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Pandémie: 6 000 malades d’épilepsie à Ntui

Publié le 20 juillet 2011 par 237online @237online

Trois départements de la région du Centre comptent plus de 500.000 patients. Voyage dans le Mbam et Kim.
Céline Octavie Essa a 22 ans. Elle vit avec ses parents à 5km de Ntui, chef-lieu du département du Mbam et Kim, région du Centre. Ntui est situé à 100 km environ de Yaoundé.
Sur sa tête recouverte de cheveux courts, des traces des multiples chutes qu'elle a déjà faites sont particulièrement visibles. La jeune fille parle sans interruption. « Je souhaite qu'on me guérisse, je suis déjà fatiguée des crises », répète-t-elle. Sa mère est venue l'accompagner à la cérémonie de lancement du projet de prise en charge gratuite de l'épilepsie au Cameroun. Une cérémonie présidée par le secrétaire général du ministère de la Santé, Fru Angwfor III. Céline Octavie Essa fait des crises d'épilepsie depuis 2006. Malgré sa détermination et sa bonne volonté, elle ne va plus à l'école depuis 2008. Aux dires de sa mère, « ses crises sont si violentes que je ne peux plus la laisser seule. Je pense que je vais céder à sa demande de rentrer à l'école dès la rentrée scolaire prochaine ».

Avec un seul cas d'épilepsie dans sa famille, Mme Essa peut s'estimer heureuse, parce qu'elle est considérée à Ntui comme une « chanceuse ». André Ambasindé, chef traditionnel dans le Mbam et Kim, n'a pas eu la même veine. Avec quatre enfants qui vivent avec l'épilepsie, le quotidien de ce père de famille est un véritable calvaire. « On ne maîtrise pas le moment de la survenue des crises. Il faut toujours les garder tout près et veiller aussi sur ceux qui ne font pas encore la maladie, étant donné que, parfois, les première crises sont très violentes », explique-t-il. Il signale aussi que ses enfants atteints d'épilepsie se battent très souvent. Il faut être toujours là, pour les séparer. L'histoire singulière de ces deux familles, au-delà de l'anecdote, traduit l'étendue de la maladie dans la localité de Ntui, en particulier et dans l'ensemble du département du Mbam et Kim, en général. Le nombre grandissant de malades, ici comme dans d'autres localités telles Batibo dans le Nord Ouest, Banganté et Bafoussam dans l'ouest, a érigé cette affection en véritable pandémie, faisant d'elle un grave problème de santé publique au Cameroun.

La sorcellerie accusée
Selon la sœur Martine Zébé, en service au Centre de santé catholique de Ntui, « il y a des familles avec tous les enfants malades. La présence de la maladie dans certaines familles plutôt que dans d'autres crée des problèmes sociaux. Ils évoquent notamment la sorcellerie ». Des propos que renforce le Dr Pierre Njigno, médecin chef de l'hôpital de Ntui, pour qui, il faut peser les mots pour convaincre les patients et leurs familles, étant donné que chacun est en mesure de te dire celui qui a causé sa maladie. « Je me rappelle qu'au cours d'un malentendu avec mon oncle pour un lopin de terre, il a dit que j'allais voir. 24 heures ne se sont pas écoulées, j'ai commencé à tomber », déclare un garçon de 25 ans. Le visage tuméfié par les chutes, une bouche édentée, le jeune homme est venu, lui aussi lancement de la campagne de prise gratuite à la place des fêtes de Ntui.

Cette idée de maladie mystique est aussi entretenue par certaines élites, qui ne veulent pas voir leur localité d'origine citée comme un foyer de la maladie, du fait de son caractère redoutable et stigmatisant. Selon les informations de la Direction de la lutte contre la maladie du ministère de la Santé publique, c'est grâce à la détermination du préfet du Mbam et Kim, Augustin Fonka Awa, que le projet a pu être lancé à Ntui. D'ailleurs, la sœur Martine Zébé qui révèle avoir déjà reçu 500 malades en un mois, confie que beaucoup de personnes vivant avec l'épilepsie croient encore qu'elle est lancée et préfèrent aller chez les marabouts. Ces croyances traditionnelles se sont développées à tel point qu'ici à Ntui, comme ailleurs dans le grand Mbam et la Lekié, certains parents attachent du fils noir autour des pieds de leurs enfants pour, disent-ils, des jeteurs d'épilepsie. Ainsi une banane, des beignets ou des cacahuètes ne sont-ils pas acceptés dès lors que celui qui les offre n'est pas un proche de l'enfant.
Le Dr Nomo, médecin en service à la Direction de la lutte contre la maladie du ministère de la Santé publique affirme que l'épilepsie est une maladie qui a des causes plutôt scientifiques. Parmi celles-ci, il cite le paludisme, la méningite, les souffrances cérébrales pendant la grossesse ou l'accouchement et la tumeur cérébrale, les malformations et les accidents vasculaires chez l'adulte.

Le district de santé de Ntui compte 6000 malades d'épilepsie pour une population 96166, révèle Jérôme Ondobo, la maire de la ville. Chiffre confirmé par la Direction de la lutte contre la maladie qui estime à 508148, les personnes vivant avec l'épilepsie dans les départements de la Lékié, du Mbma et Kim et du Mbam Inoubou, zone en bordure du fleuve Sanaga. Le Dr Samuel Elong Ngono, neurologue à Yaoundé, définit l'épilepsie comme « une maladie neurologique non contagieuse qui se manifeste par des crises avec des décharges au niveau du cerveau d'un certain nombre de cellules et qui provoque qui vibrations d'une partie ou de tout le corps. Elle se manifeste par des convulsions ».



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