Site pollué : précisions sur le régime du passif environnemental

Publié le 26 juillet 2011 par Arnaudgossement

La Cour administrative d’appel de Douai vient de rendre un arrêt qui comporte d’utiles précisions sur le régime juridique de la passif environnemental relatif à un site pollué et, surtout, sur la manière dont le Juge analyse le comportement des parties à une convention d'occupation du domaine public.


Les faits

Par délibération du 23 juin 2000, la Communauté urbaine de Lille - « Lille Métropole Communauté urbaine » - décide de créer un « centre de valorisation organique et de transfert de déchets fermentescibles et des déchets verts » sur un terrain situé dans une zone portuaire. Le propriétaire – Voies navigables de France – avait concédé ce terrain en 2001 à la Chambre de commerce et d’industrie Grand Lille.

En 2003, la CCI Grand Lille conclut une convention d’occupation dudit terrain. Toutefois, le sous-sol de ce terrain a révélé des traces de pollution procédant d’une ancienne exploitation d’une centrale thermique par EDF à cet endroit. En raison des surcoûts liés à cette pollution, la Communauté urbaine de Lille a, le 22 novembre 2006, sollicité une indemnisation de plus de trois millions d’euros à la CCI.

La CCI a rejeté cette demande, par jugement du 29 janvier 2009, le Tribunal administratif de Lille a rejeté le recours indemnitaire formé par la Communauté urbaine. La CAA de Douai était donc saisie en appel et rejettera à son tour ledit recours indemnitaire de la Communauté urbaine de Lille.

Sur le manquement de la CCI à une obligation d’information

Tout d’abord, la Cour va relever que la Communauté urbaine de Lille ne rapporte pas la preuve selon laquelle le vendeur, soit la CCI, était informé de la présence des désordres objets du litige. Au contraire, l’arrêt souligne que la Communauté urbaine de Lille avait eu la possibilité de diligenter une étude de sol, en mai 2002, soit avant la conclusion de la convention d’occupation du terrain. Au surplus, la CU « n’ignorait d’ailleurs pas que le terrain avait été propriété d’Electricité de France ». La solution ici retenue par la Cour administrative d’appel de Douai est parfaitement classique.

Sur le manquement de la CCI à une obligation de réalisation d’un état des lieux

Avant conclusion, en 2003, de la convention d’occupation, la CCI s’était engagée à fournir un état des lieux à la CU, lorsque les entreprises installées sur le site auraient cessé leur exploitation. Toutefois, la CCI n’a satisfait à cette obligation que par un courrier daté du 2 septembre 2003 et parvenu le 4 à la Communauté urbaine de Lille, soit… le lendemain de la signature de la convention d’occupation du terrain. Toutefois, la Cour impose de nouveau la charge de la preuve à la requérante et relève qu’elle « n’établit pas toutefois pas que la réalisation d’un état des lieux aurait été techniquement envisageable avant cette date ». L’arrêt précise aussi que « Lille Métropole Communauté urbaine » n’allègue pas avoir accompli de diligences en vue d’obtenir antérieurement de document correspondant à un réel état des lieux et a délibérément signé la convention pour l’occupation du terrain ». Cette dernière précision doit être souligné car elle démontre que, pour le Juge, le signataire de la convention d’occupation du terrain ne peut rester « passif » mais doit au contraire démontrer avoir été « pro actif » dans la recherche de l’information relative à la qualité du sol.

Sur l’absence de violation de l’article L.514-20 du code de l’environnement

Fort logiquement, la Cour écarte le moyen tiré de la violation de l’article L.514-20 lequel fixe une obligation d’information à la charge du vendeur d’un terrain anciennement ICPE. Hors, au cas présent, c’est une convention d’occupation du terrain et non un acte de vente qui était en cause.

Sur le manquement contractuel de la CCI à l’obligation de fournir un terrain nu de toute construction

La Cour administrative d’appel de Douai s’est montrée, sur ce point, particulièrement rigoureuse pour l’appelante. Cette dernière faisait en effet état de ce que la convention d’occupation stipulait que le terrain lui serait adressé « nus de toute construction ». Préférant une interprétation pragmatique et non pas stricte de ces termes, la Cour va constater que « Lille Métropole Communauté urbaine ne saurait sérieusement soutenir, en tout état de cause, que la chambre de commerce et d’industrie ne lui aurait pas délivré un terrain conforme à sa destination ».

Sur la responsabilité de la CCI au titre des articles 1719, 1720 et 1721 du code civil

Sans surprise, la Cour va également écarter le moyen tiré de la violation de ces articles du code civil. Ces dispositions « ne sont pas applicables aux conventions d’occupation du domaine public, lesquels échappent aux règles de fond propres au droit privé ».

Sur le principe pollueur payeur

Enfin, la Cour administrative d’appel de Douai va également écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe pollueur payeur « la chambre de commerce et d’industrie du Grand Lille n’étant pas à l’origine de la pollution des terrains en cause ».

En définitive, le recours indemnitaire de la Communauté urbaine de Lille, dirigé contre la CCI sera donc rejeté. L’intérêt de cet arrêt tient sans doute à la rigueur avec laquelle la Cour administrative d’appel de Douai fait peser la charge de la preuve sur la requérante. Au-delà de cette question afférente à l’administration de la preuve, on observera également que la Cour se montre particulièrement rigoureuse s’agissant de l’analyse des circonstances de faits et de l’attitude de la Communauté urbaine. Outre le fait que la Cour relève que cette dernière a bien eu la possibilité de s’informer sur l’état du site, il est intéressant de relever que la Cour exige d’elle un comportement actif et non passif, à la recherche des informations nécessaires à la réalisation de son projet.