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Témoignage : le centre de rétention administrative d’Oissel(rouen)

Publié le 15 février 2008 par Torapamavoa Torapamavoa Nicolas @torapamavoa

En 2005, un réseau de visiteurs du Centre de Rétention de Oissel en Seine Maritime a été constitué. Il ne s’agissait pas de “gauchistes” comme sont souvent présentés les défenseurs des sans papiers, mais de simples citoyens, pour la plupart non militants, indignés par les les conditions “d’accueil” des immigrés sans papiers retenus dans ces centres.

En 2005, un réseau de visiteurs du Centre de Rétention de Oissel en Seine Maritime a été constitué. Il ne s’agissait pas de “gauchistes” comme sont souvent présentés les défenseurs des sans papiers, mais de simples citoyens, pour la plupart non militants, indignés par les les conditions “d’accueil” des immigrés sans papiers retenus dans ces centres.
J’ai effectué plusieurs visites. Je me suis présentée seule la première fois sans titre associatif et sans mandat de la justice, ce qui m’a permis de réaliser à quel point un mandat pouvait protéger de l’arbitraire. En effet, j’exerce une profession sociale, à ce titre, je suis amenée à visiter des détenus en maison d’arrêt. J’ai constaté que le climat des centres de rétention est sans commune mesure, alors qu’il il y a pourtant beaucoup à dire sur les conditions d’incarcération en prison.
Ma première visite au Centre de Rétention m’a profondément bouleversée, au point de ne plus m’y présenter seule ulterieurement. Tout d’abord, nous subissons une attente
pratiquement systématique (45mn dans mon cas) sans explication. Ensuite deux policiers en armes viennent vous chercher, et vous encadrent dans l’enceinte du Centre. durant le trajet entre la grille et le centre, d’une dizaine de minutes à pieds. Dans ces conditions je peux vous dire que c’est une eternité !
L’hostilité manifeste de ces gardiens en armes et la sentation oppressante de rentrer dans une zone de non droits vous conduit à vous poser ce type de question “Ai-je prévenu quelqu’un de ma visite, et si l’on me retenait ici pour x raisons.”..Arrivée dans les locaux du Centre, nouvelle attente. Les gardiens présents vous toisent, en prenant leur café, vous laissent debout un certain temps dans un couloir sans lumière. Mes affaires personnelles ont été déposées dans un placard ouvert. Ensuite intervient une “fouille au corps avec palpation”, ce qui est profondément choquant, inacceptable, et m’a profondément troublée.
J’étais là en tant que simple visiteuse je ne transportais ni bombes ni armes, ne visitais pas de terroriste ni de criminels, mais simplement des personnes sans défense, privées de titres de séjour.
Savez-vous que chaque visiteur du Centre de rétention est irrémédiablement fiché? Il est vrai qu’il existe un nouveau délit institué par Nicolas Sarkozy, et puni par la loi “le délit de Solidarité”je trouve qu’il s’agit là d’ un “beau” délit et le revendique!
Des gardiens se tiennnent à l’entrée de chaque piece minuscule où ont lieu les visites.Nous nous entretenons avec les retenus portes ouvertes, à ma deuxième visite le policier se tenait dans la piece même intervenant dans le dialogue : ce qui constitue une violation du réglement du Centre de Rétention que nous avons mis près d’un an à nous procurer auprès de la Préfecture de Seine-Maritime !
Le centre des rétention d’Oissel est situé à 20 km de Rouen au fin fond de la forêt des Essarts. il n’y a aucun transport public à proximité. Le préfet indique “La plupart du temps les retenus sont raccompagnés à la gare SNCF lorsqu’ils sont libérés” Que se passe t’il donc le reste du temps ? Savez-vous que des femmes seules, des familles avec des enfants ont été “libérés” en pleine nuit en forêt sans moyens de transport et sans argent?
Quant aux témoignages des retenus, un ressortissant Algerien m’a expliqué que personne ne l’avait averti des délais très brefs de recours , la seule représentante de la CIMADE à l’époque étant en congés. Il m’a parlé des expulsés que l’on vient chercher à trois heures du matin dans leur cellule, pour les trainer de force hors du centre et les conduire à Roissy. Ces hommes et ces femmes hurlent de terreur et de détresse et tentent de s’accrocher desespérement au mobilier.
Risque t’on sa vie dans une grève de la faim dans un lieu ou les libertés et la dignité humaine sont respectées ? Tente t’on de mettre fin à ses jours? S’évade-t’ on si l’on croit en la Justice de ce pays ? Les avocats nous disent qu’il est pratiquement impossible de trouver des interprètes, alors que c’est un droit pour les étrangers. Les compatriotes des retenus tentent tant bien que mal de les assister lors de la première audition, dont la préparation est souvent bâclée, dans une salle commune sonore, les défenseurs ne disposant d’aucun endroit où se “poser” avec leurs clients et étudier leurs droits.
J’ai visité une jeune femme Georgienne, maman d’un bébé de 2 ans qui a été convoquée au commissariat du Havre, arrêtée, et transférée au centre de rétention de Oissel sans que sa famille n’ en ait été informée. Elle maitrisait parfaitement le Français, était sage femme de profession et disposait de deux promesses d’embauche a l’hopital Pierre Janet du Havre dont j’ai pris connaissance.
Malgré ses graves soucis elle s’impliquait comme interprète auprès de ses compatriotes retenus. Ne la voyant pas rentrer dans la soirée son mari est venu la chercher au commissariat, il a été arrêté à son tour, …puis ont suivi la grand mère avec le bébé. La Georgie n’étant pas considérée comme un pays dangereux, en cas d’expulsion, toute cette famille a été expulsée, alors que le grand-père placé également en rétention une année auparavant et expulsé avait été retrouvé quelques jours après son arrivée en Georgie assassiné à l’ arme blanche ! Cette jeune femme s’inquiétait pour son bébé qui avait perdu le sommeil, au Centre, refusait de s’alimenter depuis son arrivée.
Les témoignages de cet ordre se multiplient, sur le mal être de ces jeunes enfants ou d’adolescents privés de liberté. En effet, les famille sans papiers ont aussi “le privilège” de
voir incarcérer leurs enfants. Ceux-ci sont coupés de leur environnement de leur scolarité, voire de leur région. Si “par bonheur” ils sont libérés peut-on imaginer que le cours de leur vie se déroule comme avant après un tel traumatisme ?
Faut il vous parler de cette fillette de 9 ans qui a passé toute la durée de sa rétention un cartable au dos, avant d’être expulsée, “parce qu’elle voulait retourner à son école?” L’école est obligatoire et l’absentéisme scolaire puni par la loi, mais pas pour ces enfants là ! pas plus que l’article 375 ne les protège lorsque leurs conditions d’évolution et d’éducation sont compromises par l’Etat Français !!
[…]
Lorsque je pense à toute cette famille expulsée en Georgie,lorsque je me demande s’ils sont aujourd’hui torturés, assassinés, ou emprisonnés. Lorsque je pense à cette jeune maman si confiante en les lois de ce pays que j’ai du mal à considérer à présent comme le mien, j’ai parfois du mal à trouver le sommeil!
En diffusant ce témoignage rédigé en toute honnéteté,car tout ce qui est dit est rigoureusement exact, Monsieur le médiateur vous ferez preuve d’impartialité et d’intégrité, car je doute qu’il existe encore dans la presse écrite et dans les chaines de télévison des espaces de parole indépendants, à quelques exceptions près.
Espérant que ce témoignage sera diffusé pour rétablir une vérité objective, recevez mes meilleures salutations.
Sophie Lecomte
http://torapamavoa.blogspot.com

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LES COMMENTAIRES (1)

Par Renard
posté le 10 juillet à 12:42
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Bonjour,

Ou étiez vous quand ces locaux étaient occupés par nos appelés?