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Parlons chiffons

Publié le 22 juillet 2011 par Corboland78

Si le Tshirt est devenu un vêtement d’une banalité totale de nos jours, se mariant aussi bien avec une tenue plus que décontractée ou débraillée qu’avec un ensemble très chic selon sa matière ou sa couleur, il n’en a pas toujours été ainsi.

Quand j’étais un petit enfant, c'est-à-dire il y a … tant que ça ? Je vous parle de la fin des années cinquante. Ce que nous appelons Tshirt était un vulgaire tricot de corps restant caché sous une chemise, car précision utile, en ces temps là il n’était porté que par les hommes. Je dirais même plus, les hommes les vrais, les mecs qui travaillaient de leurs mains, sur les chantiers ou dockers dans les ports. Equivalent du « marcel » mais avec ce côté exotique associé à sa provenance d’outre-atlantique, seuls les professionnels l’exhibaient quand ils trimaient par de fortes chaleurs, par dérive le vêtement fut approprié par les loubards - oui je sais, il s’agit d’un terme de mon époque pour mieux coller au sujet - qui avaient repéré Marlon Brando au cinéma se pavanant muscles ronds et luisants sur les grands écrans. Dans l’imagerie populaire, ce n’était donc pas le genre de tenue qui convenait à un jeune garçon respectable, trop lié à un monde vraiment populaire ou pire, voire interlope. Evidemment, je ne voyais pas les choses ainsi.

Inutile de vous dire que ce fut une révolution de palais quand mon père, un soir qu’il revenait du travail me rapporta un de ces fameux vêtements. Il y a au moins cinquante ans de cela, peut-être un chouïa plus, mais je m’en souviens encore, la mémoire m’est une source de stupéfaction permanente. Le Tshirt était d’un bleu foncé, avec inscrit dans le dos en lettres capitales jaunes « FULLER ». A cette époque mon père bossait dans une agence d’Import-export et le vêtement lui avait été donné par un copain qui lui travaillait dans une entreprise de transport routier.

A la vérité je dois confesser, qu’il m’était légèrement trop petit mais je n’allais pas faire la fine gueule devant une telle aubaine aussi inattendue. Je l’ai immédiatement adopté et je ne crois pas mentir en révélant que j’ai dormi avec, du moins cette première nuit, au grand dam de ma mère qui n’imaginait pas que je puisse me coucher autrement que vêtu de mon pyjama. Chaque fois que je rentrais de l’école, mon premier geste était de me changer et d’enfiler ce Tshirt, ma mère trouvait cela ridicule mais ce n’était pas bien méchant de ma part et comme je ne poussais pas mon avantage à vouloir le porter à l’extérieur de notre appartement, l’honneur familial était sauf. Je ne me souviens plus de la fin de cette histoire, souvent j’ai tendance à ne conserver que les bons souvenirs ; je suppose que le Tshirt finit comme finissent tous les Tshirt, soit l’usure l’acheva, soit mon embonpoint d’alors vint à bout des coutures et le maillot de corps dans lequel je paradais termina sa vie où il aurait du la commencer, chiffon à ménage pour un usage manuel et salissant.

Pourquoi mon esprit a-t-il conservé une trace aussi vive de cet évènement ridicule et sans intérêt aucun ? Je ne me souviens pas de mon premier slip, ni même chemise, alors pourquoi ce Tshirt m’est-il si cher aujourd’hui encore ? Des Tshirt j’en ai porté quelques uns, des beaux et des moches, mais je n’ai en mémoire que celui-ci et un second, bricolé comme on le faisait au milieu des Sixties, Tshirt verdâtre de l’armée US qu’on suspendait quelques instants avec adresse dans l’eau de Javel, de façon à obtenir une sorte de mandala sur le ventre par décoloration du tissu. Celui-là découragea encore plus ma mère, je crois bien.   


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