Le geste d'Anders Behring Breivik est celui d'un fou. Il n'en reste pas moins hautement symbolique d'une ambiance de fond. Ici, en Europe, la petite musique de la peur du multiculturalisme et de l'islamisation est entrée, tel un refrain envoûtant, dans beaucoup de têtes.
La cible de l'auteur du double attentat qui a fait vendredi 93 morts et 97 blessés en Norvège, ce n'est pas un hasard, a ciblé le Parti travailliste norvégien, favorable à l'immigration.
Des écrits et des vidéos Internet diffusés peu avant la tragédie attestent des convictions islamophobes et antimarxistes d'Anders Behring Breivik qui évoque, "l'usage du terrorisme comme un moyen d'éveiller les masses". De quoi avoir froid dans le dos, quand la lecture des documents diffusés par le tueur prône, plans à l'appui, l’attaque d’une centrale nucléaire.
La Scandinavie malgré, ou peut être à cause de son niveau de vie n'échappe pas au vent de xénophobie qui souffle sur l'ensemble du continent, de l'Italie à la Finlande en passant par la France. En Norvège, le Parti du Progrès, parti de droite populiste a obtenu 22,9 % des voix aux législatives de septembre 2009.
Une phrase issue des œuvres du tueur fou est saisissante. "Ce que la plupart des gens ne comprennent toujours pas, c'est que l'islamisation en cours de l'Europe ne pourra être stoppée que lorsque on aura empoigné la doctrine politique qui la rend possible", écrivait-il en octobre 2009.
Le fait de s'être attaqué à une fraction de la jeunesse suspectée d'être polluée politiquement est hautement symbolique. Beaucoup plus qu'un attentat à la bombe contre l'Etat dans un pays très protecteur à l'égard de ses enfants qui sont aussi son avenir.
Le cocktail du dérapage doit être analysé avec soin. Il est constitué d'une double perte de confiance tant, dans la classe politique traditionnelle que dans les médias accusés de falsifier l’Histoire et d'être favorables, dans leur très grande majorité, au multiculturalisme.
Avec pertinence, Jacques Attali relève sur son blog que la violence d'aujourd'hui est le fruit d'une vacuité politique. Faute de projet commun le réflexe "naturel" est celui de la préservation des acquis à l'égard d'une société internationale ressentie comme hostile.
L'ancien sherpa de François Mitterrand pointe ainsi, l'émergence d'une nouvelle forme d’idéologie totalitaire "revendiquant l’autisme comme une politique" et en tire la conclusion "qu'un pays ne peut rester durablement sans un projet politique, lui donnant un sens dépassant sa réalité matérielle, l’inscrivant dans l’Histoire".
Et si ce grand projet politique, l'autre actualité en témoigne, n'était autre que celui de la réalisation de l'Europe politique, celle des Etats-Unis d'Europe ?
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