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Le chantage des multinationales

Publié le 23 juillet 2011 par Copeau @Contrepoints

Le chantage des multinationales
De Montréal, Québec

Vendredi matin, quelque 600 travailleurs québécois de Laval et Trois-Rivières se rendent au travail. Ils pensent probablement à l’été, à la piscine, aux vacances qui ne viennent pas assez vite. Ces gens travaillent dans des centres d’appels pour l’entreprise américaine IQT.

Malheureusement pour eux, les grands patrons d’IQT se seraient rendu compte que déménager à Nashville serait payant. Cette ville promet de leur verser 1,6 million $ en subventions.

Quelques heures après leur entrée au bureau, les centaines d’hommes et femmes pensent… au chômage. Et espèrent qu’une entreprise, comme Bell, voudra bien les engager.

(Le maire de Nashville désapprouve l’attitude d’IQT envers les employés québécois, et a « suspendu » sa subvention. Théâtre politique ou réelle intention? À suivre.)

Novembre dernier. Electrolux déménage son usine de l’Assomption à Memphis, au Tennessee. Plus de 1000 travailleurs québécois à la rue. Pourquoi? Le Tennessee promet de soutirer 150 millions $ à ses contribuables, pour les donner à Electrolux.

Les États doivent dire « Non! »

Le chantage des multinationales, qui menacent de déménager si elles n’obtiennent pas une subvention, devient un fléau. Les entreprises québécoises aussi jouent le jeu. Rappelez-vous le chantage peu subtil de Bombardier envers les gouvernements québécois et canadiens en 2008, quand est venu le temps de choisir entre Mirabel et Kansas City pour la construction de la CSeries.

Ces surenchères plombent les budgets du gouvernement. Pour des emplois souvent fantômes. Le secteur aéronautique emploie aujourd’hui des milliers de travailleurs de moins au Québec qu’il y a dix ans, malgré les innombrables « créations » d’emplois à coup de subventions. Pire : IQT a acheté son centre d’appel de Laval à la firme Expertel. Or celle-ci a reçu, en 2000, une subvention de 670 000 $ de Québec, selon La Presse canadienne. Pour la « création » de 300 emplois…

Une idée : et si les gouvernements se tenaient debout, ensemble? La Colombie-Britannique et l’Alberta ont conclu un accord commercial en 2006 (auquel s’est jointe la Saskatchewan en 2010). Les trois provinces s’engagent, entre autres, à ne pas promettre de subventions à une entreprise située dans une autre province, pour l’attirer chez soi.

Le problème : cet accord se limite au territoire de ces trois provinces. Si l’Alberta, par exemple, veut donner des bonbons pour attirer chez elle une entreprise située ailleurs qu’en Colombie-Britannique ou en Saskatchewan, elle peut le faire. C’est pourquoi une telle mesure, pour être efficace, doit ratisser large. Inclure le plus de juridictions possible. Tout un défi, quand on sait que les politiciens adorent dépenser votre argent pour acheter des votes.

Une cerise sur le sundae

Un accord incluant les provinces du Canada et tous les États américains, dans lequel les gouvernements s’engageraient à ne pas donner de subventions pour « voler » des emplois à un partenaire, serait un bon début.

Surtout que plusieurs études l’ont démontré : ce qui motive une entreprise à s’installer à un endroit, c’est la présence d’une main-d’œuvre qualifiée, des infrastructures de qualité, un taux d’imposition modéré, etc. Les subventions arrivent plutôt loin dans la liste, comme une cerise sur le sundae. Les entreprises s’en servent souvent pour extorquer au gouvernement des avantages supplémentaires, sachant très bien que les États se battent pour les emplois — même ceux mal payés.

Si tous les États décidaient — par miracle — de se tenir debout, on pourrait mettre fin à ce chantage aux frais des contribuables.

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