Un article de Gauche Libérale
Illustration René Le Honzec
Il y a quelque chose de fascinant à suivre les débats des dirigistes. On a beau être averti, blindé, on a beau s’attendre à tout, ils arrivent encore à nous surprendre. L’actuelle controverse sur les rythmes scolaires fait partie de ces invraisemblables querelles de chapelles que le dirigisme fait naître et avec lequel il mobilise l’attention de la foule.
Chacun y va donc de son avis sur ce que devraient être la durée de la semaine scolaire, le nombre de jours ou plus exactement de demi-journées travaillées, le nombre d’heures de cours dans ces journées, l’intensité du travail qui sera demandée aux élèves et pour finir, bien évidemment la durée des vacances, par zones. Le plus étrange c’est que la plupart trouve normal que ces rythmes scolaires soient imposés et fixés autoritairement par l’État.
Bien entendu, tous ces problèmes disparaîtraient ou plus exactement seraient gérés localement, au plus près des usagers, si les écoles étaient libres de leurs horaires. De même, le surréaliste débat sur la méthode globale opposée à la méthode traditionnelle, qui déchaîne régulièrement les passions dirigistes, n’existerait pas si les écoles pouvaient choisir leurs méthodes pédagogiques, voire pouvaient les panacher selon les classes et le profil des élèves. Le rôle de l’État se bornerait à définir un tronc commun de connaissances jugées absolument nécessaires à l’enfant.
Mais non, nous sommes dans le dogme de l’uniformité. L’éducation doit être « nationale » ce qui signifie unique, normalisée et rigide. La variété et l’expérimentation n’existent pas sauf dans quelques « laboratoires » (pilotés par l’État cela va de soi). Les méthodes pédagogiques ne peuvent être mises en compétition, on ne peut pas comparer les résultats, l’école a l’interdiction formelle de s’adapter aux spécificités des élèves, ce sont les élèves marginaux ou atypiques qui doivent s’adapter au monolithisme de l’École.
Dans une école libre les parents choisiraient celle qui leur conviendrait le mieux pour ses horaires, pour ses périodes de vacances, pour ses méthodes pédagogiques, pour ses programmes, pour la qualité de son enseignement, pour la disponibilité et le sérieux des professeurs. Les canards boiteux perdraient bien vite leur réputation et leurs élèves. Les élèves marginaux trouveraient des établissements adaptés à leur profil. De nouvelles méthodes pédagogiques pourraient être expérimentées, certaines seraient abandonnées, d’autres largement adoptées, d’autres enfin conviendraient à certains élèves mais pas à d’autres. Une éducation vivante, multiforme, sans obligation ni contrainte naîtrait de cette liberté. Rien d’ailleurs n’empêcherait l’État d’établir des programmes et des horaires « recommandés » auxquels les parents ou les écoles peu imaginatifs pourraient se raccrocher. Il est même à parier que, dans un tel système non coercitif, beaucoup adopteraient passivement le système prescrit, c’est-à-dire celui qui convient au plus grand nombre. Le simple fait de savoir le système non obligatoire calmerait radicalement le débat.
Mais le plus étonnant reste la façon dont les dirigistes arrivent à transformer les troubles créés par leur système en justification pour intervenir encore plus. Voici un extrait d’une étude réalisée en mai 2010 par Georges Fotinos, membre du comité de pilotage, pour la Conférence nationale sur les rythmes scolaires :
« Toucher » au calendrier scolaire, c’est inéluctablement remettre en jeu les équilibres de vie et par certains côtés de travail d’une grande partie de la population française.
C’est provoquer des changements sur des pans entiers de l’économie française plus particulièrement ceux concernant bien sûr le tourisme et le transport mais aussi les secteurs de services, de la culture, du sport… C’est enfin modifier les rythmes de travail de plus de 12 millions d’élèves et près d’un million de personnels en charge de leur scolarité. Face à ce constat et maintenant que le débat public sur les rythmes scolaires et les vacances d’été est lancé, il nous semble que l’issue de cette volonté ministérielle repose d’abord sur les réponses susceptibles d’être apportées à deux questions :
- Quels sont les objectifs prioritaires visés par ces changements ?
- Quels voies et moyens choisir pour atteindre le « compromis national » nécessaire sur ce sujet ?
L’étude reconnait donc que tout changement dans l’organisation actuelle va perturber l’économie et la vie de millions de personnes, elle admet que les précédents rythmes scolaires étaient inadaptés, mais elle persiste à vouloir trouver un « compromis national » entre plusieurs dizaines de millions de personnes : élèves, parents, professeurs, acteurs du tourisme et des transports, etc. Inutile de préciser qu’un tel compromis est strictement impossible à trouver car, dans un système rigide et coercitif, la satisfaction des uns se fait obligatoirement au détriment de celle des autres.
En demandant : quels voies et moyens choisir pour atteindre le « compromis national » nécessaire sur ce sujet ? la Conférence nationale sur les rythmes scolaires ne travaille donc pas à la solution du problème, elle travaille à son renforcement.