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[Eva Joly : «Je ne descends pas de mon drakkar» - Libération

Publié le 15 juillet 2011 par Yes

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La candidate d’Europe écologie-Les Verts, qui propose de remplacer le défilé militaire par un «défilé citoyen» a répondu sèchement à François Fillon qui l’attaque sur sa binationalité.

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Par LIBÉRATION.FR

Eva Joly est sous le coup d'un flot de violents commentaires depuis sa proposition sur le

Eva Joly est sous le coup d’un flot de violents commentaires depuis sa proposition sur le 14-Juillet. (© AFP Bertrand Guay)

«La France est l’une des rares démocraties à organiser un gigantesque défilé militaire le jour de sa fête nationale. Dans la plupart des pays européens et d’Amérique du Nord, la fête nationale est l’occasion de grandes manifestations populaires, pas d’une démonstration de force dérisoire. Ce sont les dictatures qui généralement organisent ce genre de déploiements guerriers»

Que n’a pas dit Eva Joly ! La candidate d’Europe écologie-Les Verts (EELV) s’attire une volée de bois pas très vert ce vendredi, se retrouvant taxée au mieux de «hippie», au pire de représentante de l’«anti-France», après sa proposition de remplacer le défilé militaire du 14-Juillet, par un «défilé citoyen».

Hier, réagissant au passage, place de la Bastille, d’une colonne de chars et de véhicules blindés de l’armée qui venaient de défiler, Eva Joly déclarait à l’AFP : «J’ai rêvé que nous puissions remplacer ce défilé (militaire) par un défilé citoyen où nous verrions les enfants des écoles, où nous verrions les étudiants, où nous verrions aussi les seniors défiler dans le bonheur d’être ensemble, de fêter les valeurs qui nous réunissent».

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(Hier sur les Champs-Elysées)

Pour elle, «il y a une antinomie» entre le passage de chars sur cette place et les discours qu’y ont prononcé jeudi les anciens Résistants. «C’est un symbole qui date. C’est un symbole de la France puissance coloniale. Il me semble que le temps est venu de dire que le défilé militaire n’a plus sa place dans la symbolique du 14-Juillet», a aussi fait valoir l’ex-magistrate sur France-Info. «Je pense que l’armée a toute sa place, mais je pense qu’elle ne doit pas être là le 14-Juillet.»

«Des idées de soixante huitardes attardées»

Eva Joly reprend une proposition déjà formulée l’an passé par les élus Verts de Paris, qui avaient demandé la suppression du défilé militaire – tradition instituée en 1880 pour consolider la jeune IIIe République – en arguant de son coût (financier et écologique) mais aussi du symbole : «La France est l’une des rares démocraties à organiser un gigantesque défilé militaire le jour de sa fête nationale. Dans la plupart des pays européens et d’Amérique du Nord, la fête nationale est l’occasion de grandes manifestations populaires, pas d’une démonstration de force dérisoire. Ce sont les dictatures qui généralement organisent ce genre de déploiements guerriers», soulignait le communiqué.

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La droite, d’évidence, est peu sensible a l’argumentaire. Depuis hier soir, c’est à qui se montrera le plus scandalisé, quitte à jouer sur l’origine étrangère de la candidate. Jusqu’au Premier ministre François Fillon qui s’aventure sur le terrain de la binationalité d’Eva Joly, née à Oslo et détentrice de la double nationalité française et norvegienne : «Je pense que cette dame n’a pas une culture très ancienne des traditions françaises, des valeurs françaises, de l’histoire française.» «Si chaque année nous rendons hommage à nos forces armées le jour de la fête nationale, c’est parce que nous rendons hommage à une institution qui assure la défense des valeurs de la République française, de la liberté, de la fraternité, de l’égalité», a-t-il défendu, concluant : «Je pense qu’il y a bien peu de Français qui partagent l’avis de Mme Joly.»

Propos qu’Harlem Désir, premier secrétaire par intérim du PS, a jugé «indignes d’un Premier ministre», peu avant que Cécile Duflot ne vole au secour d’Eva Joly, en fin de journée sur RTL: «(François Fillon) s’exprime quasiment comme Mme Le Pen. Je trouve ça scandaleux et invraisemblable. (…) On est dans une situation de plus en plus scabreuse. C’est proprement insupportable.» Et de rappeler qu’«un quart des jeunes de moins de 25 ont un membre au moins de leur famille d’origine étrangère.»

Autre angle d’attaque, synthétisé par le député UMP Jaques Myard, l’angélisme naïf dont ferait preuve la candidate: «Ce sont des idées de soixante huitardes attardées. Madame Joly donne dans le pacifisme béat.»

Dans la même veine, Bruno Beschizza, secrétaire national de l’UMP, a raillé des «propos scandaleux qui dénotent chez Eva Joly un antimilitarisme que l’on croyait disparu avec les dernières communautés hippies».

«Je trouve cela pathétique (…) dire ce qu’elle a dit, c’est pour moi profondément une insulte à tous ceux qui depuis des siècles meurent pour ce pays, pour ses valeurs, pour sa liberté», a appuyé sur Europe 1 Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. «Elle rêve, comme beaucoup de militants de son parti, de ce monde aseptisé et sans guerre dans lequel on a totalement occulté la dimension tragique de l’Histoire, je pense que c’est parfaitement irresponsable, parfaitement inconscient.»

Source Europe1fr

Marc Laffineur, secrétaire d’Etat aux Anciens combattants, s’est déclaré auprès de l’AFP «scandalisé et choqué» par cette proposition formulée «le jour où six soldats français ont été tués en Afghanistan» alors que «justement le défilé du 14-Juillet, c’est de rendre hommage à tous les efforts et sacrifices que font les militaires».

Le retour de «l’anti-France»

La cible était facile pour Marine Le Pen, qui s’est à plusieurs reprises dite choquée qu’Eva Joly puisse se porter candidate sans être née en France, allant jusqu’à la qualifier de «sans patrie fixe». C’est sur le terrain politique qu’a cependant cette fois joué la présidente du Front National a ce vendredi, jugeant «absolument consternants» les propos de la candidate, qui «révèlent sans doute ce qu’elle est, à savoir une dirigeante d’extrême gauche».

Mais c’est au député UMP de Haute-Savoie Lionel Tardy que revient la palme de la réaction outrancière, sur Twitter :

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A moins que ce ne soit Lionnel Luca, le député de la Droite populaire, tout en nuances comme à son habitude : «Madame Joly confond sans doute le 14 Juillet et le 1er avril (…) Je ne sais pas ce qu’elle aurait fait en 1944-1945, peut être qu’elle aurait supprimé le défilé des chars de la 2e DB du Général Leclerc.»

Ou peut-être Christian Vanneste, député UMP du Nord ? : «Tant de manichéisme et d’ignorante prétention soulèvent une crainte rétrospective sur la juge et une lourde angoisse sur ses ambitions politiques. L’esprit munichois souffle sur ces déclarations dégoulinantes de bêtise.»

Guy Tessier, président UMP de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, a tenu peu ou prou la même ligne sur France Info, se disant «consterné qu’il puisse encore exister des anti-France» et brocardant une «naïveté absurde».

«Je ne descends pas de mon drakkar»

Face à ce festival, Eva Joly a réagi, cet après-midi, sur RTL : «Je ne descends pas de mon drakkar. Ca fait 50 ans que je vis en France, et donc je suis Française. Et ce n’est pas parce que je soulève, ce qui est pour moi un vrai problème, qu’on doit me discréditer parce que je ne suis pas assez Française.» Petite pique au passage à l’encontre de Fillon : «J’ai sans doute vécu plus longtemps en France que lui.» (Eva Joly a 67 ans, Fillon dix de moins)

Et à gauche, qu’en dit-on ? Les (rares) réactions sont peut-être plus courtoises sur la forme, mais pas plus convaincues sur le fond. «Ce serait une très mauvaise idée que de remettre en cause nos traditions», a réagi Ségolène Royal sur France Info. «Toutes les formes de polémique sur les rites de la République ne sont pas souhaitables», a jugé la candidate à la primaire socialiste, trouvant «normal qu’au moins une journée par an on puisse rendre hommage à nos forces armées».

Son concurrent à la primaire Manuel Valls s’étonne aussi poliment, sur Twitter :

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Puis sur Europe 1: «C’est à côté de la plaque de faire ce type de proposition le jour précisément de la Fête nationale, au moment où nos troupes sont par ailleurs exposées sur de nombreux théâtres d’opération. C’est une phrase maladroite et en tout cas une expression de mauvais goût.»

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Martine Aubry, candidate à la primaire PS, a réagi en fin de journée : «J’ai entendu ce qu’a dit Eva Joly. Bien évidemment, ce n’est pas acceptable, ça n’a même pas de sens. Le 14 juillet, c’est la fête de toute la nation qui doit se rassembler autour de la République en rendant hommage à son armée qui représente en l’occurrence la nation sur beaucoup de terrains d’opération et même sur certains où on aimerait bien ne pas la voir.»

François Hollande, sur la même ligne, s’offusque de la sortie de Fillon : «Je ne partage pas le point de vue d’Eva Joly sur le défilé du 14 juillet, mais elle a parfaitement le droit de défendre cette position sans qu’il soit besoin de mettre en cause sa culture des valeurs de la France. Cette remarque de François Fillon est blessante non pas pour Eva Joly seulement, mais pour tous les Français qui ont acquis la nationalité depuis peu, voire pour certains depuis bien longtemps.»

Seul Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche (FG) à l’élection présidentielle, ménage la chèvre et le chou en défendant à la fois le défilé militaire et le défilé citoyen: «Le 14-Juillet est avant tout l’anniversaire de la grande Révolution de 1789» et «le défilé militaire rappelle à toute puissance étrangère ce qu’il lui en coûterait de s’en prendre à la France et à sa République». Mais «un défilé citoyen, à la suite du défilé militaire, serait une belle démonstration pour dire à l’oligarchie et à la finance internationale que la première force de dissuasion de la France, c’est son peuple».

Eva Joly : «Je ne descends pas de mon drakkar» – Libération.


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