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Les aristocrates ?? la Lanterne

Par Marc Traverson

Comme dit la sagesse populaire, si tu ne t'occupes pas de politique, c'est la politique qui s'occupe de toi. Par curiosit??, je suis all?? voir deux livres qui sont depuis quelques semaines dans les listes des meilleures ventes, et qui tous deux proposent une critique acerbe (quoique dans des genres forts diff??rents) de la nouvelle pr??sidence.

Le premier est celui de Patrick Rambaud, Chronique du r??gne de Nicolas Ier. Il contient quelques jolies perles, des passages savoureux (un portrait hilarant du g??n??ral Rondot, la description des tics et de l'agitation de "Son Imp??tueuse Majest??"), m??me si le proc??d?? perd de sa force sur la longueur. En le refermant, quelques ??clats de rire plus tard, on se dit que la satire est une bouff??e d'oxyg??ne bienvenue. Il est heureux - et sain - qu'on se moque des puissants. Il y a dans ce genre d'illustres ??trangers, Swift ou Cervant??s. Chez nous, Rabelais - et, aujourd'hui, pourquoi pas, le Canard Encha??n?? et les Guignols de l'info ! On songe aussi - toutes proportions gard??es - aux Lettres Persanes. On se souvient du proc??d?? employ?? par Montesquieu : pr??texter un narrateur venu de loin, un ??tranger, pour d??crire la soci??t?? du temps, et montrer ainsi, ce que, l'ayant tous les jours sous le nez, nous ne voyons plus. Question de "lunettes", dirait-on, d'exotisme du point de vue. Patrick Rambaud est un ??crivain prolifique dont je n'avais rien lu avant cette pochade. Sa r??ussite, ici, est d'avoir trouv?? une langue qui colle parfaitement ?? son projet. En choisissant de donner cette chronique des premiers mois de r??gne de M. Sarkozy dans un fran??ais pr??-r??volutionnaire d'une cocasse ??tranget??, il ??claire d'un jour cru la com??die du pouvoir, la Cour et les honneurs. Si le roi est nu, avec Rambaud au moins, il est habill?? pour l'hiver.

Le second livre est "le" Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom? Un pav?? aux ar??tes tranchantes jet?? dans la vitrine du nouveau pouvoir. Radical, tonique, c'est l'implacable r??quisitoire d'un opposant sans concession. Alain Badiou, redout?? professeur de philosophie ?? Normale Sup, d??nonce dans le sarkozysme un retour du refoul?? r??actionnaire fran??ais, un programme hyperconservateur (les riches plus riches, les pauvres plus pauvres, et une politique s??curitaire en guise de lien social) maquill?? dans la confusion d'une rh??torique de rupture. Badiou revendique, avec un certain panache, son engagement marxiste, et ne perd jamais de vue son point de perspective, une "politique d'??mancipation" qui a certes plus ?? voir avec le "Grand soir" qu'avec tout autre chose. Badiou souscrirait sans doute ?? ce proverbe arabe : "l'honneur d'un homme se mesure au nombre de ses ennemis". Dans la fin de l'ouvrage, il desserre le corset et l'on entr'aper??oit alors sa crainte fondamentale : qu'au final les int??r??ts particuliers l'emportent sur tout le reste. A d??sesp??rer, en somme, de l'humanit?? et de la R??volution ! La rigueur de la pens??e, la tenue de la langue, l'ironie mordante, font de ce petit livre dense un manifeste tr??s stimulant. Quelles que soient les convictions du lecteur, il trouvera l?? un contre-poison aux discours fluets qui font l'ordinaire de l'actualit?? politicienne. Je recommande. La libert?? de controverse n'est-elle pas l'honneur de la d??mocratie ?


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