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Géneviève Edzoa: Mon mari n’a jamais appelé P. Biya

Publié le 26 juillet 2011 par 237online @237online

Écrit par Le Jour   


Géneviève Edzoa: Mon mari n’a jamais appelé P. Biya
L'épouse de l'ancien secrétaire général de la présidence de la République, Titus Edzoa, parle de son incarcération depuis 14 ans.
Comment va votre mari ?
Il va bien. N'empêche que ce soit dans des conditions terribles. Il demeure depuis 14 ans dans une petite cellule infecte, sans aération.
C'est le mois dernier qu'ils sont venus percer quelques trous d'aération sur les portes blindées qui l'enferment.
Il est dans les locaux du secrétariat d'Etat à la Défense, dans une cellule de 9 m² avec trois portes blindées. C'est ça ?
Voilà ! Trois portes blindées, ça fait peur.

Comment va sa santé ?
Il va bien. Mais je me souviens qu'en 2004, il a été gravement malade d'une hémorragie digestive qui a nécessité d'ailleurs des soins intensifs à l'hôpital. Trois semaines après son hospitalisation, des unités de gendarmes cagoulés sont venues l'enlever devant moi et l'ont remis dans la même cellule.

Et comment occupe-t-il ses journées ?
Il lit des livres de médecine.

Parce qu'il est médecin...
Oui, il est médecin. Il est professeur de chirurgie.

Est-ce qu'il lit des journaux ?
Oui. Il lit des journaux comme Jeune Afrique, Le monde diplomatique, des journaux sur la santé. Il ne lit pas beaucoup les journaux locaux. Il trouve que ce sont des feuilles de choux qui écrivent n'importe quoi.

Est-ce qu'il écoute la radio ?
Oui, il écoute la radio en cellule.

Est-ce qu'il est vrai, comme le dit la presse camerounaise, que la semaine dernière, avec un téléphone portable, il aurait réussi à joindre directement le président Biya ?
Non. C'est faux. Il ne lui a jamais parlé. C'est simplement des élucubrations.

Mais, est-ce qu'il s'est passé quelque chose ?
Oui, il s'est passé qu'il a été convoqué par des généraux et on lui a retiré son téléphone portable. Ça fait qu'il est coupé du monde.

Donc, il avait un téléphone en cellule et ce téléphone lui a été confisqué ?
Oui, oui. Il n'a plus de téléphone.

Quelle en est la raison ?
D'après ce que les journaux ont dit, c'est pour des raisons de sécurité.

Vous lui rendez visite tous les jours pour lui apporter son déjeuner ?
Oui, je lui apporte son déjeuner. Il est toujours gardé par deux unités d'élite de la gendarmerie, 24h sur 24. Il n'a que quatre heures de sommeil par jour. Ils ont arraché la maison qui me permettait de le nourrir aisément. J'ai quitté la maison que nous habitions pour aller rester au village, pour que cette maison me permette de nourrir mon mari et mes enfants. Et ils l'ont arrachée. Vous vous rendez compte ? Je n'ai plus de loyer.

En avaient-ils le droit ?
Ils prétendent qu'il fallait confisquer les biens de mon mari. Ils ont confisqué ses biens lorsqu'ils l'ont condamné.
C'est en 1997 qu'il a été condamné à 15 ans de prison pour détournement de fonds publics. Est-ce qu'il reconnaît les faits ?
Non, pas du tout. Il a fallu qu'il démissionne et qu'il se présente aux élections présidentielles pour qu'il soit accusé et condamné, en une seule audience et de nuit, sans avocat. C'était une mascarade.

Il faut dire que votre mari était à la fois le médecin personnel du président et le secrétaire général de la présidence de la République. C'était donc l'un de ses hommes de confiance. Quand il a annoncé sa candidature, est-ce que Paul Biya n'a pas pris ça pour une trahison ?
Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas.

Comment expliquez-vous sa condamnation ?
Oh ! Comme tous les Camerounais. Parce qu'il s'est présenté aux élections présidentielles.

Depuis 2009, il comparaît de nouveau devant un tribunal pour une autre affaire de détournement de fonds. Est-ce que vous n'êtes pas désespérée ?
Non, on tient. Parce que mon mari et moi nous savons qu'il n'a rien détourné. Peut-être que la justice tranchera.

Normalement, votre mari doit sortir de prison l'année prochaine. Mais, ne craignez-vous pas que d'ici là, il soit condamné à une nouvelle peine de prison ?
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? S'il y a une justice, elle nous dira.

Comment expliquez-vous cet acharnement du pouvoir ?
Je ne sais pas. La justice nous le dira. Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas pourquoi cet acharnement.

Qui est à l'origine des malheurs de votre mari ?
A mon avis, son malheur c'est d'avoir osé démissionner et se présenter aux élections présidentielles. Tout part de là.

Pensez-vous que la décision vient du chef de l'Etat lui-même ?
Je ne sais pas. Il est quand même le maître suprême. Il n'a encore rien dit. Je ne sais vraiment pas.

Avez-vous introduit une demande de grâce ?
Non.

Et pourquoi ?
Ça dépend de mon mari. Il m'a dit qu'il ne voyait pas pourquoi il allait demander une grâce. Il n'a jamais détourné quoi que ce soit.

Et il garde sa dignité ?
Ouiiiiii. Vraiment, je remercie le Bon Dieu, parce qu'il est resté le même homme, très serein. J'ai un prisonnier qui n'est pas du tout difficile. Il assume sa peine avec beaucoup de dignité et de respect.

Il est croyant ?
Oui. Nous prions, il prie. Ça l'aide beaucoup.

Et vous aussi ?
Ouiiiii. J'ai une forte foi et j'estime que c'est grâce à Dieu qu'on tient. C'est grâce à Dieu qu'on arrive à supporter toute cette difficulté-là.



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