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Simplement humain

Publié le 16 février 2008 par Ludivine Arrivault-Jochem

Vendredi 15 février. Strasbourg. -2°C. Le long des quais de L'Ill, près de Palais Rohan.

Je me baladais le long des quais
Avec mes fils et mon mari
Et, nous marchions tout étourdis
Par not' faim de loup.

Sur l'air De Champs Elysée, de Joe Dassin

 
Sur un banc, un homme assis avec sa bouteille à la main entame la discussion avec nous, à moins que ce ne soit mon fils aîné qui s'arrête pour lui parler.

Il dit à mon fils “Tu sais, j'ai une maladie. Une maladie qu'on appelle alcoolisme. C'est une maladie qui gâche ta vie. Tes parents t'expliqueront.”

J'étais presque gênée de trépigner d'un pied sur l'autre parce que j'avais les arpions gelés à discuter immobile le long de l'eau. Mon mari était presque gêné d'enfiler ses gants.

Lui, avait superposé des couches de vêtements. Oh ! Pas grand chose. Un t-shirt, un blouson éventré et un poncho en laine polaire.

Il a parlé à notre fils en wolof. Il lui a dit« Ndànk-ndànk ay jàpp golo cib ñaay ». « C'est en allant doucement, doucement que l'on attrape le singe dans la brousse. »

Un regard bleu perçant et doux, une lucidité extraordinaire, un humour et une culture formidable, c'est cet homme assis sur le banc avec sa bouteille à la main.

Mon fils aîné s'amusait à mettre des coups de poing dans le vide. Et cet homme de lui dire « Tu sais pour être non violent, il faut être fort. ».

Mon grand garçon de lui répondre « Moi, je suis déjà fort. Je suis un chasseur de loup. » Alors, l'homme lui dit « Les animaux, ils attaquent quant ils ont peur. Amène-moi, la prochaine fois que tu viens, des lions, des tigres, des boas. Je les ferais manger dans ma main et après on dansera tous ensemble. D'accord ? » Anatole était un peu incrédule. Et puis, ils ont parlé d'un requin dans l'Ill. Un requin qui chante. Et l'homme se mit a chanter en anglais avec une voix de crooner, une chanson qui parlait de requin.

Comme nous voulions aller manger parce que nous avions rendez-vous l'après-midi, il nous demanda s'il y avait dans le coin un marchand de pâtes à emporter. « Oui, un peu plus bas. C'est là que nous allons. Je peux venir avec vous nous ? demande l'homme. Bien sûr. »

Alors, l'homme se leva. Un grand gaillard de presque 2 mètres, costaux, large d'épaule posé sur des jambes frêles. Il pris son sac et sa bouteille, et hop ! nous partons ensemble au resto de pâtes un peu plus loin.

Anatole lui demanda « Notre ami mange avec nous ? Il faut demander à tes parents s'ils sont d'accord. Bien sûr. »

Nous apprenons alors que l'homme s'appelle Yann. Qu'il a 4 filles et qu'il sera bientôt grand-père mais qu'il ne voit plus ses enfants « ça me manque. » ajoute-t-il sobrement, le regard perdu dans ses pensées. Nous apprenons aussi qu'il a beaucoup voyagé, a vécu au Sénégal (et souhaite y retourner).

Yann a dessiné un poisson avec des antennes qui lui permettent de tout entendre. Il l'a offert à Anatole. Ils ont joué à se chatouiller. Ils ont comparé la taille de leurs mains.

Yann est allé voir discrètement le patron du resto pour lui demander de nous servir du Lambrusco. Comme, il avait encore faim après son assiette de pâte. Il a demandé un rab au patron, qui lui a refusé. C'est vrai qu'au resto ça se fait pas trop. Alors, on lui a offert une deuxième assiette, il nous a offert le Lambrusco et a payé sa première assiette de pâtes.

Nous nous sommes dit « Aurevoir » Nous nous sommes mutuellement remerciés du temps passé ensemble et du plaisir que nous avions eu. Et puis, nous sommes partis. Lui vers le banc, son banc (? !) et nous vers notre rendez-vous.


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