Mais où va donc crécher junior ?

Alors, comme ça, Junior (le prénom a été modifié) n’aura pas de place en crèche municipale en janvier ? Il aurait mieux fait d’être conçu plus tôt, pour profiter de la rentrée de septembre ? C’est bien ce qu’il faut comprendre de votre réponse alambiquée ? Pour le prochain, vous tâcherez de nous fournir le rétroplanning idéal ? D’ailleurs, c’est vrai, on a fait ça sur un coup de tête. Je vous le concède, on aurait dû se renseigner : il existe peut-être à l’hôpital un système équivalent aux happy hours dans les bars. Des mois où accoucher coûte moins cher, des périodes où la péridurale est offerte, des promos saisonnières sur la location des couveuses.

Et si on avait eu de la famille travaillant à la mairie ou au Trésor Public, ça aurait pu faciliter les choses, rendre notre dossier prioritaire, c’est bien ce que vous avez dit ? Et pourquoi pas un petit billet glissé dans le dossier pour l’aider à remonter la pile tant qu’on y est ? Un trafic de passe-droits à ciel ouvert dans une mairie socialiste ! Rassurez-moi, dites-moi que vous êtes un cas isolé, que vous avez appris le métier à Corbeille-Essonne dans la mairie de Serge Dassault…

On peut raisonnablement espérer une place en septembre 2012. Et d’ici là, on le congèle ?! (N’allez pas alerter les services sociaux, quand bien même vous toucheriez une prime : c’est une blague !).

J’en ai assez entendu. Votre voix mielleuse, ça me donne du diabète. On va se démerder. De toute façon, on n’était pas fait pour s’entendre. Mon métier à moi, c’est de vendre du rêve. Le vôtre, c’est de distribuer des mauvaises nouvelles, des désillusions. En épargnant donc vos collègues de la Mairie et du Trésor Public, deux employeurs connus pour offrir des conditions de travail qui auraient certainement inspiré un ouvrage à Charles Dickens s’il n’était pas mort trop tôt.

Notre dossier avait pourtant des chances de se hisser en finale. Nous sommes des administrés parfaits. Jeunes actifs, classe moyenne, cœur de cible de votre marketing fiscal. D’ailleurs notre dernière déclaration va nous valoir un paquet de S’miles (vous savez, ces points fidélité que l’on peut échanger contre un chèque-cadeau aux Galeries Lafayette ou quelques places dans une file d’attente trop longue à la CAF). Et pour sociabiliser junior dès son plus jeune âge, nous étions prêts à accepter un tas de choses : dépistage précoce de la délinquance, nourriture bio à la cantine, éveil musical proposé par les Cotorep sourds et malentendants de la mairie, apprentissage obligatoire du patois (« euh, t’chô teu va laisser tin copain tranquil ?) et j’en passe.

Vous rendez-vous bien compte de ce que vous faites ? Le pauvre n’a pas encore vu le jour qu’il est déjà mis sur la touche. Vous êtes irresponsable (et je vous imagine petite et moche, mais j’essaye de maintenir le débat sur le plan des idées).

Avez-vous vu Le couperet, ce film formidable de Costa-Gavras où Bruno Davert (José Garcia) est prêt à tout pour retrouver du boulot après un licenciement, y compris éliminer un par un ses concurrents ? Je suis sur le point de déposer à la Warner un scenario similaire, avec un père qui cherche une place en crèche pour son fils. Dans la scène d’ouverture, le père en question, furieux, se rend à la mairie, pour casser les dents de celle qui lui a lâchement annoncé le refus du dossier par téléphone. Si vous acceptez le rôle, on est quitte.

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