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Communiqué de Dominique DE VILLEPIN

Publié le 22 juillet 2011 par Arnaud Lehmann

Le Conseil Européen est parvenu hier à une décision importante. La catastrophe est évitée, mais les grands défis sont devant nous et cette décision doit marquer le début d’une relance européenne dans laquelle chacun assume pleinement ses responsabilités. Nous devons nous donner les moyens de nous affranchir de la menace permanente des marchés. C’est pourquoi, il faut saluer notamment les avancées structurelles dans le fonctionnement du Fonds Européen de Stabilité Financière, qui en fait l’amorce d’un vrai Fonds Monétaire Européen, et la hauteur des engagements en faveur de la Grèce et des autres pays sous assistance communautaire, au-delà de ce qui était attendu. Des premiers pas, aussi timides soient-ils, sont franchis en matière de mutualisation de la dette et de convergence budgétaire européenne par le renforcement du Pacte de Stabilité. Ce succès nous rappelle que pour réussir, tout passe toujours par le couple franco-allemand. C’est pourquoi la convergence, la coopération, la poursuite de l’œuvre de réconciliation doivent être des efforts quotidiens de nos deux gouvernements.

Face au risque de victoires en trompe-l’œil, il convient aujourd’hui de souligner trois exigences pour faire aboutir le processus enclenché hier.

Soyons prudents. Aujourd’hui les marchés saluent l’accord. Néanmoins, rien n’est joué et ils peuvent se retourner si l’une ou l’autre agence de notation déclare un défaut sélectif sur la dette grecque, tant pour des raisons psychologiques que mécaniques. De plus nous devons mettre tous les instruments de notre côté pour veiller à ce que les banques et les investisseurs tiennent leurs engagements volontaires de participation au financement du plan de sauvetage de la Grèce.

Soyons déterminés. Il faudra d’autres succès et beaucoup d’efforts pour transformer les projets en réalités. C’est ce que nous a montré le processus de régulation de la finance engagé en 2008 et qui reste aujourd’hui au milieu du gué.

Soyons réalistes. Ce plan sauve la Grèce momentanément mais n’apporte pas de solution structurelle à ses difficultés économiques, politiques et sociales. La course à l’austérité engagée par nombre de pays européens est le fruit de la défiance croissante entre Etats Européens. Il convient de restaurer la confiance pour éviter une spirale dépressive.

L’enjeu n’est pas tant financier que politique. Et c’est une réponse politique que doit trouver l’Europe. Car nous ne saurions nous contenter de demi-mesures lorsqu’il y va du destin d’un demi-milliard d’hommes. Prenons la mesure des limites de l’accord d’hier pour y trouver les réponses adéquates.

La première bataille, c’est la solidarité européenne, car il faudra effacer le sentiment laissé par le choix fait par les 27 hier d’accepter le défaut partiel d’un Etat de la zone euro sur sa dette. La crédibilité mondiale de l’euro en dépend. Nous devons progresser vers une meilleure gouvernance économique de la zone euro, pour laquelle la France plaide depuis longtemps, y compris à travers un ministre des finances de la zone euro et une mutualisation partielle de la dette par l’émission d’eurobligations, en nous appuyant sur les premiers pas concrets de la réforme du FESF.

La deuxième bataille c’est de permettre à la politique de prendre le dessus par rapport à la finance, car une fois encore c’est la menace des agences de notation qui a poussé à un accord partiel et tardif. Il faut donner à la Grèce et aux autres Etats la capacité de rebond, de croissance et de compétitivité, juguler les agences de notation par la régulation et par la création d’une agence de notation européenne.

La troisième bataille c’est celle pour la souveraineté nationale en Europe, car la Grèce court désormais le risque d’une tutelle inavouée de l’Union Européenne, avec la création d’une « task force » destinée à contrôler la mise en œuvre des mesures d’austérité et du plan de privatisation. Nous devons nous donner des garanties sur les conditions de ces restrictions, pour qu’elles soient limitées dans le temps et soient entourées de vigilance démocratique.

La quatrième bataille, c’est celle pour la vision de l’Europe que la France a vocation à défendre, une vision qui se tourne vers le Sud et la Méditerranée, en mesure les spécificités et les besoins. Cela nécessitera davantage de dialogue et de compréhension mutuelle.

L’essentiel reste à faire et tous les dangers ne sont pas derrière nous. Mais nous n’avons pas perdu la lutte pour la stabilisation financière européenne. Il est encore temps de relancer l’Europe. C’est un dialogue franco-allemand plus franc et plus profond qui en sera la condition.

Dominique de Villepin

Président de République Solidaire


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