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Adalgonse (2)

Publié le 17 février 2008 par Jlhuss

adalgonse-1.1203184993.jpgDevant l’intérêt d’estime suscité dimanche dans ces colonnes par« Adalgonse », œuvre dramatique pêchée dans quelque opuscule improbable, la direction d’« Actu bien pris tes comprimés ? » m’a prié de poursuivre l’analyse de la pièce et de faire savoir, pour l’instruction contemporaine, ce qu’il peut advenir d’un prince entraîné par le bon plaisir.

Rappel des personnages :

Adalgonse, prince de Sordignes

M.de Purnice, premier conseiller

Dalibré, second conseiller

Lélian, fils du prince et de Camarilia

Camarilia, ancienne épouse

Elphénore, nouvelle épouse

Premier ministe, ministres, évêque, envoyé de la Sublime Porte, etc.

Résumé :

Difficile de suivre pas à pas une intrigue si touffue.

Le premier acte met la coquette Elphénore au centre de trois amours : celui épanoui d’Adalgonse, celui fébrile de Lélian, celui ténébreux de Purnice.

Au deuxième acte, on voit se coaliser les aigreurs de Camarilia l’épouse bafouée, et de Dalibré le conseiller jaloux. Que ne saurait provoquer la haine, conjuguée à l’amour coupable ? Le prince, tout occupé de ses plaisirs, ne remarque rien.

A ces troubles privés, le troisième acte ajoute la rancœur publique, d’autant plus vive que l’avènement d’Adalgonse avait fait naître un grand espoir. Des soulèvements sont signalés. Les défections s’accumulent. L’ancienne épouse et le second conseiller soufflent sur les braises.

Au quatrième acte, nœud des périls, l’auteur ménage une scène étonnante où le perfide Dalibré introduit dans le palais une délégation des Corporations, juste à point pour surprendre le monarque allongé, mangeant des cédrats confits avec sa belle. L’acte se clôt sur les bruits de l’émeute et l’affûtage des dagues.

Mais « Adalgonse » n’est pas une tragédie. Au fil du cinquième acte, inénarrable d’optimisme après tant de noirceurs, le prince sait ressaisir les cœurs, les énergies, les rennes de son destin. La pièce s’achève par une scène de liesse avec ballet. On y fête le triomphe de la Raison, le dévouement des Grands et la bonté du Peuple :

Et voici, mes amis, dans les ris et les larmes,

S’avancer la Vertu et s’enfuir nos alarmes.

Les didascalies montrent le monarque assis sur le trône, Purnice à sa droite, Camarilia à sa gauche. L’évêque apporte l’annulation. Lélian baise la main de sa mère au doigt de laquelle brille le diamant repris à Elphénore. Le jeune homme rejoindra le régiment d’Espagne, où les lauriers de Mars le guériront des poisons de Vénus. Elphénore, radieuse, s’apprête à suivre l’ambassadeur de la Sublime Porte jusqu’aux rives où l’attend un sort de sultane. Dalibré, le traître châtié, deviendra son premier eunuque. Le peuple chante et danse, la récolte sera bonne, les caisses se remplissent, l’impôt s’allége : le rideau tombe sur une principauté réconciliée.

Jugement :

Parmi bien des faiblesses et des ridicules, la pièce contient des moments plaisants dans le registre sentimental. Dans le monologue qui ouvre le deuxième acte, le vieux Purnice, surpris par le réveil des sens, formule sobrement le conflit du désir et de la loyauté :

Fallait-il tant vieillir, hélas ! pour le poison

D’un plaisir impossible ou de la trahison !

L’affrontement d’Elphénore et de Camarilia (III, 2) semble convoquer Corneille et Racine :

Camarilia - Je l’aime pour sa gloire, et vous pour son dédain.

Elphénore - Je l’aime pour l’aimer, tous vos cris sont en vain.

On peut être touché aussi par les premiers émois du jeune Lélian.:

Je frémis, Dalibré, j’enrage et désespère

D’adorer un objet dont le maître est mon père.

En contrepoint des tumultes du coeur, l’auteur sait ménager l’intérêt politique. Sur deux enjeux de taille : prévenir la révolte et briser une conjuration , il fait jouer sans lourdeur les éternels ressorts de l’ambition, brodant quelques préceptes édifiants :

v.857 Tu tiens le trône pour ton peuple et non pour toi.

v.992 Honte à ceux qui festoient, quand les humbles soupirent !

Au début du dernier acte, en réponse aux objurgations du fidèle conseiller, la longue tirade du prince a des accents stoïciens qui peuvent plaire , comme aux vers 1541-1544 :

S’il faut perdre Elphénore ou trahir mon devoir,

Je ne balance plus, Purnice, et tu vas voir

Qu’un Prince sait trouver, au prix de son bonheur,

La force de sauver et son peuple et l’honneur.

Certains trouveront que l’auteur gâte son œuvre avec cette fin trop candide. Les dénouements ensanglantés ont plus de prestige, dans les livres… Si, flânant sur les quais, je déniche une pièce plus sombre, où quelque héroïne royale, préférerait périr dans son palais en cendres que tomber aux mains barbares de l’assiégeant, je ne manquerai pas de vous en faire ici le compte rendu.
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