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Le jour où Sarkozy s'est pris pour Pompidou en 1974.

Publié le 07 juillet 2011 par Juan
Le jour où Sarkozy s'est pris pour Pompidou en 1974.La salle était debout pour accueillir Nicolas Sarkozy, mardi dernier, à Montboudif (Cantal), qui saluait le centième anniversaire de la naissance de Georges Pompidou. Ce déplacement était la seule actualité présidentielle de ce jour, exceptée un rendez-vous avec le président du directoire de Peugeot PSA, Philippe Varin, et la nomination d'Edouard Balladur comme « envoyé spécial pour la mise en oeuvre du "Partenariat de Deauville"». Le clin d'oeil était évident, Balladur a fait ses premières armes politiques d'envergure au cabinet de Georges Pompidou.
Pour le reste, aucun des graves sujets du moment n'avaient visiblement grâce aux yeux du Monarque. Pas question de déranger son calendrier.
Il y avait pourtant quelque matière à s'inquiéter et s'abstenir d'un hommage sans actualité : l'euro est en crise; la Grèce vient d'obtenir sa cinquième tranche de 12 milliards d'euros pour passer les échéances de l'été, mais après ? Depuis le début de semaine, le Portugal semble à son tour flancher sur les marchés, après une mauvaise notation par l'agence Moody's. En Syrie, des manifestations monstres ont eu lieu le weekend dernier et Bachar El-Assad a envoyé l'armée continuer ses massacres répétés de civils en Syrie.
En Libye, grand sujet de Sarkofrance voici 3 mois, le colonel Kadhafi résiste toujours malgré des livraisons d'armes aux rebelles. Où est passé Sarkozy ? Jour après jour, semaine après semaine, le candidat continue sa campagne comme si de rien n'était, dans sa bulle.
Il revenait justement d'un weekend de trois au Fort de Brégançon, interrompu par un mariage princier à Monaco.
A Montboudif, dans le Cantal, les 1.500 invités jouaient donc à l'émotion pour le souvenir d'un homme décédé voici 36 ans, dont le rapport avec l'actualité est proche de zéro.Il y avait une grande bâche, dressée derrière notre monarque, avec une immense photographie de Georges Pompidou. Sarkozy semblait vieilli, dans un costume trop grand pour lui.
« Mes chers amis, monsieur le président du Sénat, monsieur le président du conseil général, mesdames et messieurs les parlementaires, messieurs les ministres,.... » Le Monarque avait les yeux rivés sur son discours. L'improvisation fut rare. Les mots avaient été choisis. Le propos fut clair. Après les hommages, nombreux, au général de Gaulle et à la résistance, Sarkozy continuait donc dans l'autoportrait, cette fois-ci à travers un hommage farfelu à un président oublié des livres d'histoires.
« Le 16 mai 1969, un peu plus de deux semaines après la démission du général de Gaulle, un peu plus de deux semaines après la démission du Général De Gaulle, Georges Pompidou présentait aux Français sa candidature à l'élection présidentielle par ces mots dont certains d'entre vous se souviennent peut-être... » On se pinça... Sarkozy commençait son hommage par citer quelques extraits de la déclaration de candidature de Pompidou à la présidentielle, comme si ... c'était la sienne. La ficelle était si grosse ! Citons quelques-uns de ces morceaux choisis, tant ils sont révélateurs du Monarque :
« J'ai fait mon apprentissage, j'ai fait des fautes comme tout le monde, mais je ne crois pas avoir été indigne de ma fonction »
« Il fallait d'abord rétablir l'ordre progressivement mais fermement et sans faire couler le sang, sans nous jeter dans la guerre civile. Il fallait remettre la France au travail. Et puis il fallait déjouer le complot politique, faire comprendre à l'opinion ce qui se passait [...] C'est à ce moment que j'ai compris que quand viendrait le jour, je n'aurai pas le droit de me dérober. »
 Pour être grave et emporter l'émotion d'une assistance pourtant acquise, le Monarque enchaina rapidement sur les conditions du décès de Pompidou. « agonie », «  combat contre la mort », ou cette interrogation existentielle : « A-t-il su qu'il allait mourir si vite ? ». Sarkozy se permit d'inventer les dernières minutes de la vie de Pompidou : « Et cet homme qui aimait tant la poésie se récita peut-être alors au milieu du malheur le vers de Corneille qu'il connaissait si bien : "Meurs, mais quitte du moins la vie avec éclat". »  Car, bien sûr, « des vers, il en avait appris des milliers. »
On se pinça encore pour y croire. Sarkozy ose tout.
Notre Monarque évoque ensuite la « passion de la poésie », « les joies familiales » dans « l'univers glacé du pouvoir », sa «  tranquille assurance » , sa « vieille terre auvergnate », sa « dignité parfaite » dans l'épreuve, « un courage qui força l'admiration ».
Pompidou, c'était Sarkozy avant l'heure. Jugez plutôt : « Il traversa des épreuves terribles, se battit contre les préjugés, contre la calomnie, contre la maladie. » Ou encore : « Sans l'amour de l'art et de la poésie on ne peut rien comprendre à un homme que rien ne semblait pouvoir ébranler tant sa force intérieure était grande. » Sarkozy aussi, depuis quelques mois, se cultive beaucoup. Il adore le cinéma classique et lit 8 romans par jour. Mieux: « au fond Pompidou fut le premier à avoir senti avant l'heure le déclin des vieilles nations si elles se laissaient vivre sur leurs acquis. » Cela ne vous rappelle rien ?
Cette litanie lassante se termina par le seul message qui comptait : « Le temps est venu de nous réconcilier avec ce que nous sommes profondément, de reprendre confiance, de nous persuader que ce que nos pères ont accompli jadis, nous sommes capables de l'accomplir de nouveau, que le génie de notre peuple n'est pas moins grand aujourd'hui qu'hier.» Sarkozy ne parlait plus au passé. Il ne pensait plus qu'à lui. Le constat est lâché : « Ce centième anniversaire de la naissance de Georges Pompidou doit être l'occasion d'un examen de conscience »...
Car Pompidou, grand homme, savait mieux que d'autres, qu'« un pays n'est pas une page blanche ». Et si nous n'avions pas compris le message conservateur, Sarkozy enfonça le clou : «  Il savait que la politique de la table rase a toujours été une catastrophe et qu'en fin de compte l'histoire, la culture, l'identité, le fruit du long travail des générations reviennent toujours hanter le présent quoique l'on ait fait pour en effacer les traces.» Bref... ne bousculez pas le Premier Cercle, les 200 familles, l'ordre immuable, la mondialisation et la main invisible du marché. Le candidat Sarkozy, l'homme de la Rupture, avait cru devoir s'abriter, en juillet 2011, derrière un premier ministre devenu président d'une France frileuse en 1969. Quel exploit !
Nicolas Sarkozy loua « ces racines », qu'il « plongeait dans ce plateau aride » du Cantal, ce « fils de Léon Pompidou, instituteur, et de Marie Louise Chavagnac, institutrice,» qui « rafla tous les prix et lut tous les livres ». Il retraça, en quelques paragraphes sentencieux et de peu d'intérêt, la vie, étape après étape, du dernier premier ministre gaulliste et gaullien. Au passage, Sarkozy nous rappela la lâcheté d'un homme (« il n'entendit pas l'appel du 18 juin. Il ne partit pas à Londres et s'il rejeta toute forme de collaboration avec un occupant qu'il détestait, s'il eut des sympathies pour des Résistants qu'il aida à l'occasion, il eut, contrairement à bien d'autres, l'honnêteté de reconnaître qu'il n'en devint pas un lui-même. Certains le lui reprochèrent »).
Mais la grande idée que notre Monarque voulait défendre, pour mieux se comparer favorablement, c'était celle d'une présidence normale, « la gestion du quotidien ». Pompidou, c'était mieux que François Hollande. C'était l'efficacité réformatrice d'un Sarkozy avant l'heure ! « Le quotidien, Georges Pompidou en fit sa grandeur, car la vie quotidienne le passionnait. Il regardait toujours la politique comme une question de civilisation et la civilisation il en voyait d'abord la manifestation concrète dans la vie de tous les jours.» Fichtre ! Pompidou conduisait une Porsche, mais c'était la sienne. Quel quotidien !
On se pinça à nouveau... Sarkozy, depuis son élection, n'a cessé de prêcher des concepts fumeux - « rupture », « laïcité positive », « politique de civilisation » , « moralisation du capitalisme »... Mais pour 2012, il a changé. Il est comme Pompidou, pragmatique. Il sait tourner sa veste, prêcher le contraire de la veille en un battement de sourcils, avec autant de convictions que s'il s'agissait d'une profession de foi.
Comme Pompidou, « il ne crut jamais aux grands desseins détachés de cette réalité et il éprouva toujours une méfiance instinctive vis-à-vis des grands systèmes de pensée, des grandes constructions idéologiques.» Par hypocrisie ou manque de compréhension de ses
propres actes, Sarkozy loue cette prétendue indépendance d'esprit. « Rien ne lui était plus étranger que l'esprit de système.» Il oublie le conservatisme inégalé qu'il vient d'applaudir. Pompidou était peut-être Louis-Philippe. Sarkozy n'est que Charles X.
Notre Monarque, qui ne cessait de se féliciter d'avoir promulgué autant de lois qu'il y a de jours dans l'année, loue ce modèle « qui ne croyait pas que l'on pût changer la société par décret ». Le constat est assez clair : l'homme se fiche de nous. Il compte sur notre amnésie, quatre ans à peine après sa première élection.
Pompidou, cet «  adepte du progrès économique et de l'expansion » agissait ainsi comme notre Monarque, protecteur avant tout, évidemment et bien sûr. Car  « comme l'on disait à l'époque» il était « autant préoccupé par le souci de donner accès à tous les Français aux commodités de la vie moderne que par la nécessité d'éviter un bouleversement trop brutal du mode de vie qui déracinerait totalement l'homme et l'asservirait à la technique et à l'économie. » On le sait, si nous avons davantage de franchises médicales, moins de retraites - surtout si l'on a travaillé jeune et/ou peu - , moins de pouvoir d'achat, plus de défiscalisations pour quelques-uns... c'est pour notre bien.
Ce mardi, Nicolas Sarkozy avait surtout peur d'une chose, essentielle, qu'on l'oublie comme son mentor d'un jour : « on a tendance à oublier que ce fut lui, Georges Pompidou, qui créa en France, en janvier 1971, le ministère de l'Environnement (...) On n'a pas vu tout ce qu'il avait fait pour préparer l'avenir.»
Notre Monarque multiplia les citations pompidoliennes, du « plan (qui) doit être l'affirmation d'une ambition nationale » aux « grandes capacités de notre agriculture » ; de la remise en cause de notre « civilisation » par mai 1968 à son anticipation de « la crise écologique » ou son « choix de l'Europe ». Sarkozy l'atlantiste oublia le Pompidou qui assuma la sortie du commandement militaire intégré de l'OTAN.
Il y avait une différence, essentielle celle-là aussi, entre Georges Pompidou et Nicolas Sarkozy. le premier est resté fidèle. L'autre a bâti sa carrière sur de multiples trahisons.
Mais de celle-là, il ne fut point question lors de cet hommage sans intérêt, à Montboudif, dans le Cantal.


Il y avait compétition, cette semaine, sur l'héritage de Pompidou. Ces derniers jours, François Fillon, premier Chambellan du Monarque, a aussi réclamé la référence du dernier premier ministre du général. Cet engouement pour celui qui n'avait rien compris de Mai 68 pourrait étonner. Fillon, pressentant l'intervention-anniversaire quelques jours plus tard, avait déjà lâché, lors de son déplacement en Asie, des choses e-s-s-e-n-t-i-e-l-l-e-s sur Pompidou. Sur le moment, on n'avait pas compris le soudain hommage :  « C'est sous Pompidou qu'ont été lancés le programme électronucléaire français, le programme d'avions Airbus et (celui) de trains à grande vitesse. Trois moteurs de la croissance en 2011 sont (donc) liés à des décisions publiques prises sous Pompidou. Eh bien, nous avons voulu faire la même chose » avait donc déclaré Fillon.
Et ?
Pompidou, avenir de la France de 2011.
Ils sont prêts à tout.
Ami sarkozyste, quel âge avais-tu quand Pompidou est mort ?


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