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La crise des dettes souveraines aux Etats Unis et en Espagne

Publié le 26 juillet 2011 par Boursomax

  Sybille Dehesdin
Bonjour à toutes et à tous. Bienvenue sur ECOTV, votre rendez-vous avec les économistes de BNP Paribas. Au sommaire de cette édition : les crises des dettes souveraines en Europe et aux États-Unis. Où en est-on ? Quelles perspectives ? Tour d'horizon avec Alexandra Estiot. L'Espagne est à nouveau malmenée par les marchés. Le pays est-il en danger ? Elément de réponse avec Thibault Mercier. Et enfin l'Egypte. Comment les incertitudes politiques pèsent sur l'activité économique du pays ? Nous écouterons l'analyse de Pascal Devaux.
Tout d'abord, nous accueillons Alexandra Estiot. Bonjour Alexandra.


ALEXANDRA ESTIOT
Bonjour.


Sybille Dehesdin
Depuis la dernière fois, la crise de la dette souveraine ne s'est ni apaisée ni résolue. Où en est-on concrètement dans la gestion de cette crise ?


ALEXANDRA ESTIOT
Les autorités européennes continuent à prendre la question très au sérieux et ont décidé d'améliorer les deux fonds de soutien. Le temporaire a vu sa capacité de prêt augmenter, Le permanent n'a plus cette clause de séniorité qu'il aurait vu se faire rembourser avant les créditeurs privés. Donc une amélioration.


Sybille Dehesdin
Le Portugal a déjà bénéficié de cette augmentation de capital ?


ALEXANDRA ESTIOT
En fait, on pensait que le Portugal allait utiliser cette aide, Il a effectivement appelé à l'aide, et a reçu un plan de financement sur 7 ans pour 78 milliards d'euros.


Sybille Dehesdin
Pensez-vous que la Grèce pourra éviter le défaut de paiement ?


ALEXANDRA ESTIOT
La question de la Grèce, c'est plus un problème de liquidité pour l'instant. Et le plan qui était prévu est un retour du marché. L'année prochaine, ça devient très clair que le pays ne pourra pas émettre au taux actuel. Donc, on discute d'une deuxième tranche d'aide, qui devrait avoisiner les 100 milliards d'euros. En échange, la Grèce augmente ses efforts en votant un nouveau plan d'austérité et en procédant à des privatisations ambitieuses.


Sybille Dehesdin
Actuellement, c'est l'ensemble des pays développés qui sont concernés par ces problèmes de crise de dette, notamment les Etats-Unis, c'est l'exemple le plus frappant.


ALEXANDRA ESTIOT
Oui. Depuis le début de l'année, il est assez dur de trouver un pays développé qui n'a pas vu sa note dégradée ou mise sous surveillance. On peut parler de l'Italie et du Japon qui font partie des gros pays mais bien sûr, les Etats-Unis. C'est un choc mais pas une surprise. Les finances publiques au niveau fédéral, sont en très mauvais état. On est à plus de 1 000 milliards de dollars de déficit pour la deuxième année consécutive. Une comparaison sur l'année 2010. Le déficit américain représentait cinq fois le stock de dettes grec. On a un gros problème de finances publiques aux États-Unis.


Sybille Dehesdin
Pourtant, vu le contexte préélectoral aux États-Unis, une solution ne va pas être trouvée dans l'immédiat par le Congrès américain.


ALEXANDRA ESTIOT
On a une totale impasse. Les démocrates et les républicains refusent de discuter. Les démocrates veulent augmenter les impôts. Les républicains refusent d'intégrer la moindre hausse d'impôt dans un plan d'amélioration des finances publiques. Cela dure depuis le début de l'année, même avant. Mais il a été très difficile d'éviter un shutdown du gouvernement (fin des opérations) puisque les deux parties n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur un budget pour l'année prochaine.


Sybille Dehesdin
Comment voyez-vous les choses évoluer dans les mois à venir ?


ALEXANDRA ESTIOT
Il va falloir regarder la Grèce. Puisqu'on a en ce moment, le système bancaire, les grandes banques du monde entier qui discutent pour essayer de prendre une partie du coût du sauvetage de la Grèce. Les discussions ont lieu actuellement. Donc il va falloir attendre les détails au cours de l'été.


Sybille Dehesdin
Et concernant le reste des pays périphériques de la zone euro ?


ALEXANDRA ESTIOT
Sur le reste des pays de la zone euro, on pense premièrement à l'Espagne, qui est revenu sur le devant de la scène, à cause de la Grèce, en fait, qui a provoqué une envolée des taux d'intérêts dans l'ensemble des pays périphériques. Sur l'Espagne, je crois que Thibault va vous en parler.


Sybille Dehesdin
Effectivement, Thibault Mercier sera avec nous pour reparler de l'Espagne. Je vous remercie Alexandra.


ALEXANDRA ESTIOT
Merci. Au revoir.




Sybille Dehesdin
Nous sommes avec Thibault Mercier. Bonjour.


THIBAULT MERCIER
Bonjour.


Sybille Dehesdin
Après quelques mois d'accalmie, l'Espagne se retrouve à nouveau dans le collimateur. Comment expliquez-vous ces tensions qui reviennent ?


THIBAULT MERCIER
D'abord, la contagion qui vient de développements en Grèce. Cela nourrit les tensions sur les marchés des dettes des autres pays fragiles. L'Espagne en fait partie, car il y a aussi des difficultés intrinsèques à l'économie. Le taux de chômage est le plus élevé de la zone euro. Il y a aussi le secteur bancaire qui est dans un état assez incertain. Et les finances publiques à l'échelle régionale qui ont récemment connu des dérapages.


Sybille Dehesdin
Pensez-vous que ces difficultés, ainsi que la politique de resserrement monétaire de la BCE, vont peser sur l'économie du pays ?


THIBAULT MERCIER
C'est sûr, que cela ne va pas aider. Le taux de chômage est élevé...


Sybille Dehesdin
21 %, tout de même.


THIBAULT MERCIER
Voilà, il est de 21 %. C'est le plus élevé de la zone euro. Cela traduit l'effondrement du secteur de la construction qui avant la crise, créait beaucoup d'emplois. Il y a une part structurelle dans ce taux de chômage, donc. Même si l'économie rebondit assez fort, le taux de chômage restera plus élevé qu'auparavant et que la moyenne de la zone euro. Ca a pesé durablement sur le revenu disponible des ménages. Il y a aussi le resserrement de la politique monétaire, opéré par la BCE. Cela va se traduire par des charges d'intérêts plus élevées pour les ménages. Dans l'ensemble, la demande intérieure devrait être assez pénalisée, mais l'économie espagnole change. Elle se tourne d'avantage vers l'extérieur. Sa croissance est tirée par les exportations. Le pays regagne en compétitivité. Le gouvernement appuie dans cette direction, puisqu'il met en place des mesures importantes, notamment une mesure du travail qui est actuellement débattue au Parlement. Il s'agit de mettre la croissance des salaires davantage en ligne avec les gains de productivité qu'avec l'inflation. Les temps seront difficiles, la croissance risque d'être moribonde mais le gouvernement met en place les mesures nécessaires.


Sybille Dehesdin
Le "mouvement des indignés" ne risque pas d'invalider ces mesures ?


THIBAULT MERCIER
Il y a un mouvement social de contestation qui se comprend puisqu'il y a un chômage très élevé. Maintenant, il faut voir si cela ne traduit pas une perte d'optimisme dans l'avenir, qui pourrait revenir dès que la croissance rebondit. Zapatero, le chef du gouvernement, a annoncé qu'il ne se serait pas candidat à sa propre succession l'année prochaine, ce qui lui permet de mettre en place son plan d'austérité qui est ambitieux et lui tient à coeur.


Sybille Dehesdin
Vous avez aussi évoqué une recapitalisation du système bancaire et le dérapage des finances publiques régionales. Pensez-vous que ces éléments peuvent impacter la soutenabilité de la dette publique espagnole ?


THIBAULT MERCIER
Cela va avoir un impact sur la dette comme en Irlande. Mais il y a une différence entre l'Irlande et l'Espagne. Quand l'Irlande injecte 70 milliards d'euros dans son système bancaire pour le remettre à flot, ça représente 45 % de son PIB. Si l'Espagne injecte le même montant, qui est une hypothèse forte puisqu'on pense que ce sera moins, ça ne représenterait que 7 % du PIB. Ceci ne remet pas en cause la soutenabilité des finances publiques C'est la même chose pour les régions. Si la dégradation a été rapide, le niveau reste raisonnable puisque la dette des régions représente moins de 20 % de la dette totale. Ceci ne compromettra pas la trajectoire de la dette à moyen terme.


Sybille Dehesdin
Donc elle n'aura pas besoin de faire appel à une aide extérieure ?


THIBAULT MERCIER
Probablement pas car avec un taux d'endettement public relativement faible, 60 % du PIB comparé à plus de 80 % pour la zone euro, le pays a des marges de manoeuvre importantes. Il va avoir besoin de temps pour corriger les déséquilibres accumulés lors de la décennie passée lors du boom immobilier. Mais il a les moyens "d'acheter du temps".


Sybille Dehesdin
Quelles sont vos prévisions pour les prochaines années ?


THIBAULT MERCIER
On voit plutôt une croissance plus faible que pendant les années boom, une croissance aussi plus équilibrée. Probablement, une dette publique qui va continuer à augmenter. Mais grâce au plan d'austérité et aux mesures de consolidation budgétaire, la soutenabilité devrait être préservée et on s'attend à un pays qui va rebondir graduellement mais sûrement.


Sybille Dehesdin
Merci beaucoup Thibault.


THIBAULT MERCIER
Merci.




Sybille Dehesdin
Nous sommes à présent en compagnie de Pascal Devaux. Bonjour.


PASCAL DEVAUX
Bonjour Sibylle.


Sybille Dehesdin
Depuis la révolution du mois de janvier, le pays est plongé dans une grande incertitude politique. Cette incertitude va-t-elle peser sur l'activité économique du pays ?


PASCAL DEVAUX
Certainement. L'activité s'est fortement ralentie mais ne s'est pas effondrée. Globalement, l'économie égyptienne a bien résisté, étant donné les bouleversements politiques qu'elle a connus depuis le début de l'année. Même si les finances publiques sont un des points faibles de l'économie et vont rester en difficulté, on peut dire que la situation est soutenable à court terme. La croissance devrait rester positive dans les deux années à venir, environ 2 %, mais les incertitudes politiques assez fortes pèsent et pèseront sur le tourisme et les investissements à l'étranger qui sont deux moteurs importants de l'économie égyptienne.


Sybille Dehesdin
Cela va également peser sur les difficultés budgétaires que rencontre le pays ?


PASCAL DEVAUX
Les finances publiques sont la faiblesse structurelle de l'économie. Et actuellement, cette fragilité va continuer à s'accentuer. La demande sociale est forte, et les dépenses augmentent. D'un autre côté, les recettes vont être au mieux stables. On s'attend à des déficits d'au moins 10 % du PIB dans les deux années à venir. C'est un montant important pour un pays émergent.


Sybille Dehesdin
Le pays refuse l'aide extérieure du FMI et de la banque mondiale qui lui avait été proposée. Ce refus vous semble réaliste ?


PASCAL DEVAUX
Je ne sais pas, mais c'est avant tout une décision politique. L'objectif est de moins dépendre des bailleurs internationaux. Mais en tout cas, ça aura un prix. Soit un prix politique car cela fait dépendre le pays vis-à-vis des pays du GCC, notamment l'Arabie Saoudite. Soit un prix économique, le gouvernement va devoir s'endetter auprès des banques locales à un prix important en termes de taux d'intérêt. Actuellement, il s'endette à 13 % auprès des banques locales contre 1,5 % auprès du FMI. Par ailleurs, on a un stock de dette qui équivaut à 70 % du PIB, donc le niveau de dette est élevé et risque d'augmenter à court et à moyen terme.


Sybille Dehesdin
Dans ce contexte, quelles sont les perspectives à moyen et long terme ?


PASCAL DEVAUX
Elles sont très incertaines. Il est vrai que l'Egypte a beaucoup de potentiel, un capital humain et une économie diversifiée. Mais l'incertitude politique est telle, on a une transition politique qui risque de durer entre 2 et 5 ans, ce qui est facteur d'incertitude fort et va peser aussi sur les réformes et les investissements à l'étranger. Les perspectives sont incertaines en terme économique et politique.


Sybille Dehesdin
Je vous remercie, Pascal.


PASCAL DEVAUX
Merci Sibylle.




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