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Le secret bancaire a la vie dure…

Publié le 19 juillet 2011 par Sia Conseil

Le secret bancaire a la vie dure… « L’époque du secret bancaire est révolue. C’est aussi simple que cela » assurait, en 2009, Eric Woerth alors Ministre du Budget en rendant publics les noms de 3.000 contribuables français suspectés de détenir des comptes bancaires secrets en Suisse. La même année, la banque

suisse UBS était à son tour contrainte de révéler le nom de 4.500 de ses clients aux autorités financières américaines. Au cœur de la crise, les efforts de régulation du système financier international, symbolisés par les réunions du G20, semblaient conduire à l’optimisme. Deux ans après les sommets de Londres et Pittsburg, la lutte contre l’opacité bancaire et la non-coopération administrative, leviers des paradis fiscaux, a-t-elle, dans la pratique, porté ses fruits ?

Des enjeux fiscaux et systémiques

La profession bancaire est sans doute une des plus protectrices du secret professionnel. Montant des revenus, fonds détenus, détail des opérations : la divulgation d’informations est un délit passible en droit français d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Défendu au nom des droits à la vie privée et de propriété, le secret bancaire est considéré comme un des piliers de la confiance placée dans les institutions financières. Il n’est pas pour autant absolu. En France, le droit à la protection des données bancaires peut être levé, à la demande de l’administration fiscale, des autorités judiciaires, de la Banque de France, de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de l’Autorité des Marchés Financiers dans le cadre d’une enquête contre la fraude ou l’évasion fiscale.

Ces exceptions, qui peuvent apparaître timides, font pourtant de la France un des pays les plus avancés en matière de transparence bancaire dont la réglementation reste très majoritairement confinée dans un cadre national. Au niveau international, les efforts pour ébranler le secret bancaire depuis les années 90, concentrés sur la lutte anti-mafia / anti-blanchiment – politiquement plus porteurs –, n’ont pas conduit à des résultats significatifs. La crise financière a, dans ce domaine comme dans d’autres, balayé les certitudes : les autorités planétaires qui ont mesuré le rôle – indirect mais réel – joué par les paradis fiscaux dans le déclenchement de la crise (deux tiers des hedge funds et filiales de banques chargés de la gestion titres complexes basés dans ces territoires) ont compris l’importance capitale de l’opposabilité du secret bancaire dans la constitution de places offshores. En période de finances publiques exsangues, alors que la fraude fiscale est évaluée par le CNUCED a environ 500 milliards de dollars par an, qu’elle ampute 2 à 2,5 % du PIB européen et environ 15% des recettes fiscales françaises annuelles, récupérer ce trésor caché est donc devenu une priorité.

Une ébauche de réglementation européenne …

Au niveau international, cette prise de conscience s’est matérialisée dans l’actualisation par l’OCDE des listes grises et noires des pays non coopératifs. C’est, en Europe, l’objet de la directive du Conseil de l’Europe du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal.

Présentée par les autorités européennes comme la traduction concrète, à l’échelle communautaire, des décisions des G20, cette directive définit deux principes :

  • à compter du 1er janvier 2013, chaque État membre, dans le cadre strict d’une enquête administrative, pourra demander à un autre État membre toutes les informations financières et fiscales dont il dispose sur l’un de ses ressortissants.
  • à partir du 1er janvier 2014, les États membres auront l’obligation d’échanger « les informations vraisemblablement pertinentes » sur tout contribuable national – individus ou entreprises – qui pourraient aider le recouvrement de « tous types de taxes et impôt » sur le revenu et le capital.

Pour la première fois à l’échelle européenne, aucun État membre – notamment l’Autriche, la Belgique et le Luxembourg – ne pourra invoquer la protection des données d’un établissement financier pour refuser de transmettre des informations susceptibles de contrevenir à la législation fiscale d’un autre État. Il s’agit donc bien d’un abandon partiel du secret bancaire pour les pays de l’UE qui s’y cramponnaient.

… qui demeure bien timide

Mais ces nouvelles réglementations qui ne concernent que les pays de l’UE dont aucun n’est directement mis en cause par l’OCDE, sont-elle vraiment de nature à inciter les États-gris à implémenter des mesures allant dans le même sens ? Le précédent de la publication de la liste grise de l’OCDE, s’il a bien donné lieu à plusieurs accords bilatéraux, n’incite pas à l’optimisme : les territoires en retard sur le plan de la réglementation et de la transparence bancaire, qui avaient l’obligation de signer au moins douze accords de coopération fiscale pour espérer rejoindre le club des États vertueux, se sont le plus souvent arrangés entre eux. La multiplication de conventions entre paradis fiscaux ne fait sûrement pas progresser la régulation financière !

Si la Suisse, qui abrite un tiers de l’épargne mondiale, a effectivement décidé récemment, sous la pression de ses partenaires européens d’assouplir ses règles de coopération administrative, les îlots du secret bancaire au cœur de l’Europe – Monaco, Andorre, Lichtenstein – n’ont pour l’instant pas montré grand empressement à engager un mouvement en ce sens. Notons enfin, concernant l’application concrète de la directive de mars dernier, que l’interdiction de la pêche aux renseignements (« fishing expeditions » qui interdit à un Etat membre de demander à un partenaire des informations fiscales sur un de ses ressortissants sans procédure judiciaire préalable), l’obligation de demander des informations « vraisemblablement pertinentes », et l’exploitation des informations ainsi obtenues exigeront de l’Union et des Etats membres un investissement financier et humain important. Nous pouvons imaginer que cet effort financier ne sera pas leur priorité immédiate …

S’il est injuste de nier les progrès symboliques, politiques, techniques et même psychologiques, le chemin vers la transparence bancaire est encore long : l’opacité bancaire n’est d’ailleurs qu’un aspect de la délinquance financière qui englobe également les questions de l’origine et de la destination des fonds, la coopération judiciaire et la mutualisation des renseignements.

Sia Conseil


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