Un concept futuriste d’avion d’affaires.
On en revient encore et toujours ŕ la part de ręve : voici qu’une entreprise américaine sortie de nulle part, HyperMach Aerospace Industries, affiche la conviction de pouvoir faire voler avant la fin de la décennie un biréacteur d’affaires de grandes dimensions (de 15 ŕ 20 places) capable de croiser ŕ trois fois la vitesse du son. Ce qui suffit ŕ relancer un débat qu’entretient soigneusement un autre projet américain, l’Aerion, toujours en panne de partenaires, si ce n’est de financement.
HyperMach débarque sans prévenir peu aprčs l’annonce du concept ŤZehstť né de l’imagination des bureaux d’études d’EADS, les idées similaires antérieures de Sukhoi et Gulfstream étant oubliées. Ce qui ne conduit pas nécessairement ŕ écarter d’un revers de la main de telles idées, audacieuses, hypothétiques, sans apparaître invraisemblables pour autant.
Dans le cas présent, on s’interroge : ce n’est pas la premičre fois qu’un ingénieur original, qu’on suppose talentueux, soumet ŕ la communauté aéronautique des idées novatrices, mais cela sans disposer des moyens financiers permettant de passer de la théorie ŕ la pratique. Ainsi, Richard H. Lugg, patron d’HyperMach, ne dit pas comment il financera le SonicStar, un appareil long-courrier imposant et futuriste ŕ souhait, d’une masse maximale au décollage de 70 tonnes environ, d’une longueur de 64 mčtres, qui volerait ŕ environ 20.000 mčtres d’altitude.
La motorisation intrigue : deux ŤS-Magjetť hybrides d’une poussée de 25 tonnes environ produisant son seulement de la puissance classique exprimée en kgp mais aussi une importante énergie électrique. Ce S-Magjet, au cœur de ce concept novateur, serait caractérisé par l’absence de frottements grâce ŕ de gros électro-aimants. Il s’agirait d’un propulseur ŕ cycle variable, formule qui a été envisagée dčs l’instant oů des supersoniques civils post-Concorde ont été évoqués pour la premičre fois. Cette hypothčse a notamment été envisagée par Snecma en faisant appel aux connaissances acquises grâce au M88 du Rafale, une bonne base de travail.
Ce rappel ramčne tout le monde ŕ la case départ. Ainsi, Dassault Aviation a trčs sérieusement envisagé le développement d’un Falcon supersonique pour constater rapidement qu’aucun propulseur adéquat n’était disponible. Et il ne pourrait l’ętre, notamment ŕ l’intervention de Snecma, moyennant un investissement jugé hors de portée. D’oů l’étonnement suscité par Aerion qui a choisi une version améliorée du vénérable Pratt & Whitney JT8D, ce qui tend ŕ décrédibiliser le dossier.
HyperMach vise le voyage de luxe ŕ trčs haute vitesse et est apparemment convaincu de l’existence d’un marché potentiel suffisant pour donner un sens ŕ l’opération. Il est intéressant de noter que contrairement aux concepts précédents, l’aménagement de la cabine du SonicStar prévoit au moins 15 places, voire 20, ouvrant ainsi des perspectives quelque peu différentes de celles d’avions d’affaires classiques, plus petits. Ce pourrait tout ŕ la fois ętre un bureau supersonique destinés aux grands de ce monde ou un appareil qu’on imaginerait volontiers utilisé comme un avion de ligne. C’est-ŕ-dire, en quelque sorte, un mini-Concorde.
Le concept tient aussi de la provocation dans la mesure oů il s’inscrit dans une logique totalement opposée ŕ l’évolution actuelle du transport aérien, dont le trafic double tous les 15 ans et privilégie les petits prix, et non pas la vitesse, ŕ peine le confort. Ce n’est pourtant pas une raison suffisante pour écarter par principe l’intéręt de principe d’un marché de niche, franchement élitiste, qui présenterait l’avantage de faire éclore des technologies nouvelles. Cela pour autant que des budgets de recherche et développement suffisants survivent aux coupes budgétaires qui sévissent ŕ peu prčs partout dans le monde. C’est presque vulgaire d’y faire allusion, fasse ŕ des ingénieurs qui nous proposent de voyager ŕ plus de Mach 3 et qui pensent trčs fort que la vitesse n’a pas de prix..
Pierre Sparaco - AeroMorning