!! Quelle prétention!
D'une part, je n'ai pas de style. Cela se travaille me direz-vous! Oui mais je suis du genre peu appliquée quand il s'agit de me restreindre un temps... même pour m’améliorer (enfin heureusement pas dans tous les domaines). Je n'ai pas l'âme de chatouiller le français (ou trop, j'alambique toujours trop, comme si j'aimais à me relire).
Et puis surtout parce que je n'ai aucune histoire. Si la mienne, un certain égotisme qui ne me mènerait pas loin. Oh oui il y a de la matière, des ombres, des trahisons (tiens ça me reste en tête ce cauchemar!), des obstacles, des bravoures aussi... de l'enthousiasme parfois. Mais quel intérêt! Ce n'est pas le meilleur d'un auteur de se répandre sans rien ajouter.
En fait, je voudrais l'écrire ce livre à plusieurs tomes. Mais je ne veux pas de lecteurs, juste moi, pour contempler le chemin parcouru. Une sorte de survivance. Pas d'autres lecteurs, mes tripes m'appartiennent et même si je dilue mes confessions à mes amis les plus chers, je pense que dans les grandes largeurs, le reste me revient.
Mais là, la nuit, je repense à écrire. Mettre des mots sur une instabilité, sur un vécu, sur un parcours chaotique, sur un cheminement. Parce que j'ai un peu l'impression de vivre ces semaines loin de moi, comme une ombre. Alors je me retrouve entre les lignes d'autres livres, je me lis, me relis et savoure aussi.
J'en parle déjà un peu là.