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La crise économique entre dans sa phase aiguë

Publié le 14 juillet 2011 par Laurentarturduplessis

La reprise, c’est d’ores et déjà fini. La crise économique mondiale est entrée dans sa phase aiguë : la faillite en série des États. La Grèce fait souffler un vent de panique jusqu’à Washington.

La Grèce cachait le mastodonte américain

Longtemps, les Américains crurent que la crise grecque ne concernait que les Européens : les quelque 350 millions d’euros de dette souveraine de ce petit pays de 11 millions d’habitants n’allaient pas plomber la reprise économique mondiale et faire trembler la planète ! Dans les médias américains, prévalait l’idée que le cas grec, auquel faisaient écho ceux du Portugal, de l’Espagne, de l’Irlande, résultait de l’anémie chronique de la Vieille Europe, incapable, hormis l’Allemagne, de profiter pleinement de la reprise économique mondiale.
Cette vision bornée méconnaissait le caractère systémique de la crise : c’est l’Occident dans son ensemble qui est surendetté dans des proportions démesurées. Les États-Unis sont concernés au premier chef, avec une dette publique ayant franchi, à la mi-mai, le plafond légal de 14 294 milliards de dollars fixé par le Congrès. Leur surendettement menace autrement plus sérieusement l’économie mondiale que celui de la Grèce.

Le Trésor public américain acculé aux expédients

Entretemps, la température a fortement augmenté à Washington, la majorité républicaine du Congrès s’étant engagée dans un bras de fer avec la Maison-Blanche au sujet du relèvement de ce plafond légal. Cet affrontement, qui dure encore, a projeté les États-Unis sur le devant de la scène mondiale du surendettement. En attendant un compromis avec le Congrès, le Trésor a cessé d’alimenter autant qu’il le devrait les caisses de retraites des fonctionnaires. Sans incidence sur le versement actuel des pensions, ces mesures sont légales. Le Congrès les a conçues pour fournir au gouvernement fédéral le moyen d’empêcher que la dette publique ne dépasse la limite qu’il lui a assignée. Elles dégageront une marge de 224 milliards de dollars de façon à ce que l’État continue d’émettre des titres de dette selon le calendrier prévu, jusqu’au 2 août, sans augmenter son endettement net.

Les États-Unis ont peur et font peur

Mais, volontiers donneurs de leçon, les États-Unis se voient désormais tancés par des personnalités habituellement aussi bienveillantes à leur égard que José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne : agacé par leurs remarques acides au sujet du traitement de la crise grecque par l’Euroland, il leur rappelait l’ampleur de leur propre endettement public.
En fait, les États-Unis inquiètent de plus en plus. Déjà, en avril dernier, l’agence de notation Standard and Poors révisait sa perspective sur leur note à long terme de « stable » à « négative ». Hier, un seuil a été franchi par sa consœur Moody’s : elle a placé la note des États-Unis sous surveillance « en vue d’un éventuel abaissement étant donné la probabilité croissante que la limite légale à la dette ne sera pas relevée dans les temps ». C’est la première fois que l’une des trois grandes agences de notation profère une menace de déclassement pareille à l’encontre des USA. « Faute d’un accord, les États-Unis pourraient manquer certains remboursements sur les obligations publiques en circulation », ajoute-t-elle. Moody’s ferait passer la note américaine passerait de AAA à AA, qui reste une catégorie d’investissement. Mais cela le freinerait. L’annonce de Moody’s a fait baisser le dollar et les emprunts d’État américains. L’agence veut stopper la surveillance dès qu’elle saura si un défaut est évitable ou pas. Le maintien par elle d’une perspective stable sur la note américaine dépendra du projet de budget négocié entre Démocrates et Républicains. Mais le poison du doute s’est insinué. Même si le Congrès s’arrange pour que soit évité un défaut technique le 2 août prochain, la probabilité d’une révision de la perspective à négative dans les semaines qui suivront a augmenté.
Ben Bernanke, le patron de la Fed, a fait écho aux inquiétudes de Moody’s en avertissant qu’ « un défaut des États-Unis sur ses dettes, ou sur ses engagements à l’égard de ses propres citoyens, créerait une crise majeure. Ne pas relever le plafond de la dette publique plongerait le système financier dans un désarroi considérable. » Christine Lagarde, nouvelle patronne du FMI, s’est émue elle aussi. Et voilà qu’Obama vient de piquer une crise de colère contre les chefs de file républicains au Congrès, mettant sa présidence dans la balance.
En toile de fond de ce drame, le ralentissement de l’économie américaine : elle n’a créé que 18 000 emplois en juin, contre 25 000 en mai et 217 000 en avril…

La crise est systémique

La formation de ce pot au noir explique pourquoi la Maison-Blanche s’inquiète tellement de l’effet de contagion de la Grèce, reprochant aux Européens de ne pas aider celle-ci avec l’intensité et la promptitude nécessaires pour éteindre la panique. Le caractère systémique de la crise commence à lui apparaître. Déjà, Standard and Poors et Moody’s ont envisagé de dégrader la note de l’Italie qui, économiquement, pèse plus de deux fois plus que la Grèce, l’Irlande et le Portugal additionnés. Si l’Italie tombe, elle entrainera la zone euro dans sa chute. Les Bourses s’affolent d’autant plus que les Européens hésitent à mettre sur pied un second plan d’aide à la Grèce analogue à celui décidé il y a un an, qui portait sur des prêts s’élevant à 110 milliards d’euros : ils sont en désaccord sur la nécessité de faire contribuer les créanciers privés de la Grèce (banques, compagnies d’assurance et fonds de pension) et sur les modalités d’une telle participation. Le FMI, qui a prêté à la Grèce 30 milliards d’euros en avril 2010, ne compte pas en faire plus pour l’instant. Les marchés financiers font généralement le lien entre la Grèce et l’Italie : si celle-là périt, celle-ci leur semblera condamnée.

L’Europe dans l’œil du cyclone

La descente aux enfers de la Grèce continue. Malgré le vote d’un second plan d’austérité par le Parlement grec, hier, l’agence Fitch a rétrogradé sa note. L’Europe dévisse. Le 4 juillet, l’Agence de notation Moody’s a abaissé de quatre crans la note à long terme du Portugal, la plaçant dans la catégorie des investissements risqués. Le 7 juillet 2011, Moody’s a abaissé la note sur la dette, garantie par le gouvernement Portugais, de quatre banques portugaises. Pourtant, en échange d’un prêt de 78 milliards d’euros décidé en mai, Lisbonne s’était déjà engagé à mettre en œuvre un plan de rigueur et de réforme sur trois ans pour ramener son déficit public de 9,1 % du PIB en 2010 à 5,9 % en 2011, puis à 3 % en 2013.
La contagion se répand en Europe. Moody’s a envisagé, hier, de dégrader à nouveau la note de Dublin, à cause de « la faiblesse continue de l’économie irlandaise ». Moody’s a donné ces précisions : « La perspective négative sur la notation du gouvernement irlandais reflète les risques importants pesant sur la mise en œuvre du plan de réduction du déficit, ainsi que le changement de ton des gouvernements européens sur les conditions auxquelles un soutien sera accordé aux pays en détresse financière».
La crise aura raison de l’euro : la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande, en sortiront et dévalueront leurs monnaies. D’autres pays suivront. L’unification monétaire sans unification politique permettant une unification budgétaire est une chimère que la crise met en évidence.

Demain, ce sera le tour des États-Unis

C’est aujourd’hui l’Europe qui est dans l’œil du cyclone. Mais celui-ci ne tardera pas à traverser l’Atlantique, déferlant sur les États-Unis. Ils seront frappés par une grave crise obligataire. Le dollar se mettra en vrille. L’ambiance sur les marchés financiers deviendra dantesque. Le caractère systémique, donc mondial, de la crise deviendra évident pour tous. Il ne sera plus alors question de reprise économique mondiale. Le climat des relations internationales s’assombrira…



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