Aujourd’hui, en ce Mercredi 13 Juillet de l’An I de La Révolution Tunisienne, six mois après le 14 Janvier 2011, j’écris pour réagir et non comme agir. Comme je l’ai toujours fait, depuis qu’ en cet autre été de l’année 64 , j’avais débuté à l’agence TAP, une véritable carrière de journaliste amateur, en parallèle à celle de l’Enseignant que je suis et que j’ai toujours été . Je me laisse réagir, parce que je ne peux taire ma colère face aux pratiques éhontées d’opportunisme intellectuel dont certaines de mes connaissances de longue date font prévue depuis l’avènement de la Révolution.
Si je ne me laisse pas provoquer outre-mesure par l’opportunisme politique de certains collègues journalistes professionnels, je ne peux supporter de voir évoluer sur la scène médiatique franco-tunisienne, une personne qui se reconnaitra et qui quelques jours seulement après le 14 Janvier 2011 débarque de Paris en catastrophe, pour prévenir ses compatriotes qu’il y a un grand danger qui plane sur la Tunisie du fait de l’existence au sein du gouvernement de transition de personnes dont il est sûr de l’appartenance à une loge maçonnique de France. Une semaine plus tard, il était de retour en France et déclarait dans une vidéo sur Facebook qu’il n’y avait pas de mal à être franc-maçon mais ce qu’il reprochait à ces personnes c’est qu’elles n’osent pas déclarer qu’elles le sont. On aura vite compris qu’il s’agissait, en fait d’une demande d’emploi, formulée sous une forme désespérée, par une personne qui ne comprenait pas qu’elle n’aie pas été cooptée par ses pairs.
Jusqu’ici, il n’y avait pas, à mes yeux , de quoi différencier le comportement de la personne en question de ceux de la majorité des “amis protecteurs de la Révolution et qui lui veulent du bien”. Donc rien de quoi provoquer une colère qui m’aurait fait départir de ma position de toujours et qui consistait à faire mienne la position de Marx qui disait que “seule l’objectivité est révolutionnaire”. Mais, avec les paroles, pour le moins insolentes que cette même personne vient de proférer à l’égard du Professeur Mohamed Talbi, je me suis senti touché dans ma dignité d’intellectuel tunisien en l’écoutant traiter ce digne et courageux libre penseur, de sénile et de vieux radoteur qui a osé porter atteinte au respect que toute personne quelle qu’elle soit se devait d’avoir à l’égard du prophète Mohamed. Tout en reprenant à son compte l’alibi de la provocation que les islamistes utilisent pour “excuser” ou “légitimer “ le recours à la violence de la part de ces derniers. Et ce qui m’a, en fait, touché, ce n’est pas tant le fait qu’il ait manqué de respect à un intellectuel qui se définit d’abord comme professeur et chercheur et qui a eu le courage de dire, à l’adresse de Ghanouchi que la démocratie est absente de l’horizon de penser du salafisme dont il est l’adepte. Et que pour lui, en dernière analyse, il n’y a pas d’islamisme modéré différent de celui qui mène au terrorisme. Ce qui m’a touché c’est le fait que jusqu’ici j’avais du respect pour cette personne, qui avait, à mes yeux , le mérite d’avoir en l’espace de quelques années, passées en France, d’écrire plusieurs livres, dont une traduction du Coran et un autre au titre accrocheur : “Nous n’avons jamais lu le Coran”.
Que pouvait-il reprocher à Talbi dans ces conditions?
A bien y réfléchir ce qu’il lui reproche c’est de penser comme lui, avant lui, sans rien demander en retour. D’où l’on s’explique cet hommage qu’il rend à Rached Ghanouchi qui avait reproché à l’actuel Premier Ministre tunisien d’être vieux, en traitant à son tour Talbi de vieux sénile qui devait débarrasser le plancher. D’où l’on comprend également le fait qu’il fasse semblant de ne pas connaitre l’un des pères fondateurs de l’Université tunisienne, pour ne pas avoir, comme tout reproducteur effronté, à citer ses sources.
D’où l’on peut deviner, enfin, le pourquoi de son abandon par ses pairs, qui après l’avoir supporté en le faisant accéder au titre de philosophe et d’innovateur courageux en matière de pensée islamique, n’avaient pas poussé leur solidarité mythique jusqu’à le recommander auprès du gouvernement de transition.
Durant ces derniers six mois de transition démocratique, on aura tout vu.
Naceur Ben Cheikh