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La tentation américaine

Publié le 11 juillet 2011 par Toulouseweb
La tentation américaineLe regard d’EADS est résolument tourné vers les Etats-Unis.
L’industrie de la Défense est inquičte : une vingtaine d’années aprčs avoir choisi d’engranger les dividendes de la paix, les Etats estiment venu le moment de plafonner ou de réduire leurs budgets militaires. La récession sévit et la tentation est grande d’utiliser les dépenses de Défense comme valeur d’ajustement. Une situation qui s’explique, bien sűr, tout en affichant de sérieuses contradictions avec l’état difficile de la plančte, agitée par de nombreux problčmes géopolitiques.
Les Etats-Unis n’échappent pas ŕ cette tendance de fond, bien que l’administration Obama soit ŕ la peine. Il n’est pas simple de réduire le train de vie du Pentagone, qui dépense deux milliards de dollars par jour, d’autant qu’il apparaît indispensable de préserver de précieuses bases industrielles et technologiques aux retombées multiples.
Replacée dans ce contexte difficile, la stratégie d’EADS pose visiblement problčme. Le groupe européen affiche des perspectives prometteuses mais sa bonne tenue relčve en grande partie d’Airbus, ce qui revient ŕ dire que les avions civils continuent d’assurer prčs de 70% du chiffre d’affaires du groupe. L’équilibre idéal entre activités civiles et militaires, un objectif logique, n’est pas ŕ portée de main, tant s’en faut. Et, pour s’en rapprocher, il apparaît clairement qu’EADS doit trouver les moyens de s’implanter davantage aux Etats-Unis.
Tenter d’obtenir davantage de commandes militaires de la part de l’unique super puissance constitue en soi une stratégie méritoire. D’autres géants industriels, ŕ commencer par BAE Systems, disent exactement la męme chose tandis que des intervenants plus modestes, Finmeccanica par exemple, déploient eux aussi des efforts considérables pour acquérir de nouvelles parts de marché lŕ oů se trouvent les plus gros budgets.
La notion de mondialisation assure une certaine forme de crédibilité ŕ cette vision du monde mais, dans le męme temps, précisément parce que les temps sont difficiles, on constate un regain de patriotisme économique qui complique singuličrement la tâche des stratčges européens. Ce qui n’interdit pas ŕ EADS d’afficher de grandes ambitions.
En marge du récent salon du Bourget, elles ont été éloquemment réaffirmées par Sean O’Keefe, directeur général d’EADS North America (notre illustration). Aprčs avoir rappelé que les Etats-Unis représentent ŕ eux seuls la moitié du marché mondial de la Défense, il a souligné que le groupe européen dispose des technologies et des produits qui peuvent lui permettre de jouer un rôle de premier plan, qu’il s’agisse de Défense ŕ proprement parler ou dans le cadre dit de la sécurité nationale, homeland security. De nouvelles opportunités vont se présenter, martčle O’Keefe.
Son intervention est d’autant plus remarquable qu’elle intervient quelques semaines ŕ peine aprčs l’échec des Européens sur le marché des avions ravitailleurs en vol de l’USAF. Un échec attendu, certes, mais dont il est apparemment possible de tirer des leçons positives. A commencer par le fait qu’EADS sort grandi de cet affrontement, ses propositions ayant été considérées avec le plus grand sérieux par les décideurs du Pentagone. O’Keefe estime que les ambitions américaines d’EADS ont été validées ŕ cette occasion, que le groupe est l’un des rares prétendants ŕ pouvoir formuler des propositions qui sont ŕ la portée de deux sociétés non américaines seulement (il ne mentionne jamais BAE Systems).
Dans le cas des ravitailleurs, en empęchant Boeing de bénéficier d’un monopole de fait, EADS, paradoxalement, a bien défendu les intéręts des contribuables américains, estime O’Keefe. Cela sans ętre limité ŕ un rôle de simple faire-valoir, sachant que l’A330 MRTT avait bel et bien remporté la compétition lors d’un épisode antérieur.
En 2002, alors sans concurrent, Boeing avait remis une proposition d’un montant de 48 milliards de dollars. Six ans plus tard, ce prix forfaitaire pour la livraison de 179 appareils était tombé ŕ 42 milliards, mais nettement plus élevé que l’offre EADS chiffrée ŕ 38,5 milliards. Finalement, l’année derničre, au terme du troisičme tour de piste, Boeing l’a emporté ŕ 31,5 milliards de dollars, contre 35 milliards pour les Européens. D’oů la tentation d’affirmer que la proposition d’EADS a considérablement réduit la dépense.
Dans le męme temps, EADS met en évidence, mieux que dans le passé, des succčs américains récents, ŕ commencer par la livraison de 171 hélicoptčres UH-72A Lakota au prix fixé, dans le respect des délais contractuels et avec des résultats opérationnels meilleurs qu’annoncés. Le bilan affiché par les HH-65C Dolphin des Coast Guard est tout aussi élogieux (101 exemplaires livrés). Satisfaction également dans d’autres domaines moins connus comme les appels d’urgence passés au 911 : vingt-sept des trente plus grandes agglomérations américaines, soit 200 millions d’habitants, utilisent des moyens techniques fournis par EADS.
Reste ŕ attendre une nouvelle victoire qui Ťparleť aux opinions publiques, en route vers la consécration espérée, un statut véritablement mondial conféré ŕ EADS, mais sans vendre son âme.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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