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En voilà un procès ! Le tribunal de Tizi Ouzou a condamné lundi 18 juillet, en fin de journée, les deux assassins présumés du chanteur Matoub Lounès à 12 ans de prison. Malik Madjnoun et Abdelhakim Chenoui, poursuivis pour le meurtre du chanteur, ont déjà purgé douze ans de prison sous le régime de la détention provisoire. Plus de 13 ans après l’assassinat de Matoub Lounès le 25 juin 1998, ce procès qui s’est ouvert lundi devant le tribunal criminel de Tizi Ouzou, à 110 km à l'est d'Alger, s'est terminé sur une certitude : la vérité sur la mort du chanteur n'a pas été faite.
Ayant déjà purgé douze ans de prison dans le cadre du régime de la détention préventive, les deux condamnés, Malik Madjnoun et Abdelhakim Chenoui, devraient incessamment être remis en liberté.Peu de temps après l'ouverture du procès, les avocats de la famille de Matoub ainsi que celui de la femme du chanteur ont décidé de se retirer. Le juge du tribunal de Tizi Ouzou a refusé d’ajourner le procès en arguant que celui-ci concerne les assassins présumés du chanteur, Malik Madjnoun et Abdelhakim Chenoui, et non le procès du chanteur.
La veuve du chanteur, Nadia, ses deux sœurs, installées en France, Malika, la sœur ainsi que la mère de Matoub étaient présents ce matin au tribunal.Une foule nombreuse s’est également massée dans la salle d'audience pour assister à ce procès reporté à trois reprises en 2000, 2001 et 2008.
Lors de la reprise de l'audience après une première suspension, Malika Matoub a réagi à la lecture de l'arrêt de renvoi en hurlant qu'il ne fallait pas citer le nom de son frère.« Pour moi, dans l'affaire de mon frère, ces deux là (les accusés) n'ont rien à voir (...) Trouvez d'autres chefs d'accusations pour les deux accusés mais ne citez pas l'assassinat de mon frère », a déclaré Malika Matoub, invitée à s'expliquer par le juge.
Le juge a souligné que la loi exigeait que l'arrêt de renvoi soit lu en entier, et que le procès aurait lieu quitte à faire évacuer la salle, avant de suspendre l'audience.
Audience suspendue
L'audience avait été suspendue une première fois quand Malika Matoub et sa mère Aldjia Matoub ainsi que les membres de la fondation Matoub Lounès avaient clamé dans la salle d'audience « libérez Madjnoun et Chenoui, ramenez les vrais commanditaires ».A la reprise du procès en début de l'après-midi, le procureur a requis la peine capitale contre les deux assassins présumés, Malik Madjnoun et Abdelhakim Chenoui.Présents dans le box, les deux accusés ont nié tous les faits retenus contre eux, affirmant les avoir reconnus « sous la torture et la menace ».
Douze ans de détention provisoireInterpellés une année après les faits, Malik Madjnoun et Abdelhakim Chenoui, en prison depuis 12 ans, sont accusés d'avoir participé à l'attentat perpétré par un groupe de dix personnes, dont huit sont en fuite ou ont été tuées par les forces de sécurité.Matoub Lounès, 42 ans, célèbre chanteur kabyle, a été abattu jeudi 25 juin 1998 au lieu-dit Tala Bouinane, à 5 km de Tizi-Ouzou. Le véhicule de l’artiste a été pris sous le feu d’un groupe armé posté en embuscades des deux côtés du chemin.Blessé, Matoub avait été achevé d’une balle dans la tête tandis que les trois occupants, sa femme Nadia et ses deux belles-sœurs, furent grièvement blessées.
Assassinat suivi d'émeutesL'assassinat de Matoub Lounès, chanteur immensément adulé en Kabylie, a provoqué des émeutes en Kabylie en juin 1998. Trois personnes avaient trouvé la mort au cours de ces violentes manifestations.Le meurtre du chanteur avait été revendiqué par les groupes islamistes armés, mais ses fans accusent encore le pouvoir algérien d’être derrière son élimination.
Instruction bâcléeDoutant de la thèse d'un assassinat commis par des groupes islamistes armées, la famille de Matoub reproche aux autorités algériennes d’avoir bâclé l’instruction et demande la convocation d'une cinquantaine de témoins dont la ministre de la Culture, Khalida Toumi, et Said Sadi, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) notamment pour avoir déclaré que l'attentat avait été perpétré par des islamistes.La famille exige également que soit entendu Hassan Hattab, ex-chef du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), qui a revendiqué l'assassinat en mai 1999. Hassan Hattab s'est rendu en octobre 2007 aux autorités et a été placé depuis en « lieu sûr ».Ce lundi 18 juillet, le fameux procès sde Matoub Lounès s'est donc achevé avec la condamnation des deux présumés assassins.
Si ces derniers devraient retrouver la liberté dans les prochains jours, il reste que ce procès se termine comme il a commencé, sur une certitude : la vérité n'a pas été faite sur la mort de Matoub Lounès.
Par Tayeb Belmadi