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La Volucelle zonée

Publié le 26 juillet 2011 par Corboland78

Insecte au corps trapu, à la tête large, jaune entre les yeux. Durant les belles journées d’été, on voit les grosses volucelles visiter les fleurs, surtout les chardons et ombellifères.

Les femelles déposent leurs œufs sur le sol près des nids de guêpes ou de bourdons terrestres. Peu après leur éclosion, les jeunes larves des volucelles pénètrent dans le nid de guêpes ou de bourdons et commencent à se développer en se nourrissant de restes végétaux en décomposition, des cadavres des habitants du nid et de larves mortes. La nymphose et l’hivernage ont également lieu dans le nid.

Voyons ce qu’en dit Jean-Henri Favre dans ses Souvenirs entomologiques  où il accorde un chapitre entier à la volucelle : 

« C’est une superbe et puissante mouche, dont le costume, zoné de bandes jaunes et brunes, présente une vague ressemblance avec celui des Guêpes. Les théories en vogue se prévalent de ce jaune et de ce brun pour faire de la Volucelle un exemple frappant de mimétisme. Obligée, sinon pour elle, du moins pour sa famille, de s’introduire en parasite chez la Guêpe, elle ruse, dit-on, et endosse par tromperie la livrée de sa victime. Dans le guêpier, elle vaque tranquille à ses affaires, prise qu’elle est pour l’un des habitants. (…)

Cette naïveté de la Guêpe, dupe d’un costume très grossièrement imité, et cette scélératesse du diptère se dissimulant sous un travesti excèdent les bornes de ma crédulité. La Guêpe n’est pas aussi sotte, et la Volucelle aussi rusée qu’on nous l’affirme. Si vraiment cette dernière s’est avisée de tromper l’autre par son aspect, reconnaissons que son déguisement n’est pas des mieux réussis. Des écharpes jaunes au ventre ne font pas une Guêpe. Il faudrait de plus, et avant tout, la sveltesse du corps, la prestesse de l’allure, et la Volucelle est trapue, dilatée, de pose grave. Jamais la Guêpe ne confondra avec l’un des siens cet insecte lourdaud. La disparate est trop grande. (…)

Avec les prisonnières de ma cloche, j’expérimente au jour, et les Guêpes libres travaillent dans la profonde obscurité de leur souterrain. Où la lumière manque, la coloration n’a plus de rôle. Une fois entrée dans la caverne, la Volucelle ne tire donc aucun avantage de ses bandes jaunes, sa sauvegarde, nous dit-on. (…)

Dans les ténèbres, à la condition d’éviter le tumultueux intérieur du guêpier, il lui est aisé de faire son coup, costumée comme elle l’est ou costumée d’autre manière. Pour peu qu’en sa prudence elle s’avise de ne pas coudoyer les passants, elle peut, sans danger, plaquer ses œufs sur la muraille de papier. Nul ne saura sa présence. (…)

Ces relevés affirment déjà que les vers de la Volucelle ne méritent pas la réputation qu’on leur a faite. Satisfaits de la dépouille des morts, ils ne touchent pas aux vivants ; ils ne ravagent pas le guêpier, ils l’assainissent. (…)

Et ces indifférents sur la nature de la proie tant que celle-ci est morte, la refusent quand elle est vivante. En vrais diptères qu’ils sont, en francs défricheurs de cadavres, avant de toucher à une pièce, ils attendent que la mort ait fait son ouvrage.

Officier de santé de la cité vespienne, la Volucelle remplit double office : elle torche les enfants de la Guêpe, elle débarrasse le guêpier de ses morts. Aussi est-elle accueillie paisiblement, en auxiliaire, quand elle pénètre dans le terrier pour y déposer ses œufs ; aussi, au cœur même de la demeure, où nul ne vaguerait impunément, sa larve est-elle tolérée, mieux que cela, respectée.

Ainsi le veut la police du guêpier : tout étranger surpris doit être massacré et jeté aux ordures. Pour déjouer cette vigilance, il faut aux vrais ennemis une immobilité sournoise, une dissimulation de haute scélératesse. Mais le ver de la Volucelle ne se dissimule pas. Il va et vient, à découvert, où bon lui semble ; il recherche au milieu des Guêpes les cellules à sa convenance. Qu’a-t-il donc pour se faire ainsi respecter ?

La force ? Certes non. C’est un inoffensif que la Guêpe découdrait d’un coup de ses cisailles. Atteint de l’aiguillon, il serait foudroyé. C’est un hôte connu, à qui, dans un guêpier, nul ne veut du mal. Pourquoi ? Parce qu’il rend des services ; loin de nuire, il travaille à l’assainissement. Ennemi ou simplement importun, il serait exterminé ; auxiliaire méritoire, il est respecté.

Alors quelle nécessité pour la Volucelle de se déguiser en Guêpe ? Gris ou bariolé, tout diptère est admis dans le terrier du moment qu’il est utile à la communauté. Le mimétisme de la Volucelle, l’un des plus concluants, dit-on, est, en somme, une puérilité. L’observation patiente, en continuel tête-à-tête avec les faits, n’en veut pas ; elle l’abandonne aux naturalistes de cabinet, trop enclins à voir le monde des bêtes à travers l’illusion des théories. »

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