Écrit par La Nouvelle Expression
Et si la fraude fiscale opérée par les grandes entreprises était le plus grand ennemi du développement ? C'est en tous cas la thèse défendue par une organisation internationale qui plaide pour la justice fiscale, Tax Justice Network, et qui dans une enquête révèle que l'évasion fiscale est plus importante que les détournements de fonds et les trafics de drogue réunis. Pour cette Ong, alors que les détournements des fonds publics par les acteurs gouvernementaux représentent 3% des déperditions subies par l'Etat, les trafics criminels sont évalués à 30-35% et l'évasion fiscale, souvent liées aux facturations bidonnées atteint 60 à 65%.Des multinationales puissantes ont, « sans aucune honte, mis la pression sur des gouvernements des pays pauvres pour obtenir des exemptions fiscales ou une fiscalité particulière afin d'exploiter des matières premières telles que le Coltan, le pétrole, le gaz naturel, le rutile, le thé ou encore le café, le cacao et le coton ». Pour ce groupe d'association, « les exemptions fiscales d'autres subventions cachées accordées aux multinationales dans des accords dissimulés privent des gouvernements et leurs citoyens de revenus fiscaux significatifs »
Echapper aux impôts
Imposez-nous si vous pouvez (pourquoi l'Afrique doit se lever pour réclamer la justice fiscale). Le titres de l'étude indique clairement que nombres d'entreprises usent de mille et une techniques pour échapper aux impôts. Les techniques d'évasions fiscales sont quasiment les mêmes que pour les autres formes de criminalité financière ou de corruption : entreprises fictives, sociétés écrans, fondations caritatives, falsification des prix, fournitures de documentations mensongères à l'Etat, « le tout étant soutenu, explique Tax Justice Network, par une armée de banquiers, avocats et experts comptables ». De toutes les manières, indique cette association, les banques ont clairement été identifiées comme les principaux facilitateurs de la corruption, de l'évasion fiscale, et d'autres flux financiers illicites.
Une des techniques les plus courantes consiste à faire de la maison mère le fournisseur exclusif des matières premières utilisées par la filiale locale. On se retrouve ainsi avec des situations surréalistes où la maison mère vend à sa filiale bien plus cher que le taux du marché. Ces contrats sont régulièrement révisés à la hausse du moment que les prévisions montrent une éventuelle hausse du chiffre d'affaires de la filiale. Il y a parfois des contrats d'assistance technique datant d'avant l'indépendance, qui permettent aux maisons mères des siphonner les résultats de leurs filiales locales. Il existe aussi un maillage d'accord, souvent gardés secrets, qui favorisent plus que de raison certaines de ces grandes firmes. « Chez nous, ce sont des pratiques courantes, témoigne un haut fonctionnaire. Certaines entreprises, filiales de multinationales européennes, opèrent chez nous en bénéficiant des facilités souvent prévues avant l'indépendance ».
Bénéficies minimisés
Un ancien banquier se souvient. « J'étais cadre dans un filiale d'une banque européenne. A l'époque, notre principal actionnaire nous avait fait acheter un logiciel pour près d'un milliard et demi. C'était avant la dévaluation. Au sein de l'entreprise tout le monde en riait parce que le manège était bien compris. Au sein du management de la banque, les représentant de l'Etat, pourtant nombreux à des hautes fonctions, n'ont pas eu le courage de s'opposer. »
L'idée est de limiter autant que impossible les bénéfices de la filiale. Dans tous les cas, l'Etat perd sur toute la ligne. Il perd les recettes fiscales parce que les bénéfices de la structure sont minimisés, et dans les cas où il est actionnaire, il perd des dividendes. Cette technique dont la finalité est de déplacer le bénéfice du pays africain vers le siège mondial du groupe est assez répandue, comme en témoigne Tax Justice Network. Car, explique l'organisme, les pays africains ayant parié sur l'attraction des grandes firmes internationales pour dynamiser leur économie, ces gouvernements font face au chantage des grandes entreprises multinationales qui exigent toujours des particularités fiscales, voire des exemptions pour ne pas avoir à payer d'impôts. Une fois qu'elles les ont obtenues, elles multiplient les manœuvres avec leurs maisons mères et leurs banquiers, pour accroitre de manières fictives leurs charges et frais, de sorte à réduire la matière localement imposable.