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Les racines du mal…

Publié le 26 juillet 2011 par Vogelsong @Vogelsong

“il faut un minimum de participation pour sentir et l’insensibilisation induite par l’organisation mondiale de la consommation et de l’hypersynchronisation en quoi elle consiste…, produit une souffrance à la limite de la souffrance, du supportable, une quasi-insensibilité dangereuse, une misère du sens…” B. Stiegler in “Aimer, s’aimer, nous aimer” ed. Galilée 2003

Sonder l’insondable, se figurer l’infigurable de la barbarie pour rendre les choses qui traversent le réel plus supportables. L’explication des atrocités commises soulève chez les “normaux” d’innombrables questions. On espère comprendre et résoudre. Pourtant, il se pourrait que nous passions, en l’occurrence et au vu des détours du débat, sur la seule et essentielle interrogation. Pourquoi les sociétés humaines contemporaines et civilisées engendrent-elles des individus, en leurs seins, capables de tels actes ? L’objectivation grâce aux faits collectés sur l’assassin, ses croyances, son fanatisme ouvre des chemins de compréhension, mais il n’est pas impossible que les ferments puissent déjà être là, tapis.

Les racines du mal…

Francis Bacon

Au-delà de la simple question de la critique d’un système dans ses conséquences globales, sociales et macroéconomiques, B. Stiegler s’est intéressé aux dégâts de pouvaient provoquer le lessivage progressif du narcissisme. À la suite de l’affaire R. Durn, il pointe l’agonie d’un système qui vide les individus de leur propre existence. Parmi les raisons qui motivèrent le tueur de Nanterre, émerge l’envie “pour une fois d’exister” selon ses propres mots. Le philosophe met en exergue l’immense capacité des sociétés modernes à priver l’individu de son narcisse primordial, “structure psyché indispensable à son fonctionnement, cette part d’amour de soi qui peut devenir parfois pathologique, mais sans laquelle aucune capacité d’amour ne serait possible”. Qui fait exister et reconnaitre le “je” dans le “nous”, par ce qu’il appelle l’individuation. Qui sit l’individu dans la collectivité, la société. Par ce biais il vit, se reconnaît, reconnaît et trouve une place, d’Homme spécifique et unique.

Or selon B. Stiegler tout est mis en œuvre dans les stratégies globales de l’industrie culturelle, rouleaux compresseurs de la mercatique, pour désindividuer les êtres. Un unique objectif qui consiste à standardiser les goûts et synchroniser les attentions (les temps de cerveaux). À terme il prive l’Humain de cette individuation essentielle, transformant le “je” et le “nous” en un “on”, sujet indéterminé. Or loin de ce qui est communément affirmé, le système dit “d’individualisme” engendre des comportements grégaires, et non individuels, ceux d’une société troupeau. Même si ce n’est pas le cas du réel tous les jours tout le temps, la finalité de cette structure, par la pesanteur et le conditionnement de l’industrie culturelle, si elle touchait son terme dans sa logique la plus efficiente conduirait les Hommes à se comporter de façon identique dans des cycles réguliers de travail/consommation. À la fin des fins, comme pour R. Durn, devant le miroir, l’indigence et la contemplation du néant d’une existence. Et c’est peut être vers celà que les sociétés modernes tendent. Pour B. Stiegler, dans le drame de Nanterre, l’assassin “voyait dans le conseil municipal la réalité d’une altérité qui le faisait souffrir, qui ne lui renvoyait aucune image, et il l’a massacré”.

Ce parallèle n’est surement pas suffisant pour expliquer le carnage d’Utøya, d’ailleurs tenter une explication totalement pertinente ici serait plus que présomptueux. Mais au-delà des causes religieuses et politiques du terroriste norvégien, on pointe le passage à l’acte d’un individu parce qu’il appartient à une frange mal assumée de la société, les extrémistes. Dans cette optique le véhicule idéologique s’avère un prétexte commode pour extraire les causes intrinsèques au système. L’objet ici n’est pas la critique du capitalisme, en l’amalgamant aux causes du fanatisme religieux et du fascisme. Bien que de manière plus générale on puisse se poser la question de la tolérance et des accointances du politique et et de l’économique avec ces roides légions. Mais tenter de comprendre comment des Hommes sensés provenant du même berceau de civilisation peuvent en conscience faire exploser le crâne d’un enfant de quinze ans ?

Vogelsong – 25 juillet 2011 – Paris


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